Le plus « Karl Marx »
Un des épisodes les plus tragiques, certes, mais une tragédie sans l’humour nuançant habituellement les aspects « super-héros » de notre sabreur aveugle favori, ici gros branleur qu’il est cap’. Même que ouais. Et que j’peux tirer à l’arc dans la cible la plus petite, et que j’tue un papillon à 3 mètres rien qu’en lançant un cure dent, etc.
Quelques phrases détonnent : « C’est facile pour toi de tuer : tu ne vois pas le sang ni les visages défaits des victimes», et Rentaro Mikuni joue un vilain franchement atypique, usant déjà avec vilenie des techniques de management/RH actuellement en vigueur dans nos entreprises (« tu as raison », « je suis d’accord avec toi », « ce que tu dis est intéressant », « je vais voir ce que je peux faire, mais tu sais au-dessus… Bouhouhouuuuu, tu peux pas comprendre...» etc, pour mieux tirer dans le dos du brave t'availleu' ensuite). Pour le reste, c’est gentiment soporifique. A cause principalement d’un scénario un peu long à la détente et d’une mise en scène manquant singulièrement de dynamisme.
Un des meilleurs Zatoichi
Ne surtout pas craindre le superlatif. Cet épisode 16 (titre Wild Side :
Le Justicier) est l'un des fleurons de la série. Historique parce qu'il s'agit du tout premier opus de la série réalisé hors du giron de la Daiei (et donc produit par la société de Katsu Shintaro qui comme le veut l'usage, signe en outre la sympathique chanson du film), il est en outre absolument remarquable pas ses divers mérites cinématographiques. Profondément marqué visuellement par la rencontre de deux très grands de l'époque, le réalisateur Yamamoto Satsuo et surtout le génial directeur de la photographie Miygawa Kazuo (collaborateur notamment de Kinoshita, Kurosawa, Ozu et surtout le Mizoguchi des dernières années), le film est une splendeur. Rarement la campagne japonaise sera apparu si magnifiquement photographiée dans un des films de la saga. Par ailleurs toutes les qualités habituelles de la série se retrouvent ici à leur plus haut niveau : structure à la progression cathartique parfaite, combats superbes (notamment dans l'une des dernières scènes, sous la pluie, qui plus que
Les Sept Samouraïs auraient bien pu inspirer l'un des flash-backs du
Zatoichi de Kitano), bel usage de musiques majoritairement occidentales, remise en question du personnage toujours aussi attachant de Zatoichi, argument social (on est là plus que jamais dans un shomin-geki) marqué par les convictions communistes de Yamamoto qui vient ici rappeller que
Zatoichi est avant tout une série progressiste, dimension crépusculaire... Par ailleurs le film emprunte beaucoup au genre le plus populaire de l'époque, le Ninkyo-eiga, dans sa structure d'abord (même si le scénario est celui d'un matatabi no mono classique), puis dans ses thèmes : opposition bien/mal articulée par le respect ou l'absence de respect des valeurs traditionnelles, « méchants » pro-shogunat qui utilisent des armes à feu au détriment du sabre...etc. Assez de qualités pour que l'on passe sans s'arrêter sur les quelques rares petits défauts de l'ensemble (l'une ou l'autre scène grotesque et une sous intrigue à la dimension mélodramatique peut être un rien trop forcée). Un film hybride donc, certes pas très différent des autres très bons épisodes de la série, mais avant tout une réussite dans l'alliage entre le genre ancien et le nouveau, les valeurs ancestrales dont Zatoichi est le produit et le pourfendeur à la fois, et la pression souterraine du progrès qui s'insinue lentement dans les veines d'un genre, d'une époque et d'une esthétique.
Tout premier Zatoichi produit par KATSU Shintaro lui-même !
Des changements de ce fait ? Non pas vraiment, l'ambiance reste égale aux précédents épisodes. Le scénario est quand à lui coupé en deux petite histoires qui s'emboîtent l'une à la suite de l'autre, c'est la première fois que le film possède deux parties indépendantes aussi marquées. Il y a l'histoire principale qui n'est autre qu'une aide aux paysans par un Zatoichi itinérant, mais aussi un bout de la vie de Zatoichi en tant que masseur sédentaire. Chacune apportant son lot de nouveautés, à savoir beaucoup de sagesse dans la première, véhiculée par un bienveillant samouraï sans sabre. Dans la seconde, on en apprend un peu plus sur le quotidien de notre masseur, lorsqu'il n'est pas mélé aux querelles de clans directement.
Peu de présence féminine cette fois-ci, mais une morale très intéressante qui ferait presque passer Ichi pour un méchant ! ;)
J'ai aimé la façon de cet épisode a été façonné, tout en gardant les codes de la série.