Lorsque l'on entend parler d'une nouvelle production des studios Ghibli, on pense tout de suite à une chef d'oeuvre de l'animation comme Mononoke ou Chihiro, mais pas forcément à un style aussi épuré et simpliste dans les dessins. Je dis bien dans les dessins, parce qu'en ce qui concerne le fond du film et les histoires qui pimentent la vie de la famille Yamada, il n'y a vraiment rien à reprocher. C'est là qu'est le réalisme du film et ça vaut vraiment la peine d'être écouté avec attention.
Pleines d'humour et de "sagesse", les aventures des Yamada sont à consommer sans modération ;)
... qui font ce grand tout ! Lorsque Isao Takahata se permet de conseiller aux coréens de faire des dessins animés destinés en premier lieu aux coréens(*), c’est à n’en pas douter à ses copains les Yamadas qu’il doit penser. Ce type d’approche permet en effet de faire preuve d’une vraie sincérité, de plaire aux plus grand nombre - même si ça n’a pas été le cas sur ce film, battu au box office par l'invincible Pokémon - le film- et de montrer aux autres pays les très nombreux points communs qu’ils partagent. Mr Takahata, son équipe des Studios Ghibli et le matériau d’origine d’HISAISHI Ishii , fait de « yonkomas », des petites BD verticales de quatre cases, un peu comme Garfield avec ses trois cases horizontales, font ressortir l’aspect profondément japonais de ce film. Ces dessins à priori simplistes, le rendu du style « lavis animé », déjà piqué aux chinois (cf. "Les Trois moines et autres histoires), associé à une 3D high-tech propre aux animés japonais, le recyclage de vieux contes avec les naissances virtuelles de Naboru et Nonoko, chacun surgissant d’une pêche géante ou d’un bambou ; sans oublier les haikus, ces tout petits poèmes japonais clôturant chaque sketchs : tous sont des éléments profondemment ancrés dans la culture japonaise. Ils servent à décrire une famille typique et moderne, qui elle-même nous parle de saké, de pachinko etc, bref, tout ce qui a trait au quotidien d’un microcosme urbain japonais moderne. Mais là où une première lecture aurait tendance à rapprocher cet animé d’une quelconque sitcom américaine, un œil plus acerbe y verra une critique lucide doublée d’une marque d’affection manifeste à l’égard de tout un peuple.
Plusieurs composants tirent malgré tout l’œuvre vers le bas, un bas que Takahata ne conçoit pas comme tel parce qu'en ce qui le concerne ça n’en est pas un, de bas, puisqu’il aime à créer des œuvres qui n'hypnotisent pas, qui n’impliquent pas le spectateur dans un monde virtuel. Cette note d’intention, rare au Pays du virtuel sacré, est à ce point constante dans les créations de Takahata qu’il considère lui-même Le Tombeau des Lucioles comme un échec sur ce point, son film paradoxalement le plus connu dans lequel il souhaitait que les enfants en arrivent à remettre en cause le choix fait par le jeune Seita de fuir la maison de sa tante. Mais ce passage, tout sauf manichéen, avait été noyé – c’est le cas de le dire – dans le drame éprouvant de la seconde moitié du métrage. Cette approche conceptuelle des Yamadas - un nom commun comme l'est Martin en France - liée à ce mixage de sketchs de la BD, donne naissance à un film léger, un peu distant par endroits. « Du danger de la non immersion » que certains pourraient prôner en estimant que la réflexion doit survenir après le film, après que le sas de décompression ait été franchi, donc après une nécessaire immersion. Pas avant.Les dessins reprennent le style du mangaka Hisaichi, ne façonnent que succinctement les décors et autres personnages sans importance (les anonymes dans le métro ont un rond gris en guise de tête) pour se concentrer exclusivement sur cette famille et ses petits tracas, autant internes qu’externes, et c’est seulement à la toute fin du métrage, pour universaliser le message et mélanger cette famille avec d’autres, du Japon et d’ailleurs, qu’une horde de nouveaux personnages fait sont apparition et que les décors, colorés et détaillés, sont alors déclinés jusqu’à l’horizon. La reprise japonaise de la chanson « Que sera, sera » retentit enfin pour conclure de façon optimiste cette assimilation d'un fatalisme réaliste, ceci étant définitivement LA marque de fabrique d’Isao Takahata.
« Mes voisins les hommes » aurait pu être le titre de ce vrai-faux petit film dont le budget avoisine celui de Princesse Mononoké, une armada de toutes petites choses qui, mises bout à bout, constituent un tout. La vie n’est pas toujours un scénario "Point A- Point B" mais bien souvent un ensemble de petites historiettes formant l’essentiel des souvenirs, le tout d’une existence lambda traitée ici avec un formidable respect.
(*) SICAF 2006, Cf. Hancinema.net ainsi que notre dépêche du 05 juin 2006 où l'on peut y lire que Mr Takahata n’y va pas avec le dos de la cuillère avec le cinéma d’animation coréen.
Merci à Buta-connection.net et à Yamada-no-manga.net, deux sites très complets sur Takahata et les Yamadas. Quelques éléments non négligeables y ont été piochés pour compléter ce texte.
Au départ, le pari est loin d'être gagné, mais comme toujours avec Ghibli, au fur et à mesure que le film se déroule, on est attiré irrésistiblement vers les personnages attachants et l'ambiance unique et on se surprend à arborer le sourire béat du bonheur. Pourtant ce n'est pas l'histoire bien ficelé qui permet d'apprécier puisqu'il n'y en a pas vraiment, plutôt une suite de sketches, un genre de "madame est servie" japonais (ça, c'est de la référence), mais hypnotique.
Miyazaki nous prend à son piège une nouvelle fois. Moi qui croyait que les histoires des studios Ghibli étaient ce qui me faisaient craquer, voici la preuve que même sans scénario complet, la formule magique marche aussi, et nous suivons le pas sans bouder notre plaisir.
Un film frais, pur, drôle, mettant en exergue la famille japonaise et son mode de vie, des dessins de toute beauté malgré le vide serein des décors. Une ambiance vraiment unique et une animation irréprochable retouchée à la main, du grand et très beau boulot.
Mention spéciale pour la séquence du motard qui, avec son design beaucoup plus réaliste, arrive comme un cheveu sur la soupe mais réussit pourtant à captiver d'entrée et à transmettre une grande tension au milieu du comique ambiant.
Mes voisins les Yamada est le dernier film d'animation réalisé par Takahata Isao pour les studios Ghibli. Après le magnifique Princesse Mononoké, ce film paraît plus expérimental du point de vue technique. En effet, le style adapté est proche de l'aquarelle avec ses tons pastel et du crayonné avec des dessins allant à l'essentiel (peu de décors, des personnages et des objets stylisés et peu détaillés).
Cela donne au scénario une autre importance : il est mis en avant par rapport à l'image. Il décrit simplement les affres de la vie quotidienne d'une famille moyenne japonaise sur des thèmes aussi variés que les relations père fils, les conflits de génération ou les courses à effectuer. Bien que typiquement japonaise, cette famille n'est pas très éloignée de la notre. Au travers de cette dernière, Takahata prône une certaine philosophie pour la vie de tous les jours, renforcée par la lecture de proverbes japonaise (Bâsho). Cela nous permet une introspection par rapport à notre propre vie et nous questionne quant à nos actes vis à vis des autres : une réflexion bien nécessaire lorsque l'on voit l'évolution de la société.
Avec ce film non conventionnel, Takahata atteint un nouveau stade de l'évolution du film d'animation : à ne pas manquer.
Très bien senti, mais les graphismes, mon Dieu, qu'est-ce que ça fait mal aux yeux, surtout au cinéma ! Le choix d'un fond blanc pendant la majeure partie du film et d'une animation saccadée particulièrement fatigante lors de scènes de mouvement amples (caméra dans la voiture ou survol de la ville) prête à mon avis à discussion. Que l'on veuille épurer le visuel pour faire ressortir les personnages et les dialogues, soit, ça s'est déjà vu ailleurs, dans South Park par exemple. Mais était-il nécessaire d'adopter un style si radical au risque de laisser beaucoup de spectateurs sur le bord du chemin ? Je n'en suis vraiment pas convaincu.
Les graphismes mis de côté, Mes voisins les Yamada est heureusement une comédie assez jouissive qui croque la vie quotidienne d'une famille japonaise avec beaucoup de justesse et d'humour au travers de petites saynètes de quelques minutes. Cette déconstruction du récit, Takahata la double d'une réflexion philosophique intéressante sur le sens de la vie, et principalement de la vie de couple. Cela donne lieu à des scènes féeriques où la famille Yamada vogue sur l'océan avant de se retrouver emportée par le vent sur un tapis volant, au rythme de mélodies magnifiques. De brefs instants de poésie qui raviront l'esprit et pousseront les plus courageux à écrire leurs propres haïku !
Des graphismes surprenant…
La première chose qui marque dans Mes Voisins les Yamada est le dessin. Comment pourrait-il en être autrement d’ailleurs alors que Takahata Isao a choisi de donner à son film le style des aquarelles plutôt que de travailler avec une approche plus classique ? Ainsi les dominantes sont les couleurs pastels, associées à un trait très épuré et minimaliste, le tout formant un ensemble remarquablement bien adapté au fond du récit. Pour aboutir à un tel résultat les studios Ghibli ont d’ailleurs très largement utilisé l’outil informatique (l’ensemble de l’animation et des couleurs ont été réalisées sur ordinateur).
On ne peut pas dire que l’ensemble ne soit pas surprenant au premier abord, surtout lorsque l’on a en tête les dessins merveilleux des autres production du studio ( Princesse Mononoké, Pompoko, Le Tombeau des Lucioles… en fait on a un peu le sentiment de passer de la peintures classiques à l’art moderne), mais il faut reconnaître que l’essai est plutôt concluant, et ajoute sensiblement au comique des aventures de la famille. Les personnages se font également moins caricaturaux lorsque l’histoire se fait plus sérieuse (je parle ici de la rupture lorsque Takashi va discuter avec les voyous à moto). A ce moment le dessin est réellement magnifique, même si toujours dans ce style très particulier, entre l’aquarelle et le crayonner.
Vous l’aurez compris : ne vous attendez pas à voir un style de dessin proche de celui des autres productions du studio. Pour autant, même si ce style ne ferait pas mes grands dimanches, il n’en reste pas moins une expérience intéressante, qui plus est bien adapté au récit et respectueux du design du manga original.
… au service d’une histoire drôle et si proche de nous…
Côté histoire, il est vraiment difficile de donner ici un résumé. En effet il s’agit d’une succession de scénnettes, de tranches de vie assez cocasses, séparées par des proverbes assez grandioses (il y a des sens cachés à ces phrases, mais lesquels ?), ce qui rend le rythme du film très inhabituel. Pourtant la somme de ces histoires forme un ensemble remarquablement cohérent et très drôle. En fait si un humour fin est omniprésent, on ne peut s’empêcher de sentir ces personnages proche de nous. Leurs habitudes, leurs petits défauts, mais aussi leur bon côté et l’amour qu’ils se portent.
Il est tout de même intéressant de voir à quel point certains comportements sont universels : la bagarre pour choisir entre sport et film à l’eau de rose à la télé (devinez entre qui…), le mari totalement aux fraises au retour du bureau, les départs à l’arrache, le gamin qui s’endort sur ses devoirs…
Une étude très drôle de la vie quotidienne donc, qui prend même parfois un relief particulier pour les membres du site : le gars qui s’endort sur son boulot, totalement déchiré, en retard, ou disant « je dois acheter du pain de mie, zut j’ai oublié mes sous… », mais oui, c’est Kame ! Un condensé de toutes les gaffes des Yamada à lui tout seul notre cher collaborateur ! Bref, arrêtons là les private joks….
Un film à voir, sans aucun doute
Même si Mes Voisins les Yamada n’est pas à mes yeux le meilleur Ghibli, il n’en reste pas moins un film drôle et agréable, avec une approche graphique innovante et intéressante (même si ce style ne justifie pas forcément un écran géant pour l’apprécier), et des musiques très agréables. A voir, tout en sachant que ce film reste plus proche de la catégorie Art et essai que grand public.