Xavier Chanoine | 2.75 | Prise de risques permanente pour le meilleur et pour le pire |
Ordell Robbie | 1 | Original mais plombé par le gnangnan et les facilités tire-larmes. |
Anel | 2 |
Bande annonce
Avec Written By, Wai Ka-Fai se lance une nouvelle fois dans une course à la prise de risques permanente. Comme aveuglé, à l’image de ses interprètes, par une soif de faire à tout prix du cinéma décalé et audacieux dans son écriture. Son nouveau projet tortueux peut sembler fragile, constamment sur le fil, la faute à une interprétation que l’on devine déjà catastrophique (imaginez les acteurs de Hong Kong d’aujourd’hui s’amuser à jouer les aveugles) et des situations poussées à l’extrême pour expérimenter le pitch de départ dans tous les recoins : une famille est décimée dans un accident de voiture, suite à un choc avec un poids lourd. Tout le monde s’en sort vivant, excepté le père de famille (Lau Ching-Wan). Si Oscar et sa maman vont bien, merci pour eux, Melody sort du choc complètement aveugle. Affectée par la disparition du papa-poule modèle que l’on pleure indéfiniment, en faisant tout pour honorer sa mémoire et prouver que l’on peut encore avoir de sacrés projets malgré l’infinie tristesse, gambatte, comme lorsque maman reprend ses études et décroche son diplôme des années plus tard, la fille, Melody, décide d’écrire une histoire. Ou de réécrire une histoire, la sienne, dix ans plus tôt au moment de l’accident de voiture. Cette fois-ci, tout le monde meurt et se retrouve à discuter autour d’une partie de Mah-jong avec les anciennes gloires de Hong Kong. Non je déconne, la jeune fille décide de redonner vie à son père par l’intermédiaire de sa plume, mais elle et le reste de sa famille partent au Royaume des cieux à sa place. Belle mais étrange preuve d’amour. En revanche, ce qu’elle ne sait pas encore, c’est que son histoire va interagir avec la réalité, opposant le monde des vivants à celui des morts, un univers tenu par l’esprit Meng Por incarné par une belle plante tout de noir vêtu. Ambiance.
L’originalité du script de Wai Ka-Fai est de faire interagir deux univers sans aucun soucis de réalisme. Quitte même à embrouiller le spectateur, forcé de rester concentré pour différencier le réel du spirituel. Dans une même séquence, certains personnages deviennent même plus jeunes pour rappeler les évènements qui eurent lieu avant l’accident de voiture. Les personnages s’entremêlent à travers les mondes et les époques, semblent se toucher, se frôler, puis se retrouvent au travers d’un épilogue émouvant mais forcé dans les émotions qu’il transmet. Voilà d’ailleurs l’un des problèmes de ce très hongkongais Written By, jouant constamment sur la capacité du spectateur à encaisser des séquences larmoyantes sur près de 90 minutes. On y voit un Lau Ching-Wan aux yeux humides, tomber en sanglot après avoir goûté des mets ressemblant fortement à ceux de sa défunte femme, préparés un soir par une entité mystérieuse – en réalité sa femme, mais il la croit morte-, mais la performance de l’acteur frise très souvent le ridicule. Les traits sont grossis, sa boniche Maria joue comme une casserole, difficile de jouer les aveugles sans cabotiner. Surtout lorsqu’il se casse la figure par terre et que l’on en rit. En dépit d’une interprétation globalement assez affligeante et d’un traitement privilégiant la fatalité à toute forme de reconstruction possible (comme l’accident du balcon), le film réussit l’exploit d’être poétique par petites touches : Melody sur le point de se jeter d’un toit mais renonçant par amour de ses proches, ce train menant vers l’au-delà, cet appartement déplacé en pleine forêt mystérieuse et éclairée à la lanterne, mais c’est surtout la superbe musique de Xavier Jamaux qui réussit à donner du corps et une partie de mystère –annihilée par l’interprétation balourde et le traitement scénaristique général- au film. Constamment à la limite de tomber dans le grotesque, Written By est un exemple du film in extremis. In extremis parce qu’incroyablement chargé dans ses décors et ses couleurs, dans sa bande-son ou dans ses retournements et son écriture très libre. Les esprits auraient sans doute préféré plus de simplicité et de légèreté.