Fenêtre sur coeur
"Les clichés les plus énormes passent, du moment qu'ils sont réalisés avec classe par un réalisateur respectueux" me fait remarquer mon voisin de siège slovaque à l'issue de la séance – et c'est exactement le cas de "The window". A avouer que pris à part, les séquences de butinage d'abeilles, cascades d'eau et prairies fleuries et surtout ce couple de jeunes amoureux se coursant au ralenti entre des arbres aurait de quoi faire rire aux éclats; pourtant répétées à outrance dans "The window", ces scènes ont une formidable résonance et font du bien à l'âme dans ces temps de femmes enceintes éclatées (Dream Home; Fire of cosncience). Kong n'a jamais caché son côté fleur-bleue et profondément croyant et on en viendrait presque à envier ne pas pouvoir se lâcher autant que les deux protagonistes.
Ensuite, il faut savoir resituer le film dans son contexte historique. 1968, l'avènement de l'amour libérée flower power et au plus fort des gros mélodrames romancées, où l'on s'aimait d'un amour pur. Or, Kong détruit une nouvelle fois bien des codes et institutions pour faire progresser le cinéma HK à pas de géant. Quelle audace, que de donner le rôle d'un véritable "bad boy" à un bellâtre (et bedonnant !!) Patrick Tse au plus fort de sa gloire…Et on mettra du temps à le prendre en sympathie après ses premiers coups vraiment très bas et méprisants. Ensuite, il y a Josephine Siao, belle à se damner et qui a accepté d'interpréter le rôle d'une jeune femme pauvre et…aveugle…Or, les handicaps physiques étaient très mal vus à l'époque avec tout un pan de la société mis au ban d'une société en plein essor économique, qui n'avait cure de s'embarrasser des assistés. Siao voyait là un véritable défi en tant qu'actrice et c'est d'ailleurs grâce à sa pugnacité, que Kong reçut l'argent nécessaire au financement du film – et surtout la participation de Tse, pas très enthousiaste à l'idée de jouer les gentlemen cambrioleurs.
En résulte un film extrêmement fort, modèle des films de "Teddy Boys & Girls" à venir, mais qui se place bien au-dessus du lot de ses concurrents par la qualité de ses interprètes, l'histoire soignée et surtout cette belle leçon de morale, quasi religieuse dans sa volonté de rédemption.
Du très grand cinéma populaire !