Chasse à la femme
Pourquoi s'infliger autant de films thaïs de plus bas niveau ? Pour espérer trouver la petite perle, pardi, LE film qui en donnerait pour tous ses efforts dans une cinématographie par trop méconnue. Et même si la plupart des titres sont loin de pouvoir convaincre, le cinéma thaï offre des véritables morceaux de choix à l'intérieur des pires bouses, que l'on ne retrouve rarement ailleurs (ou alors seulement dans d'autres cinématographies asiatiques, comme les films HK de la belle époque ou des films d'exploitations nippons – après ça dépend évidemment ce que l'on recherche…).
"The Passion" est l'une de ces perles…du moins pour MOI. Une aberration cinématographique, un projet tout simplement incroyable et que l'on ne peut se demander comment le réalisateur a pu réunir les fonds nécessaires pour mettre cette histoire totalement débile en images. Sans aucun doute sur son simple nom: Wongkrachang Sarunyu est un acteur de talent, une vraie "gueule" du cinéma thaï, qui est notamment apparu dans des films récents tels que "Suriyothai", "Hit Man File", "13" ou encore "King Narusean". Le type d'acteur charismatique, qui dégage un petit air magnétique entre le Bien et le Mal; le type d'homme, que l'on n'aimerait pas croiser totalement bourré sous peine de ne plus pouvoir calculer ses prochains faits ou gestes. Le mec sympa, mais un peu borderline.
C'est justement de cette image, qu'il joue dans "The Passion". Il interprète un improbable directeur de salles de cinéma, qui a fait installer des caméras à pleins d'endroits "stratégiques" pour pouvoir se rincer l'œil, notamment dans les toilettes des filles ou dans les couloirs, de manière à pouvoir regarder sous leurs jupes. Le pendant thaï de William Baldwin dans l'inoubliable "Sliver" de Philip Noyce de 1993 (mon Dieu…déjà ?!!).
Voilà, le ton est donné pour permettre de passer la seconde à ce film d'exploitation dans le plus pur style des produits d'exploitation vidéo nippons des années 1980. Wongkrachang va flasher sur une belle inconnue et tenter de la violer dans les toilettes des femmes avant de donner l'ordre de condamner toutes les sorties du complexe cinématographique pour la chasser ensemble avec ses hommes. Une terrible chasse à l'homme (ou plutôt femme) commence, puisqu'il peut suivre ses moindres faits et gestes grâce à ses nombreux caméras.
C'est nul ? Totalement ! Mais ça donne lieu à un survival burné au cours duquel Praew, flanquée d'une Koa sortie on- ne-sait-trop-d'où va devoir se dépasser pour garder sa petite culotte. Et elle a tôt fait de se dépasser, en tuant sans trop se poser de questions à coups de batte ou en mettant le feu à ses adversaires (et leur jetant de l'huile dessus, pour qu'ils flambent mieux).
L'affiche est dans ce sens plus que trompeuse: il y a bien moins de sexe (tant qu'une tentative de viol puisse être perçue comme du sexe…), que de la violence incroyablement brutale, viscérale et totalement gratuite.
Il manque un sacré talent de metteur en scène au comédien, qui s'octroie au passage le premier rôle, le coquin !! Les errances dans les couloirs sont filmés sans grande imagination et auraient pu pousser le trouillomètre en prenant avantage de la typographie particulière des lieux (des longs couleurs labyrinthiques pourtant parfaitement éclairés); aussi Wongkrachang ne pousse son concept pas tout à fait jusqu'au bout en tentant maladroitement d'insuffler un semblant d'intrigue et de rebondissement ultime dans la dernière bobine du film. Epine perdue; il aurait sans aucun doute mieux valu d'assumer ce bout de pelloche enragé et totalement Z, plutôt que de se la vouloir jouer "malin". Il n'empêche: dans une économie cinématographique plutôt ronronnant, où la violence est servie à petites doses et le sexe quasiment banni en raison de la pudeur typique du merveilleux pays qu'est la Thaïlande, "The Passion" fait l'effet d'une sacrée bombe. Et en ce sens – et SEULEMENT en ce sens, pour tous les curieux courageux, qui voudraient tout de même jeter un coup d'œil – ce film est une putain d'expérience.