Une comédie de moeurs assez réussie, discrète et modeste mais qui ne manque de qualité voire d'ambitions.
C'est une histoire très "mignonne" avec beaucoup de personnages attachants que les auteurs ont su rendre très vivants. Comédie oblige, leur caractère est forcément un peu exagéré : la veuve de 50 ans qui séduit en gloussant le propriétaire, l'artiste bohème à l'allure plus que négligé, l'employée qui néglige sa beauté alors qu'elle est ravissante...
Mais le travail de la réalisation fait largement oublier ces légers stéréotypes avec une réalisation plus virtuose qu'elle n'y parait en jouant énormément sur la profondeur de champ avec ces personnages qui vont souvent dans un bar à étages en face de la boutique du père. Ce qui permet souvent d'avoir de l'action sur plusieurs niveaux de l'image.
Ca dynamise considérablement la narration d'autant que ça permet de créer des contre-points ou des touches décalées. Ca donne un petit aspect "film choral" renforcé par l'utilisation très brèves de voix-off qui nous font entendre le temps d'une ou deux les phrases les pensées d'une bonne partie des protagonistes. Pour la séquence du bal/vernissage de l'exposition, ça devient même un brillant moment que n'aurait pas renié Blake Edwards. La réalisation est d'une fluidité admirable, glissant d'un personnage à l'autre dans des travellings circulaires qui témoigne dune excellente gestion de l'espace malgré un espace réduit. Le tout rythmé par les pas de danses, les touches d'humour, les voix-off (souvent drôles), l'étude de caractère, les émotions des personnages se révélant... 10 minutes virtuose mais comme je disais au début, une virtuosité jamais ostentatoire.
Le film s'amuse ainsi régulièrement à se moquer avec tendresse et malice des petits travers des hommes et des femmes qui peuplent son film (la scène où deux filles en pleure s'enfuient successivement pour se cacher dans une cabine téléphonique, l'employée tellement fier de son amoureux qu'elle tombe en larme dans les bras de celui-ci comme s'ils étaient en couple depuis des années).
Mais Nakahira étant Nakahira, il intègre aussi une sous-intrigue surprenante avec le père qui se souvient d'un amour de jeunesse et dont il rencontre par hasard la fille qui lui ressemble exactement. Quand celle-ci découvre ce qu'il a représenté pour sa mère (via des lettres laissées en héritage), elle décide de leur accorder le baiser qu'ils n'ont jamais pu se donner en se substituant à sa mère.
Alors qu'on aurait pu sombrer dans des relents incestueux, il n'y a rien de malsain dans ces scènes là. Comme souvent chez le cinéaste, la pureté des sentiments échappe à la moral et aux conventions. D'où un moment magnifique et vraiment émouvant, d'une grâce et d'une délicatesse merveilleuse. Et comme l'actrice est jouée par Izumi Ashikawa, c'est encore mieux... Elle est vraiment l'Audrey Hepburn japonaise la douce Izumi
Voilà, une très belle découverte pour un film léger et drôle mais qui n'oublient jamais ses personnages (ni sa maîtrise technique).