Le film qui déclencha ma passion pour le cinéma coréen fut Memento Mori, j'avais été abasourdi par ce talent à utiliser le cinéma de genre pour faire passer des émotions et des thèmes dignes d'un cinéma plus dramatique, plus humain. Et maintenant, pour la seconde fois, cette fameuse "Korean Touch" réapparaît avec Secret Tears, qui de par son intelligence et sa complexité, renvoie bien des films aux oubliettes...
Comme d'habitude, dans les productions coréennes d'envergure, on sent tout le travail technique derrière le film, chaque plan étant pensé, réfléchi et perfectionné à l'extrême, comme si chaque image/seconde devait être un tableau de maître en soi. Mais il va de soi, qu'il faut un liant à toute cette beauté picturale, et comme par magie, le réalisateur redonne ses lettres de noblesse au fondu au noir, exploitant judicieusement cette technique pour mieux faire ressortir le drame et le sens des scènes. Mais il ne s'arrête pas là et nous gratifie d'arrêts sur images sidérants de maîtrise sans que jamais on n'en vienne à rejoindre cette figure de style à un quelconque courant clippesque car dans ses arrêts sur des figures immobiles ou en mouvement, il y'a toujours un sens caché, quelque chose à découvrir derrière les apparences. De même, la bande-son n'est pas en reste et, malgré ses apparences minimalistes, est d'une efficacité redoutable quand elle se fait présente à nos oreilles: que ce soit le son de l'eau ou les sombres partitions désincarnées au piano, c'est comme si l'image pouvait s'effacer, se noyer dans ces textures sonores désespérées...
...Car avant tout, Secret Tears est un film sur la tristesse et l'abandon de la vie. Dès le début, la pluie se mêle aux larmes d'une jeune fille et sous cette terrible averse, arrive l'accident qui l'envoie voler dans les airs mais son corps flotte, comme si il lui était interdit de passer à trépas. De fait, elle s'en sort sans une égratignure et mais reste condamnée à vivre. Son seul espoir réside dans un rêve, un amour qu'elle entretient avec un homme bien plus âgée qu'elle qui la sauve du désespoir... A ce moment, c'est comme si tout s'harmonisait dans le meilleur des mondes, comme lors de cette scène où elle utilise ses pouvoirs pour redonner vie à un arbre mourant. Mais au fur et à mesure, que son passé se révèle par fragments et sinistres souvenirs, c'est son rêve d'un monde idéal qui se brise de nouveau et de même qu'elle n'arrive plus à contrôler sa tristesse, les éléments liquides se déchaînent, témoins du chaos dans lequel règne son esprit.
Secret Tears fait de nous le témoin impuissant d'une tragédie inéluctable et en même temps, il nous place comme confident intime de cette jeune fille brisée par la vie et la réalité des choses. Comme le chante Sinead O'Connor à fin: "Thank You For Hearing Me" car pour 108 minutes, on assiste à ce testament grandiose, qui va tout simplement droit au coeur...
