Ordell Robbie | 2 | Aussi médiocre que l'original: artisanat planplan et acteurs cabotins. |
Xavier Chanoine | 3 | Malgré ses ficelles passe-partout, un agréable moment |
Pourtant, en dehors des points soulevés ici, Rickshaw Man dessine le portrait touchant d’une grande gueule, personnage marginal qui réussira à trouver une certaine stabilité grâce à Yoshiko et son fils Toshio. Ces deux derniers représentent la famille qu’il n’a jamais eue, ses rares points de repères. Mais Inagaki pèse le pour et le contre d’une telle relation puisque Matsu finira par tomber amoureux de Yoshiko, mais incapable de lui avouer ses sentiments, il préfèrera s’abandonner à la solitude et à l’alcool. Le personnage de Matsu est une figure masculine presque héroïque qui scie parfaitement à Mifune Toshiro. Inagaki lui a toujours offert –et continuera jusqu’à son dernier film en 1970- des rôles à la hauteur de ses ambitions et préférences (on sait que son personnage de Barberousse en 1965 lui vaudra une dispute de trente ans avec Kurosawa Akira), sorte de personnage bagarreur et peu éduqué, cachant une grande fragilité et sensibilité au fond de lui, à la fois sauveur et père spirituel du jeune Toshio jusqu’à son adolescence. Et à partir du moment où Matsu ne se sent plus particulièrement aimé par son jeune protégé, devenu à présent étudiant émérite, Inagaki filme sa lente agonie à travers les saisons. On reprochera le trait sans doute trop appuyé, avec un Mifune courbé et vieillissant, tandis que Yoshiko garde son tain des plus beaux jours. Le cinéaste garde néanmoins ce sens du divertissement en faisant s’entrecroiser personnages marginaux et situations entraînantes (la bagarre au sein du théâtre, la course, la parade des tambours…) tout en s’attardant sur le passé du personnage de Mifune malgré un résultat pas tout à fait à la hauteur : la farandole d’effets kaléidoscopiques, de distorsion ou de flou n’ont guère plus d’utilité si ce n’est d’impressionner pour l’époque. Aujourd’hui, ces effets paraissent faire tache dans un tableau pictural lorgnant pourtant davantage du côté du classicisme de studio. La conclusion tout en feux d’artifices, éclabousse l’écran par ses effets spéciaux, jusqu’aux effets de solarisation surlignant beaucoup trop l’aura nostalgique et émotive du personnage de Matsu, déjà bien alourdie par la symbolique de la roue du pousse-pousse. Inagaki tombe donc dans le panneau du cinéaste que veut trop en faire pour épater la galerie, mais offre à Mifune un rôle digne des personnages caractériels qu’il aimait tant incarner. L’amateur appréciera à la fois les aboiements et la timidité du pousse-pousse.