Vivre libre et mourir
Si les cerveaux de Wakamatsu et Adachi avaient su accoucher d'un enfant bâtard, qu'ils auraient élevé à la lecture de Murakami Ryu et au visionnage d'Oshima Nagisa, ce bâtard serait très certainement devenu quelqu'un comme Katashima Iike…
Son 4e long-métrage, "Pure Asia" brasse donc toutes les références suscités en un véritable OFNI, qu'il est rassurant de traverser le ciel incroyablement obscur du 7e Art nippon actuel, furtivement illuminé par des pétards mouillés comme les "Bayside Shakedown" ou autres "Umizaru" à répétition et des étoiles filantes…
"Pure Asia" est un claque dans la tronche du spectateur bœuf impassible, qui en mérite, tant il fait preuve de passivité au cours de ces derniers mois et en vue des chiffres du box-office…sans parler de la tournure politique mondiale, que l'on est trop mou de vouloir combattre depuis son canapé.
C'est d'autant plus difficile de devoir endosser le costume caricatural de ce djeunz passif, qui se fait raqueter par des camarades de classe avant de se faire sauver par une jeune "Sassy Girl" fort entreprenante…La honte absolue, quoi, mais impossible de l'oublier, celle que l'on a lâchement abandonnée sur le quai d'une gare, trop timide pour la suivre tête la première dans une folle aventure que l'on ne saurait maîtriser…Mais voilà, que la testostérone reprend le dessus, on se fait beau, on emmène sa petite Pom'potte pour l'attendre à la sortie du lycée…Mais voilà-t-y-pas, qu'elle se fait planter traitreusement par trois loubards nationalistes dans l'indifférence générale…et à elle de vous balancer son nom – coréen – avant de trépasser…Honte, remords (le jeune héros adopte une position fœtale récurrente dans l'œuvre de Wakamatsu) avant de se retrouver…devant la belle ressuscitée et de la suivre dans les transports en commun jusqu'en proche banlieue pour s'en aller déterrer du gaz de moutarde, "vestiges" de la Seconde Guerre Mondiale et chercher à vraiment changer la face du monde en faisant exploser le gaz mortel aux quatre coins de Tokyo…
Voilà les 15 premières minutes d'un "Pure Asia" totalement incroyable. Démarrant comme une vague comédie romantique ultra-attendue, on pense basculer dans un fantastique à la Kurosawa Kyoshi avant d'embrayer sur une œuvrette punk aux accents Ishii-esque, Miike-éens (suffit de voir la vision "unilatérale" du nationaliste nippon) ou du bon vieux cinéma revendicatif de Tsukamoto à ses débuts. Bordel, ça fait du bien, quand ça vous prend aux tripes et l'on entamerait bien un petit karaoké avec les deux jeunes antihéros de cette ballade haletante "A bout de souffle" pour chanter la misère du monde et d'exiger, que "les pandas bien blancs soient parfaitement alignés pour constituer une 'Pure Asia'".
Alors, oui, l'œuvre peut sembler bancal avec quelques effets irritants, une mise en scène pas toujours très bien maîtrisée, because tournage avec des moyens ultra réduits, torché en un minimum de jours avec une équipe ultra réduite…Des moments plus forts, que d'autres, évidemment et des idées auxquelles on ne s'identifie pas forcément…Mais là réside l'autre grande force du film; car pendant tout le film, Iike semble adhérer à une vision aussi radicale qu'Adachi avant de réserver un ultime pied de nez et tout envoyer en un dénouement totalement tragi-comique…Car quoique l'on fasse, peu importe la vision que l'on puisse embrasser, nous sommes finalement tous condamnés à mourir d'une manière ou d'une autre, mais très souvent par la connerie des autres – et notamment une poignée de "so-called" dirigeants…Alors, vivre libre ou mourir ?!! Moi, j'ai choisi mon camp, camarade, en crevant souvent la dalle, mais en faisant ce qui me plait par-dessus et en tentant de faire bouger les choses…
Mais toi ? Toi ! TOI !!!
(et en plus il y a du karaoke, que demande le peuple ?!)
Pure Asia est un film étrange et branlant, aimant la rupture de ton et la prise de risque. Des fautes de goût, certes, beaucoup même, mais constamment rattrapées par des choses sublimes.
09 juillet 2010
par
Epikt