Le sketch le plus maîtrisé sur le plan du découpage et de la photo. Un scénario écrit en 3 jours pour une histoire excuse à un feu d’artifice « kawajirien » thématiquement bridé par le format blockbuster/grand public d’Animatrix. Entendez par là que si on ne donne pas la possibilité à Kawajiri de montrer un peu de cul et de tripes dans ses histoires, elles perdent non seulement en impact au niveau « ambiance », mais subissent aussi comme un déséquilibre graphique « brownien » tant ces moments jouent le rôle de véritables articulations (non, pas éjaculations, quoi que...) dans la mise en scène. On ne le dira jamais assez, le (bon) cinéma de Kawajiri est direct et sans ambages. Décomplexé et sans circonvolutions dans ses scénarios, il va toujours à l’essentiel dans un crescendo « carpenterien », cherchant avant tout l’efficacité narrative dans la mise en forme.
Yoshiaki Kawajiri est donc un pur réalisateur de séries B et c’est comme tel qu’il aborde son segment d’Animatrix qui se réduit, de fait, à un moment de bravoure de 10 mn. Ca ne fait en rien avancer le schmilblick de la Matrice mais permet à son auteur de faire joujou avec ses outils (les effets numériques) tout en donnant, le plus facilement du monde, une leçon de découpage et de cadrage qui fuit la facilité du « full motion » en un seul plan globalisant induite par la 3D. Ce qui est le plus impressionnant dans ce court n’est pas le plan « time-bullet » (très réussi pourtant) pendant le passage dans le forêt de bambous, mais tous ce qu’il y a avant et après, ce « sur découpage » dans la mise en scène du combat qui évoque un certain cinéma HK sans les contraintes techniques et donc plus fluide... Ceci dit tout n’est pas encore parfait dans Program et l’amateur plus « technique » aura remarqué, surtout dans la première partie du duel, qu’il y a une différence de qualité entre l’animation, plutôt raide, des personnages avec celle de la mise en scène. Quant aux décors numériques, si la 3D permet plus facilement certains effets dynamiques, il reste qu’au niveau des textures des décors l’effet « digital » est parfois trop présent. Mais on reste dans l’ordre du détail quand même...
Dès le départ, les choses sont claires, il s'agit d'une simulation ce qui laisse beaucoup de libertés à Kawajiri quant au choix du cadre de l'histoire. La Japon médiéval est une très bonne idée offrant un dépaysement complet par rapport aux autres courts se déroulant soit dans la matrice, soit dans le monde réel. A nous donc les forêts de bambous, les tori, les temples, les armures et les combats de lances. Pour mettre tout ceci en images, c'est l'opposition d'un traître potentiel (qui reprend le rôle de Cypher) et d'une jeune femme à la crinière blanche, intègre et déterminée (ça se voit très bien dans son regard), qui sert de fil conducteur. Révélation, séduction, doutes sont au programme et meublent les grandes scènes de discussions entre les deux protagonistes. Mais ce qui saute surtout aux yeux, c'est l'animation ultra-dynamique jouant avec les accélérations et les ralentis des scènes d'action (courses sur les toits, combats dans les bambous) et le dessin mis en relief grâce à du noir brut, style que l'on peut ne pas aimer et dont, personnellement, je ne ferais pas des folies pendant des heures. Au final, ce court est tout de même particulièrement réussi et fait parti de ceux qui se détachent du lot.