Aux petits oignons, les doigts coupés. Pas le cinéma de Kitano d’aujourd’hui, trop occupé à aligner les mises à mort brutales. Après trois essais introspectifs sur le Kitano « cinéaste-auteur » plus ou moins transformés, voilà que le papa d’Hana-bi s’autorise une saignée magistrale à faire pâlir les yakuza-eiga sortis ces dernières années. Et que le terme « Outrage » lui va à ravir, cette nouvelle production s’autorisant des écarts de conduite jouissifs lorsqu’ils ne sont tout simplement pas régressifs, pour le plaisir de celles et ceux qui n’attendaient qu’une chose de la part d’un Kitano devenu sans doute un peu trop chiant et complexe. Complexité du personnage Beat Takeshi ou du cinéaste adulé en occident qu’on nomme plus communément Kitano. Douce sonatine qui résonne encore aujourd’hui dans notre mémoire de cinéphile, où ces trois petites syllabes couvrent en vérité une œuvre cinématographique pas loin d’être magistrale où se confondent les plus beaux contrastes que peuvent offrir le cinéma : poésie et accès de violence, sourire et dépression, rage et sourdine. Mais bien désireux de retourner à un cinéma plus primitif et bestial pas plus original que n’importe quel produit du genre, Kitano gagne la bataille du terrain : coiffer les derniers représentants du genre qui n’avaient déjà plus rien à dire sur le sujet depuis belle lurette (Miike ?) en offrant avec Outrage un démolissage du milieu de première envergure.
L’introduction s’occupe de démontrer que le yakuza le moins haut-placé n’est qu’un larbin bon à se cramper devant son supérieur, incapable de réaliser une tâche correctement (là où un racket se transforme en humiliation), victime consentante d’une forme d’esclavage des temps modernes (même dégaine, même tenue, chaque être se confond avec un autre, ça n’a de toute manière aucune importance), dont la protection n’est bonne qu’à servir de prétexte pour le recrutement. Avec un peu de chance, le bonhomme finira menacé ou exécuté à l’ancienne. Les exécutions tiennent d’ailleurs une place importante dans Outrage, par leur inventivité mais aussi leur fréquence. C’est d’ailleurs là où le film pêche méchamment, car lorsqu’il n’a rien à dire de très original – règlements de compte et autres trahisons occupent les ¾ des conversations- il se fourvoie dans un spectacle sadique de premier choix. De premier choix, certes, mais orchestré de manière purement et simplement spectaculaire lorsqu’il n’est pas loin d’être gratuit. Le fanboy attendait Kitano au tournant et risque d’apprécier cette farce avant de se servir un autre verre immédiatement une fois le film terminé. Quelque chose ne passe effectivement pas. On a beau essayer d’adhérer à la qualité de la mise en scène, pas étourdissante mais dont la moindre séquence est mieux photographiée que 90% des films japonais actuels (quel bonheur cette absence de gris ou de DV), aux répliques truculentes et riches en autodérision (les yakuzas racketeurs acceptent maintenant la carte bleue), à la violence hilarante basculant vers le ridicule (il faut voir la tête des yakuzas amochés, recouverts de sparadraps) démontrant que Kitano n’est pas là uniquement pour faire fumer les calibres.
Tout le monde crie sur les toits que Kitano est retourné à son genre de prédilection, à savoir le film de yakuza-eiga. Difficile d’adhérer complètement à cette vision tant, de mémoire, Kitano n’a jamais réalisé pareil film, à savoir un polar dont la structure rappellerait, grossièrement, celle de n’importe quel yakuza-eiga de supermarché. Il n’est ici jamais question de poésie, de personnages tiraillés par un passé ou futur peu reluisants, d’émotions sourdes ou suggérées par la musique : tout est ici grossi et montré. On ne fait pas non plus dans le porno, mais ce nouveau Kitano là n’hésite pas à montrer dans le détail le résultat d’un massacre qu’il n’aurait sans doute pas dévoilé dix ans avant (cf.l’attaque du sauna). Pas de souvenir de pareille exposition de corps achevés dans un Sonatine, Hana-bi ou encore Aniki. Kitano a beau être ici « auteur », exposant malgré tout sa propre vision du milieu, sa signature auparavant imprimée sur chaque plan semble s’être effacée au profit d’un jeu de massacre dont le but est de faire mal ou dans le meilleur des cas, rire. Tout en régressant sur le plan artistique (après trois films introspectifs, le retour au yakuza-eiga fait ici figure de roue de secours, ça dépanne) Kitano continue sur une nouvelle lancée, message rassurant adressé à ceux qui ne croyaient plus au pouvoir commercial de ses films. Outrage contient malgré tout de bonnes choses sur le plan humain : un Kitano effacé occupant au maximum quelques séquence, jouant les anges de la mort avec sa redoutable froideur, et les plus belles scènes du film centrées sur la relation aigre-douce qu’il entretient avec l’un de ses anciens frères d’arme, piètre boxeur, passé dans le camp opposé. Le reste est efficace mais à aucun moment marquant. Pas sûr que cette nouvelle orientation plus commerciale et brute de décoffrage soit la meilleure solution (le générique final indiquant l’existence prochaine d’un « Outrage 2 »), mais une chose est au moins sûre, Kitano n’a pas encore perdu la main. On espère juste qu’il s’en servira autrement, un jour.
Simple envie de revenir vers un genre, qu'il affectionne depuis son enfance ou – plus plausiblement – un film de valeur sûre pour rassurer ses co-financiers mondiaux après sa trilogie auto-psychanalytique et nombriliste (Takeshi's, Glory…, Achille), Kitano signe un yakuza eiga…de plus. Envolés charme et poésie de ses précédents, cette fois Kitano se réfère largement aux très nombreuses productions vidéo des années 1980 avec une histoire extrêmement simpliste sur fond de musique synthé, qui enchaîne assez gratuitement les scènes de violence…C'est – selon Kitano – c'est que public, critiques et financiers attendent de lui: signer des "morceaux de bravoure de violence"…Et c'est parti pour une longue suite d'actions et ré-actions de meurtres en tous genres, de préférence de manière surprenante avec des vrais morceaux de choix (le coup du "dentiste" et de la corde sont d'ores et déjà cultes).
La mécanique est huilée, les images assez belles, l'histoire limpide. En revanche, le résultat final ne se distingue pas vraiment de ses modèles. Kitano dit avoir voulu éprouvé la structure même du yakuza eiga en démultipliant fausses pistes et rebondissements. Il y a effectivement quelques surprises réservés en toute fin de film, mais rien qui vaille la peine de se couper un doigt...Les personnages sont très peu charismatiques (Kitano s'est entouré d'une toute nouvelle équipe), l'intrigue franchement convenue voire même ennuyeuse et le dénouement finalement très attendu. Les gags sont rares et manquent – encore une fois – cruellement de la touche poétique de ses premiers films.
La déception est à la hauteur des attentes. Si sa trilogie "artistique" n'était déjà franchement pas réussie, au moins elle avait un sens dans sa propre évolution en tant qu'artiste et promettait un retour en grande forme. Au lieu de cela, Kitano REGRESSE littéralement, en se la jouant "coup sûr", comme pour se rassurer qu'il savait encore réaliser…ou alors a-t-il voulu se "débarrasser" d'un film ultra attendu pour pouvoir aller de l'avant avec des projets nouveau plus personnels…Tout est finalement dans le titre…Film à la rage froide parfaitement contenue, qui ne pouvait insuffler le moindre souffle de sympathie, "Outrage" constitue un véritable "outrage" à ses financiers…et malheureusement à son public…
Le triptyque introspectif Takeshis' - Kantoku Banzai - Achille et la Tortue n'était-il qu'une parenthèse fantaisiste dans l'œuvre de Kitano ? Cet Outrage tout frais moulu nous permet de le supposer. Renouant d'une certaine manière avec la veine de son premier film, Violent Cop, le cinéaste signe un polar sec et ultra-violent dont la sobriété étonne. Une sobriété toute kitanienne s'entend, où la brutalité la plus extrême peut sans ennui frayer avec les situations les plus saugrenues. Mais que l'on ne s'y trompe pas: la multiplication de tabassages et mises à mort entre yakuzas qui tient lieu d'intrigue laisse ici peu de place à la poésie contemplative de Sonatine ou Hana Bi, autres thrillers du maître généralement considérés comme ses meilleurs exercices dans le genre. Les engueulades, tortures, mutilations de doigts et autres gunfights s'enchaînent de façon presque routinière, avec quelque prédilection pour des sévices à la limite du trash (les scènes de la fraise à dents, de la langue mordue et du pauvre lascar qui se fait attacher la tête à une barrière et tirer depuis l'intérieur d'une voiture), le tout sous une photo assez léchée et un score discret de Keiichi Suzuki, aux sonorités plus actuelles. Entouré de vétérans qui prennent un plaisir communicatif à incarner les habituelles crapules en costard toutes plus fourbes et sans scrupules les unes que les autres, Kitano se met encore une fois lui-même en scène dans un rôle de sous-fifre brutal et peu loquace rappelant en certains points son personnage de yakuza dans Jugatsu. Au final, on ne tranche pas si facilement lorsqu'il convient de ranger Outrage dans la catégorie des grands ou des petits films du réalisateur. Une partie des inconditionnels loueront une volonté de retour aux sources de sa part tandis que l'autre pourra reprocher à l'ensemble un manque de réelles surprises. S'il n'est pas une révolution, ce jeu de massacre bien filmé, bien interprété et à la violence somme toute jouissive divertit à peu près autant que le singulier et très drôle Takeshis' dans un univers tout à fait différent.
C'est avec plaisir que je retrouve KITANO pour un vrai film de yakuzas assez traditionnel. Certes il n'y a pas le côté poétique de films comme Sonatine mais il y a une bonne gestion de la tension, des scènes de violence brutes, et une mise en scène sans éclat mais qui correspond au contenu. Effectivement tous les personnages ne sont pas forcément très charismatiques mais j'ai trouvé le résultat global à mon gôut, avec un certain coté old school. Je commençais vraiment à douter à la vue de ses précédents métrages "expérimentaux", le retour à quelque chose de plus conventionnel n'est certes pas un dépassement du réalisateur mais une oeuvre maîtrisée de bout en bout, un bon film tout simplement.
La force de Kitano, outre sa maîtrise plastique (je pense à certains plans dans le plan, éclairages films noir ou mouvements), c'est cette montée de violence et cette surenchère avec un sens du grotesque et un cynisme déséspéré. Du fatalisme machiavelique puissance 10.
Trop riches en petits détails, imperceptibles au premier visionnage.
Un grand retour
En tant que representant du genre Triade, OUTRAGE, est un bon film. C'est un film classique et simple, à la fois apre et violent dont le jusque-au-boutisme fait plaisir à voir.
En tant que représentant de la filmographie d'un réalisateur iconoclaste et provocateur, le film décoit forcément. on ne peut que déplorer l'absence de point de vue, et la recherche d'idée formelle.
Outrage, à l'instar d'aniki mon frére, est un film mineur, de la part de Takeshi Kitano, mais il reste un bout de pelloche maitrisé et foutrement sympathique.