Le marché de l'offre (et de la demande)
"Night market hero" perpétue la belle (mais fragile) lancée de l'actuel cinéma taïwanais à se réconcilier avec le grand public. Après des années de disette, à peine contredite par quelques succès festivaliers sans aucune incidence pour le marché local, "Cape n°7" et "Monga" deviendront les deux plus gros succès locaux de tous les temps en 2009 et 2010. Au jours d'aujourd'hui, "Night market hero" est le troisième plus gros succès avec ses près de 4,5 Mi de dollars de recettes.
Pas étonnant à la vue du film, sans aucun doute le plus typiquement taïwanais des trois exemples cités avec sa galerie de personnages caricaturaux et ce vent de nostalgie, qui semblent définir la plupart des succès asiatiques récents (dont le très semblable singapourien "It's a great great world" de Kelvin Tong) ou même français. L'incroyable popularité du film prouve d'ailleurs une nouvelle fois, que c'est assurément dans les plus vieux pots, que l'on fait encore les meilleures soupes, sans parler des bons conseils du cuistot Ramsey, qui dit que "moins, c'est plus" pour expliquer la simplicité du scénario…car force est de constater, que l'histoire est tout sauf originale avec ce pauvre village gaulois…euh…marché de nuit traditionnel, menacé par un projet immobilier high-tech…ouh…Une histoire des plus simplistes, qui ne justifie en aucun cas les beaucoup trop longues 124 minutes avec un dénouement interminable, que l'on peut d'ailleurs deviner à mille lieus à la ronde. Une seconde partie d'ailleurs extrêmement décevante après une première heure beaucoup plus engageante grâce à son rythme soutenu, qui s'attache à raconter quelques épisodes sympathiques de toute une galerie de personnages attachants…Personnages interprétés par l'actuel gratin du cinéma taïwanais composé autant par d'anciennes vedettes (le toujours charismatique Chu Ko-liang, qui fait un retour remarqué après avoir vécu caché des triades auxquels il devait une forte somme d'argent perdu aux jeux d'hasard depuis sa dernière apparition dans "The new legend of shaolin" avec Jet Li en 1994), que par la nouvelle génération pas toujours très talentueuse (Blue Lan et Gwei Lun-mei, plus sympas à regarder, qu'à voir jouer).
Le succès de "Night market hero" est également une belle revanche de son réalisateur Yeh Tien-lun, célèbre voix off dans des nombreuses publicités taïwanaises de ces dernières années, mais surtout fils du talentueux réalisateur de "Sayonara Goodbye" (avec Cherie Chung !), Yeh Chin-sheng, qui s'était proprement ruiné à produire le gouffre financier "March of happiness" de Lin Cheng-sheng. Après avoir vécu pendant des années dans une précarité financière absolue, Yeh Tien-lun (et sa sœur et coscénariste Gisele Yeh) devraient désormais pouvoir s'offrir quelques bons hammams suite au grand succès de leur film. A moins de tout vouloir réinvestir dans un prochain projet, qui s'annonce d'ores et déjà extrêmement difficile à monter, tant l'économie cinématographique taïwanaise actuelle semble fragile et surtout incroyablement versatile…"Night market hero" est avant tout un "feel-good-movie" terriblement dans l'aire du temps, qui ne marquera absolument pas l'Histoire du cinéma autrement que par sa réussite financière…pas sûr que ces créateurs sachent prendre aussi bien le pouls du goût de leur public à l'avenir – et il est absolument certain, que le public, lui, s'en fiche de savoir si c'est Yeh Tien-lun ou quelqu'un d'autre à la réalisation d'un prochain film local à sortir.