C'est la lutte finale...
Un film social, contestataire, mettant en scène la prise de conscience d'un groupe de travailleurs d'usine et son combat contre des patrons véreux, il n'y a là rien de nouveau. Oui, sauf qu'il faut le remettre dans le contexte de l'époque. En 1989, la Corée du Sud sortait d'une longue dictature, qui s'est terminée avec de nombreuses manifestations réprimées dans le sang. Les premières élections relativement démocratiques ont mis le général Roh Tae-woo, un régime qui ne va pas tarder longtemps avant de provoquer de nouvelles révoltes estudiantines. On se retrouve donc dans une époque de transition, en quête de démocratie et de libertés sociales. Ce film tombe donc à pic, en représentant au plus près la vie de femmes travaillant dans une usine de textile, qui logent dans un quartier populaire. Chacune a ses propres ambitions plus ou moins grandes et sa propre situation qui la pousse à s'exténuer jour et nuit sur une machine à coudre, alors que certaines ont pourtant fait des études. L'histoire s'attarde sur chacune d'entre elles, elles ont des vies assez épouvantables, mais jamais on ne plonge dans trop de misérabilisme. Ces femmes restent fortes, gardent le moral et trouvent même parfois l'occasion de rire ou de tomber amoureuses. Ce sont ces mêmes couturières qui vont prendre les choses en main, sans l'aide de personne, et s'élever contre leurs supérieurs, évidemment uniquement masculins. Mais lorsqu'il s'agira de choisir ensuite un leader à ce mouvement de contestation, c'est un homme, que fréquente l'une d'entre elles, qui sera désigné. C'est touchant, et on espère vraiment qu'elles vont parvenir à s'en sortir. Les actrices y sont pas pour rien, attirant vite la sympathie, même si j'ai eu tendance à en confondre deux. Tant qu'on y est, on retrouve également au casting celui qui allait bientôt devenir la figure du cinéma coréen la plus connue des Occidentaux, Choi Min-shik, dans son tout premier rôle, bien avant de se mettre à casser des dents à coups de marteaux.
Le déroulement des événements semble se décomposer comme un mode d'emploi pour réussir sa propre grève. Le phénomène prend peu à peu de l'ampleur, et dépasse bien vite les simples revendications propres à cette entreprise pour devenir un manifeste contre tout un système laissant de côté la plus grande partie de la population. La fin est en cela d'autant plus forte qu'elle semble lancer pour de bon une contestation plus générale, avec énormément de détermination, et qui, on le sait maintenant, conduira le pays vers la démocratie qu'on connaît aujourd'hui, sans pour autant améliorer de beaucoup la situation de ces travailleurs. Définitivement un film à voir, ne serait-ce que pour sa valeur historique.