Ordell Robbie | 3 | La vérité sort de la bouche des enfants... |
L’Invité de la chambre d’hôte et ma mère, c'est un film qui avait tout pour n'être qu'un mélodrame ayant bien digéré l'influence du cinéma japonais de l'age d'or fifties bien fait mais sans personnalité.
Un bon film tient en effet parfois à peu de choses. Ce peu, c'est d'abord une idée narrative hautement inspirée: faire prendre en charge la voix off du récit par la petite fille qui apporte des remarques très adultes sur son vécu avec un ton désarmant de naiveté. Du coup, le film est souvent rendu drôle par les commentaires d'une voix off jamais envahissante lui apportant un petit cachet de fraîcheur. Cette petite fille n'a d'ailleurs pas peur de jouer au relais entre sa jeune veuve de mère et l'hôte du titre qui se désirent en mettant du temps à vraiment se déclarer leur flamme. Et elle ne se prive pas non plus de sortir des vérités pas toujours bonnes à dire. L'autre force du film, c'est son dispositif narratif jouant sur de multiples oppositions binaires dissimulées par une apparence de calme. Aux désirs frustrés de la jeune veuve et de l'hôte du titre s'oppose ainsi la réalisation du désir d'en finir avec la veuvage par d'autres personnages du film. A la peur du qu'en dira-t-on des premiers s'oppose la façon dont les seconds finissent par l'assumer. Et lorsque les désirs de la jeune veuve se retrouvent confrontés aux points de vue de son entourage tradition et modernité s'affrontent encore à distance par paroles interposées.
Dans l’esprit de l’héroine s’affrontent également deuil pas achevé et désir de continuer à vivre sa jeunesse, attachement à un espace clos et désir de reprendre contact avec le monde extérieur. Et pour celle-ci comme pour son hote volonté de ne pas brusquer l'autre et désirs frustrés s’affrontent au cours du film. Mais malgré tous ces conflits le film n'est que rarement intense dramatiquement et les tourments des personnages s'y expriment parfois de façon très drôle. Seule la fin abuse un peu trop d'un score classique. Ces forts conflits derrière un vernis lisse ne sont pas sans évoquer la façon dont une partie du cinéma japonais fifties avait pu représenter le conflit tradition/modernité. La mise en scène du film est d'ailleurs de celles qui sont très élaborées derrière leur apparente simplicité. Les seuls choix non classiques sont ces cadrages penchés mettant en exergue les tourments des personnages. Autre trois fois rien qui évite lui à la mise en scène du film d'être juste maîtrisée mais impersonnelle.
D'où un Shin Sang Ok plaisant de fraicheur sur le fil. Mais savoir trouver les petits riens qui peuvent tirer un film vers le haut, c'est aussi ce qui peut parfois faire la marque du talent.