Que du bonheur!
Le cinéma taïwanais serait-il en train de devenir le dernier bastion de la liberté cinématographique en asie du sud-est? Face aux difficultés économiques que rencontre ce cinéma, les réalisateurs se débrouillent avec les moyens du bord et arrivent à faire preuve d'une belle inventivité sans fioriture. Comme When Beckham Met Owen, mais dans un pur style de comédie, Formula 17 fait parti de ces films qu'on est heureux d'avoir vu et qui restent longtemps comme un bon souvenir.
L'histoire de ce jeune garçon qui arrive à Taipei bien décidé à connaître son premier amour homosexuel et qui va découvrir le milieu gay de la capitale aurait pu donné lieu à beaucoup de loudeur. Rien de tel ici, pas question de savoir pourquoi les héros sont homosexuels, la question ne se pose même pas. Pas d'analyse, de portait social ou quoique soit qui pourrait faire considérer le film pour autre chose que ce qu'il n'est: une comédie romantique. Le fait que les personnages soient tous masculins ne vient rien changer à l'affaire, mais permet quelques regards, toujours tendres, sur une communauté où se cotoyent amitié et amour.
La réalisation de Chen Ying-Rong traite le sujet avec ce qu'il faut de distance pour pouvoir laisser place à un peu d'ironie, mais permet aussi par sa liberté de style de s'immerger pleinement dans les histoires croisées de ces personnages. Les acteurs n'hésitent pas à jouer avec la caméra donnant un réel sentiment de complicité au spectateur. La mise en scène ne manque pas non plus d'idées, l'utilisation des travelling latéraux sur le canapé en sont un exemple. Les acteurs semblent parfaitement à leur aise, livrant des prestations presque théatrales par la proximité qu'ils savent donner. Ce coté naturel de leur jeu, même dans l'outrance, donne à ce film une fraîcheur qui manque singulièrement dans le cinéma moderne.
Alors, même si le thème du film ne vous attire pas particulièrement, n'hésitez pas à vous laisser prendre au jeu de cette comédie romantique qui à la fois simple, tendre et subtile.
15 janvier 2006
par
jeffy
17 ans, toujours puceau
Petite comédie gay bien sentie qui annonce tout de suite la couleur : un beau poster de
Happy Together dans la chambre du héros du film ! Le ton général s'avère suffisamment décalé et décomplexé pour séduire, même si l'on n'atteint pas le niveau d'un
Blue Gate Crossing ou d'un
Holiday Dreaming, concernant notamment un scénario quelque peu tire-au-flanc.
Où sont les feeeeeeemmes ? (air connu)
Vraiment loufoque, Formula 17 ne met en scène que des hommes, tous homosexuels. Aucun moment dans le film il n'est parlé de femme ni d'hétérosexualité, comme si cela n'existait pas. L'histoire, racontant l'arrivée à Taipei d'un petit jeune timide (et puceau) qui tombe amoureux du playboy du coin, n'est ni plus ni moins qu'une comédie romantique plutôt banale mais qui prend une tournure plutôt singulière vu le contexte dans lequel il se situe. Ici tout est exagéré, chaque personnage est un stéréotype connu de l'homosexualité : le timide, la chochote, le trav et le beau gosse, chacun agissant donc en concordance avec le stéréotype qu'il représente. On peut ainsi difficilement voir autre chose que de la comédie, car l'histoire ne sert absolument pas la cause de l'homosexualité ; on pourrait même penser qu'elle le dessert, dans la mesure où on rit à ses dépends ; on peut néanmoins voir que le film sert à sortir l'homosexualité de son placard et, sans la banaliser, en rejeter les mauvais préjugés.
Un point important pour ce film, ce sont les acteurs. Très sérieusement interprétée, cette petite idyle ne passe pas aux yeux du spectateurs comme un film pourrave et desintéressé. En effet, les acteurs se donnent vraiment à fond et créent le charme qui ressort de l'histoire ; tous se lâchent correctement dans leurs rôles et prouvent la motivation d'une équipe qui en veut. Donc, pour les amateurs de cinéma taiwanais barrés et convaincant, le détour ne peut se faire ici.
22 octobre 2006
par
Elise
Le coeur des hommes
"L'été de mes 17 ans" a été la première des productions de la société de production "Three Dots", qui a confirmé par ses productions suivantes (Heirloom, Eternal Summer, Shoe Fairy,…) qu'elle est parmi les plus inventives de l'actuel marché moribond taïwanais et un véritable repaire de prometteurs nouveaux talents (DJ Chen, Leste Chen, Yun Chan Lee).
"L'été de mes 17 ans" marque la première réalisation de la jeune DJ Chen. Son film souffre de quelques fautes inhérents à la plupart des premières productions (mise en scène assez statique; personnages peu développés; quelques "tics" esthétiques typiques directement empruntes aux vidéos musicales), mais dispose surtout d'une fraîcheur et d'une folle énergie, qui remportent rapidement l'adhésion.
Le film n'est – ni plus, ni moins – une comédie romantique typiquement façonné pour un marché adolescent. Deux êtres s'aiment, ils se séparent sur un malentendu et n'arrivent à se dire combien ils sont encore amoureux l'un de l'autre. Les interprètes sont ceux de séries TV à la mode et des chansons pop populaires assurent l'arrière-fond sonore (sans parler de la traditionnelle chanson titre, censée représenter leur fonds d'âme en déambulant dans les rues de Taipei). Sauf que voilà: les héros sont gays et l'entier univers du film semble constitué d'hommes aimant les hommes. S'il n'évite pas tous les clichés, le film tord pourtant le cou à d'autres et rompt la monotonie par des trouvailles visuelles (les protagonistes entonnant, chacun son tour et à sa manière, des anecdotes par "Il était une fois…") et d'excellents détournements de situations classiques (la consolation des chagrins d'amour).
Les personnages sont irrémédiablement attachants, malgré quelques stéréotypes un brin trop appuyés. En revanche, il est étonnant de constater la maturité de la réalisatrice à capter un monde typiquement masculin et d'éviter facilités et vulgarité. Attention: il s'agit d'une comédie pure et dure; le scénario n'aborde donc aucune problématique éventuelle inhérente au genre, mais évite également pathos ou drame trop souvent mis en avant dans ce type de productions.
Le succès du film (seule production cinématographique taïwanaise à ne pas avoir perdu d'argent en 2004, en remportant même deux fois sa mise de départ – en même temps très peu élevé…) est donc largement mérité et rend curieux quant à la suite de la carrière de DJ Chen (ayant finalement réussi à réaliser son second projet, "Catch").