jeffy | 4.25 | Incroyable ! |
Xavier Chanoine | 3.75 | Lorsque HK fait son WIP, le charme opère |
Bande annonce
Cette belle incursion de Raymond Leung dans l’univers violent des femmes en prison est tout à fait recommandable. Bien ancré dans une époque où le cinéma de Hong-Kong connaissait l’une de ses plus belles passes, époque de l’accomplissement artistique total d’un John Woo notamment, The First Time is the Last Time se différencie du film de femmes en prison japonais des seventies par son approche romantique du genre, les chansons narrant les aventures des Sasori et consorts laissent donc place aux saxophones, synthétiseurs et riffs de guitare virtuoses typiques d’une industrie qui aura donné ses belles lettres de noblesses à la série B à l’identité formelle et narrative très forte. L’œuvre est aussi un bel exemple du mélange des genres réussis chers à l’industrie, entre polar, romance et exploitation où de nombreux catfights impeccables pimentent une intrigue divisée en deux parties. Le résultat est probant, The First Time is the Last Time démarre comme un vrai film WIP, où une frêle jeune femme se voit incarcérée pour 6 mois après avoir trempé dans une affaire louche, l’introduction en noir et blanc et au montage incisif est à ce propos un modèle de mise en place, accompagnée par les nappes pondéreuses du synthétiseur de Lowell Lo, et se mue petit à petit en polar romantique impliquant un flic infiltré (Andy Lau) et sa nouvelle petite amie Winnie (Carrie Ng). Dans la peau d’un flic infiltré utilisé par ses supérieurs, Andy Lau affiche une prestation de haute volée comme on lui connaît, avec ce qu’il faut de classe, de frime et de romantisme, ce dernier atout tenant une place non négligeable dans un univers carcéral particulièrement violent.
Le film de Raymond Leung sait donc se faire mignon lorsque les incarcérées ne se mettent pas à cogner, le temps d’une ballade de canto-pop mettant en scène deux êtres en pleine tourmente. Pourtant, ces deux acteurs se feraient presque piquer la vedette par Season Ma, actrice plutôt rare à l’écran ayant probablement mis fin à sa carrière peu de temps après. Son apparente banalité lui confère un capital sympathie certain, loin des beautés fatales peuplant l’industrie du cinéma HK. A côté de sa redoutable voisine de prison, He-Man, son personnage en impose peu. Il faut bien l’aide d’une femme enceinte (qui se fait uniquement appeler par son matricule) et de Winnie, également appelée « crazy bitch », pour la protéger face à la menace en interne. Lorsque la leader des femmes en prison essaiera de la blesser, Winnie débarquera pour lui infliger une série de coups de tête impitoyables. La violence est alors filmée de manière frontale. Le spectateur le plus timbré ne pourra que trouver satisfaction dans une série de catfights parfois gores (comme une tête frappée en plein mur laissant échapper de belles gerbes de sang) maculant le film de scènes bis racoleuses voir par moment carrément misogynes comme lorsque Winnie se fait passer à tabac par son mac. Il faut dire que la petite n’a pas la vie la plus belle qui soit, celle-ci doit faire le tapin pour payer ses doses d’héroïne et les doses d’opium dont son père à besoin pour s’échapper d’un quotidien pas drôle. Elle sera plus tard mêlée aux « infernales affaires » de son futur copain joué par Andy Lau. Elle trouvera un peu de quiétude et d’amour, même si tout n’est qu’éphémère, son voyage à Vancouver avec son beau prince viril n’aura pas lieu.
Désillusions à la chaîne, règlements de compte en taule où la police est parfois corrompue (ce n’est pas nouveau), prostitution et gangstérisme en tout genre rythment la vie de chacun. Et si l’incarcération de Yuk (Season Ma) cachait quelque chose ? La structure de The First Time is the Last Time tourne autour de nombreux flashback qui permettent d’en savoir plus sur le profil de chacun. Tout ce qui se déroule en dehors de la prison appartient au passé, mais la prison reste quoiqu’il arrive une impasse. Pas d’issues possibles, peu d’espoir ? La notion d’éphémérité est ici absolue, elle terrifie parce que même les plus dures sont fragiles. La loi du plus fort a même très peu de valeur puisque le personnage de Winnie est sûrement l’un des plus dépressifs de l’histoire du genre Women In Prison, malgré la force qu’elle déploie lorsqu’il est question de distribuer des bourre-pif en mode compétition chronométrée. Le film va également plus loin qu’une simple bagarre en prison puisque le pénitencier affichera une morte au compteur et des larmes qu’une clope passée en douce n’effacera pas. Les chefs opérateurs (dont Andrew Lau) ont fait un beau travail de photographie imprégnée de bleus nocturnes démoralisants, et même si les cadres ne sont pas exceptionnels, la caméra très souvent en mouvement parvient à être virtuose par à-coups. Si le film de Raymond Leung est absolument recommandable pour tout amateur de cinéma HK ou de Prison on Fire, les autres risquent d’être surpris de la tournure que prend le film dans son épilogue d’une gratuité phénoménale. Mais avec un titre pareil, quand on dit que tout est éphémère ! En revanche, les belles sensations produites par le film dans son ensemble, elles, ne le sont pas.