Alain | 3.5 | |
Ordell Robbie | 4.75 | une superbe dénonciation de l'horreur de la guerre |
Xavier Chanoine | 3 | En toute subjectivité |
Il est intéréssant de comparer Feux dans la plaine avec Sous les drapeaux l'enfer de Kinji Fukasaku. Les deux films dénoncent avec virulence la hiérarchie militaire et montrent le cannibalisme et les errances des soldats japonais. Feux dans la plaine suit les soldats au quotidien dans leur errance tandis que le film de Fukasaku a une structure fragmentée (aller-retours présent/guerre) et a des scènes de guerre centrées sur des situations de forte intensité dramatique (repas avant les exécutions, entetement de la hiérarchie à faire combattre les soldats). Par conséquent, les partis pris formels seront totalement différents: Fukasaku trouve un équivalent visuel au chaos dans sa légéndaire stylisation (ses fameux téléobjectifs et arrets sur image) tandis que chez Ichikawa la caméra s'efface devant son sujet. Le film semble dire que le vécu de la guerre est tellement horrible qu'on voudrait croire que l'on reve (cf les soldats qui enjoignent le héros de ne pas croire au cannibalisme). L'expression "manger du singe" montre que dans la guerre l'homme semble revenu à un état sauvage et primitif. Les personnages semblent se résigner à leur destin probable: mourir et etre cannibalisés.
Au final, Feux dans la plaine est plus réussi que le film de Fukasaku car il n'est pas comme ce dernier plombé par la lourdeur démontrative des séquences contemporaines.
Ichikawa dénonce la guerre sans faire de vagues et, si le film ne devient intense que sur la fin, il est admirable car il dénonce l'horreur de la guerre jusque dans l'absurde du quotidien militaire ordinaire montré de façon quasi-documentaire(les héros balloté entre l'armée qui ne veut pas de lui et l'hopital militaire plein à craquer). Il atteint ainsi la force des meilleurs moments du Voyage au bout de la nuit et de la Condition de l'Homme.
Nouvelle incursion de Ichikawa dans l'univers de la guerre, une incursion plutôt éloignée de ce que le cinéma nous a habitué jusque là, du moins dans son contexte classique que tout le monde connaît avec les batailles entre deux clans différents, le côté épique et héroïque qui en découle. Feux dans la plaine c'est tout le contraire, d'où cet aspect intéressant le rendant bien plus original que toute une palanquée de films de guerre vus et revus. Ichikawa nous plongent alors dans l'horreur absolue de la guerre fantôme puisque cette horreur ne résulte pas des affrontements que nous avons sous les yeux, pire même, il n'y en a pas. Feux dans la plaine est avant tout l'histoire d'un homme, Tamura, un homme que nous suivons au travers d'un périple dans les îles philippines, une véritable quête de la survie faite de rencontres et d'expériences traumatisantes pour tout être humain un temps soit peu digne. Cependant, on reconnaît les qualités évidentes du métrage et le talent inouïe d'Ichikawa pour mettre en scène des conditions de vie désespérées, passées sous l'objectif de sa caméra magique, elles deviennent cauchemardesques. La caméra écrasée au sol filmant les protagonistes allongés et recouverts de poussière, ces plans donnant vers l'infini (et, osons le, vers l'au-delà), ces gros plans en contre plongée sur les visages épuisés et marqués, le travail accomplit par le cinéaste de La Harpe de Birmanie impose tout simplement le respect.
Mais dans le fond, et malgré cette peinture cauchemardesque des conditions de guerre, Feux dans la plaine est avant tout un film sur le dialogue et son importance. Le dialogue et la communication entraînent un désespoir étant donné qu'il n'y a rien à se mettre sous la dent à part quelques grammes de sels et un sac d'ignames de Chine. La règle de la survie, tout le monde la connaît lorsqu'il n'y a plus de vivres, Ichikawa nous l'explique alors. Le choc n'est pas celui tant attendu, il n'y en aura d'ailleurs aucun durant la projection. D'où cette légère et amère déception, malgré un plan final sidérant à s'en décrocher la mâchoire, pouvant sans conteste rivaliser avec la densité absolument nihiliste et désabusée du dernier opus de La condition de l'Homme. Préférez tout de même l'oeuvre de Kobayashi, plus longue et détaillée, d'autant plus recommandable.