Ghost Dog | 1.5 | Le Retour de la momie |
Ordell Robbie | 1.5 | Série B empaillée |
Lorsque j’avais découvert Eureka au cinéma en l’an 2000, pur chef d’œuvre qui alliait la beauté des images et du cadre à une réflexion approfondie sur l’après-traumatisme de personnages meurtris dans leur âme, j’avais cru à la découverte d’un cinéaste majeur en la personne de AOYAMA Shinji. Mais au fur et à mesure de ma plongée dans sa filmo, Eureka parait – de manière incompréhensible – bien isolé parmi des œuvres moyennes voire médiocres, des petits polars juste regardables (Lakeside murder case), des pensums lourdingues (Desert Moon),… A l’instar de Lee Tamahori qui avait réalisé le superbe L’Ame des guerriers avant de sa vautrer dans des séries B décevantes, le mystère Aoyama demeure, et ce n’est pas avec EM Embalming qu’il sera levé.
En choisissant le thème macabre de l’embaumement, seul véritable attrait de ce petit film horrifique vendu comme tel, avec un gros appel du pied au spectateur genre « eh, ça te dit pas de regarder un cadavre se faire pomper son sang, éviscérer, recoller le crâne à la glue, tronçonner la tête et disloquer par un vendeur d’organes, hun ? », Aoyama fait un pari en grande partie commercial en espérant attirer les amateurs de gore et les curieux tout en lorgnant sur une ambiance trouble à la Twin Peaks. Malheureusement, on reste très loin de ce modèle ; le rythme lent, le manque de punch et de rebondissements, l’interprétation terne et la mise en scène classique génère rapidement l’ennui malgré les quelques scènes chocs parsemant le film. Quant à Suzuki Seijun, on se demande bien ce qu'il est venu faire ici dans ce rôle de vieux professeur, à part un bonjour amical à l'équipe du film...
Réalisé un an avant la reconnaissance en Occident d'Eureka, EM Embalming confirme si besoin est qu'Aoyama Shinji est plus un cinéaste au réel talent souvent gâché par la pose qu'un vrai grand du cinéma japonais. L'interview disponible sur le DVD Artsmagic ne fait que le confirmer avec des propos sur le contenu du film se voulant profonds mais sonnant creux et la citation en étendard de références littéraires superficiellement assimilées. Mais revenons-en à cette série B horrifique peu inspirée. EM Embalming est moins pénible au visionnage que son Wild Life sorti deux ans avant tout simplement parce que sa réalisation fait moins souvent dans la pose. La mise en scène sombre souvent dans la platitude hors quelques gunfights au découpage sous influence Kitano. Une lenteur hors de propos devient lassante sur la longueur et le travail sur le son est loin de valoir celui du mentor d'Aoyama Kurosawa Kiyoshi.
Les quelques tentatives parodiques du genre ratent elles leur cible et les personnages manquent de consistance. Reste un scénario agitant du concept philosophique (caractère transitoire de la vie et des choses vs désir d'éternité incarné par l'embaumement), du cliché narratif de thriller années 90 (la schizophrénie), de l'allusion à la guerre et du trafic d'organes... Pour un propos finalement creux. Oui, l'embaumement est vu par une société japonaise en majorité shintoïste et bouddhiste comme irrespectueux des morts mais le film se contente de présenter le point de vue des défenseurs et des détracteurs de la chose.
Encore un de ces B movies se voulant plus profonds que la série B de base mais échouant sur tous les tableaux... Un an plus tard, Aoyama réussira à ne pas gâcher son talent avec le superbe Eureka.