Le 'Must' des Must du Wu Xia Pian ! (L'Auberge du Dragon - Long Men Ke Zhan)
Que dire de plus de ce film Wu Xia Pian de légende sans défaut ô combien décrié dans les chaumières en son temps jusqu'à aujourd'hui même d'ailleurs. C'est le film de référence de King Hu ou du cinéma Wu Xia Pian en général ! Déjà très adepte des 'Western spaguettis' de Sergio Leone, King Hu, en Kurosawa chinois, sans languir dans des scènes esthétiques à la Japonaise, nous offre un genre de 'Eastern impérial' qui sera longtemps copié mais jamais égalé. Avec le génial acteur taiwanais d'origine du Foukien : Shi JUN dans le rôle de Hsiao Heng (Hsiao Shao Tzu en mandarin), l'homme au visage pale (Pale jade), son héro fétiche, le Clint Eastwood de Sergio Leone, et le charme indéniable de Poly Quan (qui sera connu de l'occident grâce aux Bons Baisers de Hong-Kong des Charlots en 1975) en amazone asexuée, son succès est garanti, et l'intrigue au rythme d'un western italien donnent à ce film ses marques de noblesse. En froid avec la Shaw-Brothers, King-Hu s'en alla à Taiwan pour signer avec la 'Union Film Company' en 1966-67 la production de ce film. Contrairement aux films de Chang Cheh, le mercenaire au visage pale (Pale jade) chez King-Hu se range au côté des victimes en tant que protecteur. La musique de P.L.Chow un peu trop criarde et assourdissante n'est pourtant pas du Morricone mais certainement voulue de la sorte par king-Hu qui adorre marquer ses films d'une emprunte accoustique et sonore bien chinoise aux accords dynastiques et aux sons cuivrés de l'époque féodale. L'histoire se déroule en 1457, durant la dynastie des Ming, sous le règne de l'Empereur Ying T'sung lequel capturé par les tartares, fut abdiqué par son frère. Avec l'aide du tyran enuque, Tsao Shao Qin (joué par Pai Ying), et Shi Heng, le Marquis de Wuching, l'Empereur fut libéré des mains des tartares et condamna la traitrise de son frère à la mort et ses enfants mis en exil. Cependant l'enuque Tsao Shao Qin envoya des agents secrets du Groupe de l'Est (Dong Shang), sorte de KGB de l'Empereur, pour aller assassiner les enfants dont une fille jouée par la taiwanaise Hsu Feng (à ses début), sur la route de leur exil. Et c'est sur cette route où se croise l'auberge du Dragon que l'histoire commence. Notons que King-Hu reprendra le thème des complots ou 'opérations noires' du Groupe de l'Est, des agents ayant le droit de tuer, dans plusieurs de ses films tels que dans 'A Touch of Zen' en 1970. En qlq sorte King-Hu était un anti-James Bond, et montrait le mauvais revers des agents secrets inhumains et sanguinaires.
La scène du bol de nouilles dans l'auberge du Dragon a-t-elle donné naissance au 'Eastern Nouille' et marqué à jamais de son empreinte de légende dans l'histoire du cinéma hong-kongais ? La tension insoutenable avec la venue du mercenaire pale jade, Hsiao Heng (Shi Jun), dans l'auberge en plein milieu d'une ambiance tendue en vue d'une embrouille machiste avec les agents dissimulés du Dong Shang restera dans nos mémoires de cinéphiles avertis, tout comme la scène de Cheng Pei Pei (l'Hirondelle d'Or, Golden Swallow) dans 'Come Drink With Me' assise à sa table dans l'auberge tournée 2 ans plus tôt par King-Hu. Tous les acteurs sont excellents dans leur rôle et la fin trop épisodique nous laisse un peu groguis après une scène finale de combat de sabre avec le tyran enuque, Tsao Shao Qin, seul contre tous est à couper le souffle. C'est dire s'il y aurait eu une suite à ce film. Bref, King Hu aura été le grand instigateur du grand succès du Wu Xia Pian auprès du public chinois, puis de l'occident même si l'Auberge du Dragon n'avait connu qu'un succès mitigé en 1967-68. Puis c'est en 1972 lors de sa rediffusion internationale que ce film a connu plus de reconnaissance d'un public international plus averti pour ce genre de film.
En outre, King-Hu en travaillant à Taiwan avait su former son casting d'acteurs de rêve, tels que Shi Jun, Pai Ying, Hsu Feng, Miao Tien, Hsieh Han et Han Yingjie qui dirrige et supervise aussi les combats dans le rôle du Lieutenant Mao Tsun Hsien, au regard foudroyant d'un Lee Van Cleef ; tous ces acteurs le suivront désormais dans ses films. On y retrouve donc un peu des Sept Samouraï, chacun des acteurs, actrices ont une personnalité distincte, si bien que l'on ne distingue pas vraiment d'acteur principal qui tient le rôle au premier plan jusqu'au bout, et chacun pourrait se reconnaitre dans le personnage qu'il voudrait être...Un vrai jeu d'enfant !
Récemment sorti à Taiwan en DVD dans son format original 2.35 (Widescreen) et langue Mandarin d'origine en mono, avec 10 minutes de scènes supplémentaires dont la scène de l'attaque de nuit dans l'auberge lorsque les agents du Dong Shang voulaient assassiner par traitrise les convives dans leur chambre, nous permet de revivre avec joie la mise en scène de ce film à ne pas manquer sous aucun prétexte, car c'est du grand art pour 1H50 de bonheur !
D'ailleurs, il est curieux qu'après la récente disparition de King-Hu en 1997, aucuns producteurs n'aient pensé à lui rendre hommage pour une édition DVD plus riche en documents telle qu'une version 'Director Cut' en coffret collector. Christophe Gans si tu m'entends...?
Précisons que ce film n'a jamais été doublé ni en anglais, ni en français, sinon sous-titré dans sa V.O. mandarin ou cantonais.
Pour de plus amples détails sur ce chef-d'oeuvre, un site anglais rend hommage à King-Hu et à ce film à l'adresse suivante avec récit et photos tirées du film mais pas du DVD : http://www.brns.com/pages4/fantsy66.html
Archétype d'un genre, archétype d'un style!
Réalisé dans la foulée de Come drink with me, Dragon gate inn est dans la parfaite continuité de ce premier coup d'éclat. La plus importante différence sont les modifications dans la production du film (les esprits un peu pointilleux pourront regretter l'aproximation des scènes martiales, certes...), conséquentes au départ de King Hu de la Shaw, qui se traduit par des moyens matériels nettement moindres. Le style de Hu, basé sur l'attention au western, au chambarra, trouve ici une nouvelle illustration, peut-être plus radicale encore que dans l'hirondelle d'or. Néanmoins, ce film est surtout illustratif de la partie la plus ouvertement "populaire" de King Hu et très peu des aspects "mystiques" que l'on trouvera par ailleurs dans Touch of zen ou Raining in the mountains. Pour ca, Dragon gate inn se poser plutôt comme précurseur de Valiant Ones ou The fate of Lee Khan. Partant, il s'inscrit plus encore comme archétypique de tout le genre du Wu Xia Pian, celui qui deviendra populaire par sa proximité avec le gout du public pour le spectacle et l'action. Mais parce qu'il maximalise ce qui était si particulier au style de son premier et dernier film pour la Shaw (montage, réalisation, gestion si particulière de la durée), ce film est aussi totalement un film king huien au sens où on l'entend généralement: du cinéma populaire rehaussé d'une vision artistique et philosophique plus haute. Ainsi, Dragon gate inn est totalement initiateur d'un genre et parfaitement initiateur du style King Hu.