Partir de campagne
Le titre "Désir Effacé" est totalement trompeur et a uniquement été imposé à Imamura par des producteurs avides d'attirer une certaine clientèle; le sous-titre repris du titre original du roman de Toko Ton, "Le théâtre sous le chapiteau" est un peu plus parlant avec l'histoire d'une troupe de théâtre ambulante s'installant en ville.
Cette nouvelle histoire d'un théâtre ambulatoire permet à Imamura de se faire ses premières armes sans grand risque dans un genre à la mode durant les années '50s; de plus, cela lui permet de tenter d'intégrer quelques souvenirs personnels de sa propre expérience d'acteur à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Produit formaté, malgré la liberté artistique totale, dont le cinéaste lui-même avoue avoir joui, l'intrigue ne réserve que peu de véritables surprises, la mise en scène est plate et l'ensemble bien loin des futurs thèmes "poil à gratter" du réalisateur; mais surnagent déjà par-ci, par-là quelques furtifs éclats imputables au style reconnaissable parmi tous: le (tout, tout) premier plan de la prochaine riche carrière est celui…d'un survol aérien d'Osaka, réduisant toute vie à la taille d'un insecte. La caméra panote d'une tour de diffusion vers le dépouillé théâtre de la troupe, revenant ainsi en un seul plan plusieurs décennies en arrière, quand la scène était encore le seul divertissement populaire possible. Le physique des acteurs (kabuki) tranche d'ailleurs singulièrement dans ce milieu urbain et de son public, puis du monde extérieur.
Imamura développe déjà un amour immodéré pour une microsociété communautaire constituée par la troupe, vivant dans l'insalubrité et la modestie, mais pour une passion commune. Ils savent également se divertir (scènes festives, chants et danses ne sont jamais très loin) et le film est ponctué par de nombreuses disputes, voire même bagarres dans un joyeux foutoir. Les animaux ne manquent pas non plus à l'appel, des oies étant d'un enjeu particulier pour certains personnages. Enfin, si la classique histoire d'amour reste relativement chaste, il y a certaines amorces d'un attrait pour la sexualité non caché, dont notamment une historie d'adultère, l'affolement de la gente masculine devant l'effeuillage des filles du cabaret et même une tentative de "baiser" quelque peu forcé…
En revanche, Imamura n'a pas encore fait la connaissance de son futur scénariste et collaborateur Keiji Hasabe, qui lui inspirera la profonde fascination pour une vie rurale ethnologique; la campagne est donc légèrement idéalisée et semblable aux dizaines d'autres produits de même type, où règnent sympathie, modestie et relatif bonheur – plein loin des croyances spirituelles, affaires d'inceste et animaleries sauvages dans lesquelles tremperont les futurs personnages ruraux.