Body Talking
L'idée de "Demonlover" est venu à Assayas au hasard, par bribes. Il a écrit le scénario au fil du temps, de manière ludique, sans doute avant tout pour lui-même. Le résultat est à l'égal de son travail: foutraque, inégal, au spectateur de décider de s'embarquer dans cette aventure vidéo-ludique ou de rester indifférent devant les relatives incohérences scénaristiques…surtout après un début absolument brillant. Personnellement, je me suis laissé envoûter par l'incroyable séquence d'ouverture et me suis sciemment laissé perdre dans les méandres d'un scénario pervers, aux personnages aux références multiples et une aventure tellement loin de l'habituelle production française (et je viens de m'en faire une sacrée cure des films des derniers dix ans…et dois m'avouer lasser des sempiternelles histoires d'adultère et de remises en question de quadras bobos).
Le début donne donc le ton: sur une musique dépouillée de Sonic Youth aux accords d'une guitare dérangés et dérangeants, Connie Nielsen et Charles Berling (parfait avec la boule à zéro) jettent un trouble direct. Assayas enferme tous ses personnages en une mise en scène faite de gros plans larges montées à la hache. La paranoïa angoissante gagne totalement le spectateur en même temps que les personnages à l'écran.
Le point de rupture se situe à 29 minutes du film. Abandonnant son Hong Kong chéri, Assayas s'intéresse au Japon à travers le hentai. Tel le "fan" que nous-mêmes avons pu l'être en voyant débouler tout et n'importe quoi en fin des années 1980 / début des années 1990 en France, il observe, fasciné l'introduction des tentacules par tous les pixels de ses personnages animés…et transforme le trouble émotionnel de ses propres personnages en quelque chose de sexuellement palpable. Trop longues séquences animées, forcément datées aujourd'hui et malheureusement entrecoupées de ses sempiternelles immersions dans des soirées "branchées", comme Assayas a l'habitude de le faire dans tous ses films, mais qui desservent davantage son rythme, qu'elles ne servent l'intrigue.
La suite dérive de plus en plus dans un univers fantasque bien loin du film d'espionnage industriel des débuts. Ca parle de SM et de snuff, dans la droite lignée des brûlots provocateurs – ou plutôt pétards mouillés – à la "8 MM" ou "Irréversible". On accroche ou décroche.
Assayas a au moins le mérite de tenir son rythme et son atmosphère si particulière jusqu'en toute fin de métrage. Le malaise persistera jusqu'en toute fin du film par ce magnifique regard accusateur de Connie Nielsen à l'écran. Et impossible de rester indifférent à cet amas de cultures entre l'Occident et l'Orient. Depuis la France, en passant par les Etats-Unis jusqu'à la froide Tokyo; avec des personnages aux coupes de personnages manga sans que cela paraisse exagérée. Avec un zeste de Lynch pour finir. Et une bande son mêlant Goldfrapp à Sonic Youth. C'est le cinéma français que j'aime: dans toute sa diversité culturelle.