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L' été du Démon

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les avis de Cinemasie

2 critiques: 3/5

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13 critiques: 3.75/5



Ordell Robbie 2.75 Enfants perdus...
Xavier Chanoine 3.25 Est-ce pardonnable?
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Enfants perdus...

Adapté du maître de la littérature policière MATSUMOTO Seicho, The Demon avait le potentiel d'un produit de studio de bonne facture. La grande qualité du film est l'interprétation d'un OGATA Ken aussi impérial et fascinant qu'il le sera dans d'autres rôles de criminels chez IMAMURA et GOSHA. Le script semble être taillé sur mesure pour lui offrir un grand rôle tant la personnage de Sokichi vaut par son mélange de la cruauté la plus monstrueuse et l'humanité la plus ordinaire, la plus touchante. C'est dans ces moments où malaise et empathie pour ce "héros" se cotoient que le film trouve son meilleur même s'il ne le doit pas à sa mise en scène. On imagine en effet la tension dramatique qu'aurait pu construire un cinéaste plus talentueux que NOMURA autour de certaines scènes où père et enfants se retrouvent face à face. Car la mise en scène semble plus proche d'un service minimum de sans bavure mais sans éclats que d'une épure terrassante. Qui plus est, tout le talent d'IWASHIMA Shita n'arrive pas à faire oublier que son personnage d'Oume ne dépasse jamais la caricature d'épouse cruelle terrorisant le foyer. Certaines scènes intimistes ressemblent du coup à du BERGMAN de chambre des jours de noirceur forcée sans le brio formel. Et la fin du film sombre quant à elle dans un sentimentalisme jusque là évité. Le score fait lui dans le pastiche assez réussi de Bernard HERMANN. Son thème -l'abandon d'enfant- méritait mieux. On peut préférer rayon polar/portrait de criminel ambigü La Vengeance est à moi sorti un an plus tard et toujours avec OGATA Ken.



18 février 2006
par Ordell Robbie




Est-ce pardonnable?

La puissance du film de Nomura réside dans l'étude de caractère de japonais issus d'une classe sociale modeste, affrontant la vie avec leurs seules armes (les recettes de leur entreprise d'imprimerie) quitte à braver les interdits ou faire preuve d'une quelconque lâcheté abominable et inhumaine. Sokichi ment à sa femme sur la relation qu'il entretient avec elle. Son amante débarque un soir chez eux et désireuse de tout plaquer, leur confient les trois enfants qu'elle eut avec ce premier. Dès lors, l'épouse légitime de Sokichi, Ume, prévoit de s'en débarrasser par tous les moyens, haineuse, jalouse et dépassée par leur présence envahissante. La vraie valeur de L'été du Démon réside alors dans l'étude comportementale de Sokichi, interprété par un Ogata Ken des grands jours, halluciné et bancal dans les sentiments qu'il éprouve pour ses enfants. Que faire? Garder ses enfants malgré la haine vouée par leur belle mère et rester dans la difficulté de subvenir à leurs besoins, ou s'en débarrasser pour à la fois soulager son épouse et les économies du foyer? Sokichi ne sait pas réellement où se placer, tout comme le spectateur affligé d'une telle situation. Leur belle mère (Iwashita Shima) sans cesse menaçante et violente lorsqu'il est question de leur infliger une correction tend à les éliminer, mais ce ne serait pas propre, elle préfère que son mari agisse de son plein gré car elle ne veut surtout pas "être responsable" de leur disparition. Là encore, il y a double étude : à la fois l'irresponsabilité totale et l'égoïsme des deux parents. Sokichi semble aussi manquer de personnalité et de réaction dans une séquence terrifiante où sa femme punit l'un des trois enfants à coup de gavage d'ordures, nécessitant l'intervention d'un des employés de l'imprimerie. "Réagissez" confit-il.

Mais cette forme de bassesse entraînera l'acte terminal : faire disparaître les enfants des suites d'une pression trop grande d'Ume, laquelle n'hésite pas à user de ses charmes pour amadouer encore plus sa "proie". C'est à partir de ce moment que L'été du Démon parvient à prendre son ampleur, et à Nomura de laisser transparaître son talent purement pictural. Le décès du petit Shoji est ainsi bien amené du point de vu de la mise en scène, affichant ainsi un Nomura tout sauf complaisant, ce que l'on aurait pu craindre au vu de la cruauté du scénario. De même que l'abandon de Yoshiko dans un grand immeuble touristique, sûrement la meilleure scène du film, où Sokichi affronte le regard de sa fille à contrecœur dans l'ascenseur lorsqu'il est sur le point de l'abandonner. De là, le père que l'on croyait misérable se révèle en fait lache et pathétique, ne sachant pas jongler entre ses propres émotions, celui d'un père ou celui d'un bourreau assumé. Si la suite peut paraître plutôt longue (tentative d'abandonner/assassiner Riichi, le dernier enfant), elle n'est justifiée que pour ressouder les liens père/fils et de créer ainsi le doute. Lorsqu'il est sur le point de se débarrasser de son enfant, Sokichi doute, puis l'emmène au restaurant et plus tard lorsque ce dernier s'approche trop proche d'une falaise, il le met en garde du danger. Ce retournement total aurait pu annoncer un twist plus intéressant et mieux maîtrisé, mais Nomura préfère camper sur ses positions et rendre le personnage de Sokichi plus pathétique qu'il ne l'est déjà, d'où cette petite déception.

Dans l'ensemble, L'été du Démon ne prend pas de risques face au matériau de base de Matsumoto Seicho ce qui vaut quelques pistes plus ou moins séchées. On ne sait pas ce que deviennent les "deux mères" dans l'histoire, ni même le sort réservé à Sokichi. Le cinéaste préférant terminer sur une situation à la limite de l'happy end plutôt que sur une fin nihiliste au possible, il éclipse ainsi la froideur originelle du métrage. Cette froideur, aussi bien formelle que fondamentale est due à une musique de Yasushi Akutagawa oscillant entre score forain ironique et comptines flippantes, associée à la droiture d'une réalisation mettant l'accent sur la rage humaine (gros plans sur les visages en sueur) et naturelle (les vagues déchaînées annonçant le meurtre). Présenté au Festival des Arts en 1978, L'été du Démon reste une oeuvre quoiqu'il arrive dérangeante même 30 ans plus tard, et si le métrage n'est pas exempt de longueurs, son ambiance pesante et son étude quasi expérimentale des bons et mauvais côtés du comportement humain méritent que l'on s'y attarde. Une découverte presque saisissante.

26 septembre 2007
par Xavier Chanoine


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