un Mizoguchi mineur
La singularité de cette adaptation d'un roman de Ooka Shohei, c'est de n'appartenir à aucune des deux veines les plus connues du cinéma de Mizoguchi, c'est à dire le mélodrame en costumes et le drame social contemporain. Si l'on retrouve dans le scénario la question de la condition de la femme traversant toute son oeuvre, ce dernier est imprégné des grandes questions culturelles irriguant le Japon de l'immédiat après-guerre. La fascination de l'Occident s'incarne dans l'instituteur mari de Michiko amoureux de Stendhal et désireux d'infidélité mais aussi par des détails comme les tenues occidentales des jeunes femmes ou ce "la Vie est Belle" écrit en français dans le texte sur les murs d'un bar. Mais très vite ce contexte historique va se transformer en catalyseur des passions des personnages. Michiko représente ainsi une figure de femme fidèle à la tradition et à son propre code d'honneur. Mariée à un homme qu'elle n'aime pas, elle refuse l'opportunité offerte par un jeune cousin tout aussi épris d'une tradition incarnée par Musashino de transgresser les règles, d'être l'"égale" de son mari infidèle. Elle va même jusqu'à se sentir responsable de cet état de fait. Et c'est là peut etre la limite du film. Autant Mizoguchi est à l'aise pour dépeindre des femmes en rébellion contre l'ordre patriarcal finissant par les écraser, autant il est ici moins à l'aise pour rendre compte des interdits "intériorisés" par l'individu. Le film franchit ainsi souvent la frontière entre retenue subtile et distance trop froide. Seuls quelques travellings aériens et la scène des adieux se rapprochent du brio des réussites du cinéaste. Ailleurs, c'est bien filmé, bien interprété mais jamais touché par la grâce. Les hommes sont néanmoins ici tous pitoyables: un cousin y est fasciné par un Musashino traditionnel voué à disparaître tout en désirant transgresser la tradition par amour tandis que l'instituteur occidentalisé se révèle un mari jaloux des infidélités potentielles de sa femme. Les jeunes femmes ne sont finalement pas non plus vraiment respectées par les protagonistes. spoilers Et c'est cette Michiko chaste qui se révèle finalement la plus capable de radicalité dans l'action en fin de film, renvoyant les hommes à leur faiblesse et leurs contradictions. Et (par un procédédé lourd de voix off) femme s'étant posée comme figure de tradition de son vivant offrant comme héritage écrit le constat du caractère inéluctable du changement historique. fin spoilers Discours ambigü sur la modernisation du Japon? Comme dit plus haut, il est à mon sens ici plus question de peinture des passions des êtres dans toutes leurs contradictions que de commentaire social. Une curiosité à découvrir pour cela d'ailleurs...