ma note
-/5
Merci de vous logguer pour voir votre note, l'ajouter ou la modifier!
The Yakuza Papers, Vol. #5: Final Episode
les avis de Cinemasie
1 critiques: 3.75/5
vos avis
6 critiques: 3.92/5
Fin de fin d'époque...
Commençons par situer chronologiquement ce chapitre final de la série. Il commence en effet à la fin des années 60 pour s'achever au début des années 70, soit dans une réalité contemporaine des spectateurs japonais qui le découvrirent à sa sortie. La série aura ainsi constitué pour ceux qui l'ont découverte en son temps une "histoire du Japon de l'après-guerre à nos jours" vue au travers de figures de marginaux incapables de s'intégrer au Japon du miracle économique. Car aux espoirs et à l'énergie des débuts de la saga s'est substitué un constat d'échec encore plus évident dans ce volet. Face à la lutte policière, les yakuzas vont tenter de s'unir et de se trouver une vitrine légale sous la forme d'un parti politique. Peine perdue vu que tout ceci n'arrive pas à empecher la police de s'intérésser à ce qui se cache derrière cette vitrine. Le personnage campé par Shishido Jo symbolise lui une idée de la chevalerie yakuza à l'ancienne qui ne survivra pas à l'épreuve du réel: il se fera ainsi arreter stupidement par exemple. Cet échec de toute une génération ayant tenté de faire son trou au milieu du chaos de l'après-guerre est autant celui d'Hirono que d'un Takeda qui sut mieux manoeuvrer. En prison, Hirono écrit ainsi dans son journal que les chefs stupides entrainent les morts inutiles. Alors qu'approche sa libération, il est partagé entre désir de dernière chance dans le monde yakuza et envie de raccrocher. Mais le monde des yakuzas ne veut plus de lui et après avoir réfléchi il décidera finalement d'arreter.
L'échec de Takeda, c'est son incapacité à maintenir la paix entre les clans. La jeune garde qui arrive semble d'ailleurs répéter les erreurs des ainés en risquant de menacer les vies de civils. Pire: elle manque d'un minimum de professionnalisme en tuant à ciel ouvert ou en étant parfois incapable de tuer de sang froid. Face à cela, Hirono et Takeda se sentent dépassés. Ils sentent qu'ils sont à un moment où ils doivent passer le témoin à une nouvelle génération de yakuzas. Du coup, ils se retrouvent tous les deux désenchantés parce que l'époque ne veut plus d'eux et parce qu'ils partagent la meme sensation de gachis d'opportunités. Le film se conclut peut etre d'ailleurs de façon trop abrupte. On aurait aussi aimé que ce dernier volet relie les épisodes entre eux. Reste néanmoins que ce qui domine dans cette conclusion contemporaine est un pessimisme foncier. Le film semble voir dans cette spirale de la violence gangstérienne une fatalité destinée à se reproduire. Hors l'habituelle Fukasaku's touch -cf autres avis sur la saga- la seule chose à signaler au niveau formel est le recours à des caméras à l'épaule lors de scènes dialoguées statiques et un recours occassionnel à des cartes.
Cette série vaut surtout pour ses deux premiers volets. Mais on peut la considérer comme un seul long film vu qu'elle forme une sorte de grand roman du Japon sur près d'un quart de siècle se consituant comme suit: les années d'ascension (volet 1), l'amour rendu impossible par le clan et les jeunes recrues premières victimes des conflits de clans (volet 2), les guerres de clans prenant une dimension nationale (volet 3), la révolte du peuple contre les yakuzas et la chute des clans (volet 4), la tentative de reconversion dans la politique, le passage de témoin à la jeune génération et la poursuite du cercle infernal de la violence (volet 5). Et elle pèse pour cette raison-là déjà beaucoup dans l'histoire du cinéma japonais et du cinéma de genre en général. Sans parler de ses innovations formelles et la façon dont elle a remplacé les yakuzas héroiques des ninkyos par des gangsters plus conformes à la réalité du monde mafieux nippon. Et plus synchrone avec les seventies aussi...
Note Globale d'estime de la série: 4.75/5
Notes séparées de chaque volet:
Combat sans code d'honneur: 4.5/5
Deadly Fight: 4/5
Proxy war: 3.5/5
Police Tactics: 3.75/5
Final Episode: 3.75/5
La fin, enfin... ou helas!
Arrivé au dernier épisode la série il est intérressant de faire le bilan des éléments qui font des Jingi naki tatakai plus que plusieurs (très) bons films, qui en font une grande fresque en cinq épisodes.
Comme dans toute bonne série l'on trouve des effets de signature, des gimmicks que l'on retrouve d'un épisode à l'autre. S'il y en a à foison ils sont pour la plupart tous très révélateurs:
- La musique tout d'abord: le fabuleux thème de Toshiaki Tsushima revient d'un film à l'autre avec quelques modifications. Parfaitement en phase avec la violence des films, ils apportent un surcoit important d'ironie, tout en scandant idéalement les accès de violence les plus saillants.
- Les images d'archives intégrées (le plus souvent au début des films) qui intégrent la série dans le contexte historique et sont le plus souvent un moyen de planter un décor et de mettre en place les éléments de l'histoire.
- Le recours au résumé des épisodes précédents, comme dans une vraie série télévisée, mais avec cette dimension suplémentaire qu'ici elle est souvent intégré à la narration. La conclusion même du film récapitule dans une perspective particulièrement amère le chemin pacouru en 25 années.
- Chaque film se cloture sur une vue du Genbaku dôme d'Hiroshima, lieu hautement symbolique s'il en est (inutile de rappeller que le premier plan de combat sans code d'honneur est une photo du champignon atomique!) qui rappelle que la ville d'Hiroshima n'est évidemment pas choisie en vain. En tant que symbole de la violence de la guerre, elle est un lien entre la violence du passé et celle du présent. Il ne s'agit pas seulement d'ironie: ce rappel est aussi hautement pessimiste! la violence d'hier ne peut rien prévenir de la violence d'aujourd'hui.
Si les films sont majoritairement construit autour du personnage campé par Bunta Sugawara, il faut aussi remarquer que deux d'entre eux le mettent pratiquement totalement entre parenthèse (Deadly fight in Hiroshima et Final episode oµ il n'apparait qu'une demi heure). L'importance des seconds rôles n'est égal qu'à leur nombre extrèmement élevés. S'il y en a qui reviennent de façon régulière (Akira Kobayashi par exemple) il y en a qui ne sont présents que dans un seul film où ils tiennent quasiment le rôle principal (Shoji aka Kinya Kitaoji dans DFIH, et Jo Shishido dans Final episode). Le casting est parfaitement équilibré autour de ce mouvement de va et vient d'un épisode à l'autre. Autour d'un Bunta Sugawara incroyable mais qui n'écrase pas les autres protagonistes, autant d'acteurs parfaits (Kobayashi mais aussi Matsukata Hiroshi et bien d'autres) et une clique d'acteurs invités qu'on se plait à retrouver (Jo Shishido, Sonny Chiba, Tetsuro Tamba en cameo dans Proxy wars, Meiko Kaji dans DFIH).
La réalisation de Fukasaku est évidémment un des points centraux de la réussite Jingi naki tatakkai. Si l'on peut se plaindre que le style n'évolue pas d'un épisode à l'autre, il faut aussi recconaitre que cela donne à la série une homogénéité indéniable. Fait de travellings frénétiques, de zooms hasardeux, de plans penchés, le tout est un ode au bordel, le foutoir devenu style. Aussi bordélique que le foison de personnages secondaires, la réalisation calque parfaitement le foutoir qu'est le Japon de l'après-guerre et qu'est peut-être le Japon tout court (la conclusion, particulièrement pessimiste ne semble gure s'illusionner sur l'avenir du crime au Japon: le dome de la paix a beau être toujours là, les jeunes succèdent aux vieux dans des combats meurtrier). Ettouffante (même dans les rues on a l'impression que les personnages sont à l'étroit, que la caméra ne tient que par miracle), l'ambiance est cise sur elle-même dans un monde sans échapatoire qui travaille à sa destruction.
Toutes ces données dessinent un portrait saisissant et particulièrement noir du Japon. Le genbaku dome que Fukasaku souligne à chaque épisode dresse le bilan: le désir de paix après la violence insensée de la guerre atomique est vain car nul n'est à même d'enrayer la violence. Il ne s'agit que d'un voeu pieux, d'un désir improbable auquel Hirono finit par rennoncer.
Tout cela fait que Jingi naki tatakai doit plus être considéré comme une totalité qu'une série de partie. Peu importe la qualité de chaque volet séparément. Même s'il faut reconnaitre qu'après le premier épisiode nettement supérieur aux quatre autres la qualité et l'intensité diminuent, le plaisir de suivre ne s'amenuise pas, au contraire s'accentue, comme par un effet d'accumulation. A chaque fois la même chose, à chaque fois différent, les films se suivent et puisent leur force dans les autres, dans le dessin global qu'il dessinent: un portrait sans concession d'un monde déserté par le jingi.