drélium | 4.5 | Une bombe brutale énorme |
Anel | 4 | |
Ordell Robbie | 4 | une pierre angulaire méconnue du polar HK |
Plus de 20 ans après sa sortie à Hong Kong, The Club, premier film de Kirk Wong, demeure toujours un polar à part dans l’histoire du cinéma de l’ancienne colonie britannique. Il incarne en effet déjà la capacité des cinéastes de genre HK à reprendre des codes hollywoodiens pour les réinterpréter.
L'année 1981 donna à Hong Kong trois polars marquants signés de réalisateurs de la Nouvelle Vague hongkongaise des années 80: le brûlot l'Enfer des Armes signé Tsui Hark, The Story of Woo Viet dans lequel Ann Hui offrait à Chow Yun Fat son premier grand rôle. Et ce premier film de Kirk Wong, cinéaste ayant fait ses débuts à la télévision hongkongaise. A défaut d'être un chef d'oeuvre, le film est important historiquement. Il a en effet été le détonateur de la vague de films de triades des années 80 à Hong Kong, trois ans avant que Long Arm of the law de Johnny Mak pose les bases de ce que la critique anglo-saxonne appellera le Heroic Bloodshed. La suite avec ses classiques wooiens appartient à l'histoire... La grande force de the Club, c'est de déjà incarner ce qui fera la force des grands polars hongkongais à venir: filmer avec Hollywood dans le rétroviseur pour mieux tracer sa propre route. Le pitch de the Club évoque ainsi ceux des films hollywoodiens des années 30/40 sur la prohibition. Il y est question de guerre entre deux gangs pour la possession d'une boite de nuit.
Mais the Club se démarque de ses modèles dans son traitement formel et narratif. Sur fond de filtre orange hideux, l'ouverture du film enchaîne ainsi les moments de brutalité filmés caméra à l'épaule. Elle pose ce faisant l'étrange alliage du film : une sécheresse de ton, de filmage et une violence d’un réalisme cru hérités des polars de série B seventies couplée à des combats à l'arme au blanche évoquant le ninkyo eiga et des moments évoquant le cinéma d'arts martiaux. On y prononce ainsi plusieurs fois brother tandis qu'un membre des triades peut porter sur son dos un tatouage évoquant ceux des yakuzas. Mais tout ceci correspond aussi en partie à un désir de décrire le monde des triades de façon réaliste. Les conflits se réglaient alors à l'arme blanche ou en utilisant les arts martiaux, d'où une grande différence avec les polars hongkongais suivants ayant recours aux revolvers. Certains rôles sont de plus ici interprétés par de véritables membres des triades d'un grand mauvais goût vestimentaire. Les seuls enjeux sont locaux, liés au contrôle de territoires et non au trafic international.
Loin de la dimension chevaleresque des héros wooiens, les triades sont ici brutaux et dénués de tourments moraux. La présence policière est de invisible tout le long du film comme s'il n'y avait rien pour faire écran entre la population hongkongaise et les triades. Le moment les plus saisissant du film est un meurtre perpétré de nuit derrière une vitre. Alors que l'assassiné appelle à la rescousse, un ouvrier au travail dehors n'entend rien. L'exiguïté hongkongaise ne débouche ainsi pas sur une meilleure communication et fait le lit du crime organisé. Venons-en désormais au «charme d'époque» du film. Les scènes de boite étaient un des passages obligés du polar années 80. L'obscurité de ces scènes-là du film accroît d'ailleurs la dimension chaotique des combats, notamment dans le climax final évoquant les combats au sabre de fin de ninkyo eigas. Sont présents dans la bande son des parties instrumentales de tubes signés Bowie, Dire Straits, Van Halen, présence rendue possible par la non-signature par Hong Kong de la Convention internationale des droits d'auteur. Ce dernier point permettra d'ailleurs au cinéma de genre HK de pouvoir allègrement piocher dans des BO existantes à succès pour le plus grand bonheur de ses amateurs. Kirk Wong offrira ensuite Gunmen, un rip off des Incorruptibles produit par Tsui Hark, et d'autres séries B bien plus connues (Crime Story, OCTB). Outre un développement de personnages pas vraiment permis par sa courte durée, une autre limite de The Club est de parfois traîner en longueur dans ses scènes hors combat. Mais cela n'empêche pas le film de valoir le détour pour les raisons mentionnées plus haut.
The Club fut édité en son temps dans une VHS aujourd'hui épuisée par la collection anglaise Eastern Heroes. Avec un peu de chance il est peut être encore trouvable en fouillant dans les échoppes vidéo d'Outre-Manche.