Ordell Robbie | 3 | Score minable et narration décousue. Mais comédie sous influence réussie. |
Yann K | 4 | Entre Kitano et Tati, une étonnante découverte |
Au vu du « pitch », on s’attendait à une ambiance Tsukamoto. Mais en même temps, le réalisateur, Hiroshi Shimizu, est l’ex fidèle assistant réalisateur de maître Takeshi Kitano (depuis Sonatine), et auteur d’un curieux Ikinai. Résultat : une grosse et bonne surprise. Le film est cadré au cordeau et donne une image de Tokyo inédite. Shimizu a déniché des décors à la fois impersonnels et originaux (il avait dû arpenter toute la ville pour chercher des lieux pour Kitano). L’endroit où se déroulent les matches de punching-ball est ainsi quelque part entre le ring géant et la plate forme de décollage pour vaisseaux spatiaux, coincée entre deux buildings. Shimizu semble aussi réinventer la notion même de travail. Dans Chicken Heart, on fait des boulots de merde (nettoyage de tags), des boulots impossibles à faire (vendre des postiches à ceux qui portent déjà une perruque), des boulots imaginaires (le punching-ball ou boxeur payé pour perdre) ou des passe temps inutiles (repeindre un bateau).
Tout cela semble bien théorique, mais le cœur de ce « Cœur de poulet » est profondément humain. Shimizu nous touche d’abord la rate, car son film est bidonnant. Son humour a plutôt des références françaises, Jacques Tati et Pierre Salvadori (on pense beaucoup aux glandeurs des Apprentis), mais rappelle aussi, bien sûr, les jeux de gamins chez Kitano. Le comique est d’une infinie richesse. Tantôt c’est un son de portable débile, tantôt un costume saugrenu, tantôt une façon de parler qui fait rire. La mise en scène alterne effets de répétition (dans le rythme, dans la musique tango) et de surprise. D’un côté gentiment bercés, on est de l’autre constamment surpris par des scènes qui peuvent déraper jusqu’au délire, un pétage de plomb à l’extincteur faisant ainsi basculer un dîner coincé dans la grosse teuf.
Un moment installé dans une comédie douce-amère, on est d’un coup propulsé dans le drame, qui n’était jamais loin. Si le film s’essouffle parfois car il joue sur peu de choses, il a gardé de la ressource pour sa fin, toute en belle mélancolie. Et il se dégage de Chicken Heart un sentiment de révolte énorme, mais qui n’éclatera pas dans le film. Iwano est résigné, il fuit ses responsabilités et se refuse à l’inconnu… mais jusqu’à quand ?