Un homme place une bombe sous un train de 1500 passagers, et demande 5 millions de dollars pour réveler comment la désamorcer. Le temps est compté : la bombe explosera si le train descend au dessous d'une certaine vitesse..
Familier ? Et pourtant, pas de Keanu en vue dans ce film catastrophe dramatique japonais réalisé en 1975 par Sato Junya (soit 20 ans avant l'hommage/rip-off), pas de super héros ! Que ceux qui s'attendent à voir Steven Seagal sauter sur le toit du train entre deux donuts se ravisent : Super Express 109 fait dans le réalisme, et les personnages bien humains.
Nous sommes ici plongés à nouveau en pleines 70's. Tout l'attirail est là : musique avec sons de guitare éléctrique, zooms sur les regards des comédiens.. Un plaisir à regarder avec décalage (difficile de résister au chef des trains regardant avec des jumelles un tableau situé à 5 mètres de lui, ou encore aux remarques de la police accusant à répétition les malfaiteurs d'être des gauchistes !), ou en entrant dans l'histoire. Car intrigue il y a : on est loin d'un jeu du chat et de la souris. Les "méchants", en fait personnages principaux du film, sont montrés avec leur interrogations, leur faiblesses, de simples hommes tentant un coup pour s'en sortir. Ils sont d'ailleurs les seuls à avoir du relief, les employés des trains et la maréchaussée n'étant que de simples exécutants uniformes unidimensionnels d'un sérieux rigolo.
Mais si les "méchants" (qui n'en sont pas vraiment, d'où les guillemets) habitent ainsi l'image, c'est aussi parce que leur chef est joué par Takakura Ken et sa prestance classieuse, son jeu intérieur, son charisme et son professionnalisme sur lesquels le temps n'a pas de prise. Malgré les 28 ans du film, Takakura est toujours aussi moderne. C'est aussi le seul personnage qui inspire le respect lorsqu'il apparaît : la salle se fait alors silencieuse, et les rires propres aux séances de ciné retro se transforment en regards attentifs..
Super Express 109 est un bon film. Alternant scènes de catastrophes ferroviaires imminentes, interrogations humaines et démêlés entre flics et voyous, il maintient en haleine jusqu'au bout. Et s'il est évident que Sato Junya montre plus d'intérêt et de panache pour les scènes dramatiques avec Takakura que pour celles avec policiers ou employés des trains (quelques moments très "bis old school"), le film est efficacement équilibré et -c'est important pour un film catastrophe- crédible. La trajectoire de Takakura prend au tripes, jusqu'à un final digne de "Heat" et beau comme le film de Michael Mann.
..Et Sonny Chiba ? Ah oui... Il joue un conducteur de train troisième couteau, assis sur son siège les 3/4 du temps. Ne comptez pas sur lui ici pour un atémi !
On regarde aujourd’hui Super Express 109 comme on regardera Speed, son remake américain, dans 20 ans : avec un petit sourire en coin et un œil distrait. Avec son scénario cousu de fils blancs, ses dialogues caricaturaux et sa pléiade de stars, cette superproduction japonaise qui ne manque pas d’humour reste cependant assez divertissante malgré ses limites. Tourné peu de temps après l’inauguration du Shinkansen, l’équivalent du TGV, il fut charcuté par les distributeurs français (60 minutes coupées quand même, faisant passer la version japonaise de 2H30 à peau de chagrin) dans le but de présenter le train japonais comme dangereux… Ce qui n’empêcha pas le film d’obtenir un joli succès public en France.
Dans le rôle principal, Takakura Ken joue le rôle d’un terroriste au grand cœur (« je ne voulais tuer personne ! ») avec sa sobriété habituelle ; face à lui, Sonny Chiba joue un petit rôle, celui du conducteur du train, et est éclipsé tant par Tamba Tetsuro que par Utsui Ken. On retiendra d’ailleurs principalement le portrait attachant qui est fait du terroriste en chef : en effet, ce n’est pas un monstre avide de sang et d’argent, mais un homme comme un autre qui sort d’une rupture douloureuse avec sa femme et qui poursuit un rêve un peu illusoire, celui de quitter le Japon avec une mallette pleine de dollars. Si tout se passait bien, son plan diabolique contre le Shinkansen devait lui permettre d’y parvenir ; malheureusement, même si le gouvernement n’a pas rechigné à le payer, rien ne s’est passé comme il le prévoyait. SPOILERLa scène finale où Ken court après l’avion en vol qu’il devait prendre est emblématique et constitue la meilleure des conclusions.Fin SPOILER
Avec un sens aigu du suspense et une écriture intelligente de ses personnages, Sato Junya réussit finalement un film d’action tout à fait honnête pour l’époque, et qui n’a rien à envier à personne.