Arrietty est le beau conte que l’on attendait du studio Ghibli et qui ne soit pas signé Miyazaki « grand Manitou » Hayao. Dernièrement, il fallait retourner au très inégal Contes de Terremer du fils Goro pour voir ce que la nouvelle génération de réalisateurs maison avait dans le ventre, et force est de constater que le résultat n’était pas tout à fait à la hauteur des émerveillements auxquels le studio nous a habitués jusque-là. Oui mais voilà, Yonebayashi Hiromasa -animateur sur les derniers bijoux du studio- est passé par là pour rappeler aux éventuels contestataires que la relève a du potentiel.
Ce potentiel on le doit déjà en partie à Miyazaki Hayao qui a su adapter, malgré un léger passage à vide aux trois-quarts, le conte enfantin de Mary Norton. Mini-pouces consistants malgré leur petite taille, personnages humains rondelets comme il faut, justesse dans l’émotion et fine poésie qui émane de la plupart des plans. Le film réussit dans son écriture à ne jamais rendre cette même poésie trop « facile » ou « mièvre » car derrière ce petit monde de chapardeurs coloré se cache une certaine forme de douleur. Entre le refus net des deux peuples à vivre ensemble (l’un se cache, l’autre traque), plane la menace permanente de laisser l’abri des chapardeurs à l’abandon en cas de découverte (où se reloger ? Éternelle question). Comme aussi cette décoration de maisonnette fictive jusqu’aux fenêtres faisant mine de donner vue sur des décors tout aussi fictifs, comme cette mer qui n’est pour l’instant qu’un rêve, et l’opération du cœur que va bientôt subir le jeune garçon Sho, l’un des rares personnages humains à vouloir approcher les petits être sans envie de capture. Sho représente une espèce d’espoir « éphémère » pour Arrietty, pas tout à fait sûr de voir le jour se lever après opération. D’où ce doute qui plane sur le sort réservé à ces petits-êtres qui sont amenés à disparaître petit à petit. La faute à qui ? Aux humains qui s’en battent toujours autant de l’environnement. Cette obscurité permanente qui règne sur Arrietty, jusque dans ses décors figés, presque pétrifiés par l’enjeu qui est entrain de se jouer, renvoie à l’alerte lancée par Miyazaki depuis les tous jeunes jours du studio, message que n’aura jamais laissé de côté son auteur même dans ses fresques les plus épiques, Princesse Mononoké en tête.
Arrietty a beau être un conte pour petits et grands, il représente toute de même ce que l’on a vu chez Ghibli de plus sombre, sans toutefois aller jusqu’à parler de dépressif (le film contenant ses jolis moments aériens particulièrement réjouissants), depuis belle lurette. L’utilisation de l’espace en forme de huit-clos donne aussi au film des allures de prison, trou à rat tout aussi peu rassurant que le dehors où attendent là, sagement postées, de grosses bébêtes affamées. Mais comme très souvent chez les productions Ghibli, les méchants ne sont pas aussi terribles qu’on ne pense, et ce n’est pas celle en charge de s’occuper du faible Sho ou encore son gros matou qui vont donner du fil à retordre aux mini-pouces. Juste l’occasion à Yonebayashi Hiromasa de prouver qu’il maîtrise aussi bien les moments les plus intimistes comme ceux plus spectaculaires. Le film démarre à ce propos superbement, notamment les trois premières confrontations entre Arrietty et Sho, extraordinaires, ou le premier cambriolage orchestré par Arrietty et son père, intense, silencieux, vertigineux. La suite, plus anecdotique malgré la jolie bande-son celtique, reste tout de même bien troussée : entre une mère incapable de garder son sang-froid, un jeune chasseur sans grandes manières, un chat qui fait ronron et de beaux moments humains –humanistes, Arrietty contient suffisamment de beaux moments pleins de légèreté pour convaincre les gros durs, rêveurs et jeunes aventuriers en herbe.