Xavier Chanoine | 2 | Du potentiel, mais un traitement beaucoup trop gentillet |
A Pierrot met au goût du jour le concept du thriller embarrassant destiné au grand public. Comprenons par-là, un sujet et des thématiques plutôt pesantes traités avec bonté et un certain lissage que l’on attend d’une production familiale. A Pierrot (également connu sous le nom de Gravity’s Clown) revient dont sur une famille décomposée dont le destin a été plus ou moins bouleversé une dizaine d’années auparavant : à cause d’une tempête de neige, Masahi rencontre Rieko, une mannequin, avec qui il se mariera et aura un enfant, Izumi. Alors que Rieko promène tranquillement son enfant au cours d’une belle après-midi, celle-ci se fait violer par un violeur en série, déjà auteur d’une trentaine de viols dans la région. La jeune femme tombera enceinte et, soutenue par Masahi, gardera l’enfant. Le petit Haru nait alors, connait une enfance tout ce qu’il y a de plus normal, et semble développer un réel talent pour la peinture, ce qui ne manquera pas d’attirer les moqueries et les suspicions de ses camarades de classe. Ce don pour la peinture éveille néanmoins les soupçons de ses camarades, et la rumeur du viol refait peu à peu surface dans toute la ville, sans heurter Haru puisque ce dernier ne connait pas la définition d’un tel mot.
Devenus adolescents, Haru et Izumi semblent liés. Si les activités d’Haru sont encore floues, Izumi se spécialise dans une formation de chercheur scientifique. Un beau jour, une série de tags et d’incendies sont commis en ville. Étrangement, des messages codés semblent avoir été tagués volontairement sur les lieux près des incendies, comme si quelqu’un cherchait à transmettre un message à la population ou aux autorités. Les deux adolescents se mettent à enquêter sur ces drôles d’actions qui semblent coïncider avec la remise en liberté d’un ancien violeur en série. Izumi en est persuadé et mène une enquête en parallèle afin de prouver la parenté entre son frère et le criminel, tout en décodant les tagues qu’Haru est obligé de nettoyer pour son boulot. Malgré une introduction à côté de la plaque, A Pierrot bénéficie d’un scénario prenant, entaché par des personnages et des détails bien trop téléphonés pour convaincre pleinement, mais qui réussit à outrepasser ces « détails » pour livrer une sorte de conte touchant sur la jeunesse et l’identité. La peinture des personnages a beau manquer de relief et le traitement général d’être trop doux pour que le spectateur affiche un rythme cardiaque au-dessus de la moyenne, on s’attache à cette petite famille polie jusque dans les moindres recoins, dévorant la vie à pleines dents malgré des coups du sort tirs-larmes qui ne peuvent masquer la volonté du cinéaste de toucher son public : ainsi les décès ne sont en aucun cas justifiés en tant qu’éléments narratifs propres.
Les procédés lacrymaux sont les principaux reproches que l’on pourrait faire au film de Mori Junichi, qui aurait tant brillé par plus de simplicité, de naturel et d’accompagnement sonore cliché à base de notes de piano mélancoliques. On y sent ce désir de vouloir tout mettre à sa place, d’apposer tout un tas d’éléments fictionnels dans un contexte qui aurait très bien pu s’en passer, le film perd alors grandement en crédibilité, pas bien aidé par des personnages moyennement écrits (Natsuko, spectre suiveur déséquilibré qui n’a d’intérêt que d’avoir un physique d’Idol) et des intrigues tirées par les cheveux qui ne trouvent pas de réel aboutissement : le puzzle des messages codés ou encore les préparatifs de l’assassinat du violeur par Izumi sont autant d’idées intéressantes que mal exploitées. De plus certaines scènes sont sur le plan émotionnel terriblement mal équilibrées, comme lorsque Masahi avoue à Haru, après la mort de Rieko, qu’il n’est pas son père mais le fruit d’un grave accident. Coup de massue qui ne semble même pas déstabiliser le principal concerné. De par sa trop grande naïveté et ses chemins balisés, A Pierrot ne surprend ni dans l’émotion ni dans sa structure. La qualité de l’écriture se retrouve alors amoindrie par sa trop grande gentillesse de ton et son apparente envie de transmettre le message « tout va bien dans le meilleur des mondes » malgré une famille touchée par la mort, le cancer et l’instabilité psychologique. Quelque chose cloche.