Je me pose toujours la question de savoir pourquoi tout ces gens viennent voir mon film, ce nest pas une fiction mais un documentaire. Je dois avouer que ça reste encore un mystère pour moi.
Oui, à Osaka et à Tokyo. Grâce à quelques papiers dans des journaux des gens ont été le voir, mais ça concerne très peu de gens.
Effectivement, il s'intitule Jam et se déroule dans le milieux de la boxe. J'y suis le parcours de jeunes garçons qui se voient plus beaux qu'ils ne le sont en tant que boxeurs et qui réalisent en cours de route qu'ils sont vraiment faibles, qu'ils n'ont pas le niveau... Il y a une ressemblance entre leur parcours et le mien, et nous avons d'ailleurs sympathisés. Moi aussi je me voyais plus beau que je ne l'étais au début de mon parcours, mais avec le temps il a fallu que je me remette en cause.
Il fallait démolir la maison de ma grand-mère pour la reconstruire et elle tardait à ranger les choses, à faire le tri dans ses affaires pour se débarasser de ce qui était inutile. On était plutôt ennuyé. Vous savez, quand on m'a annoncé au début qu'il était question de démolir cette demeure, j'ai tout de suite demandé à ce qu'on repousse ce moment d'un mois, le temps de préparer mon matériel et de trouver un cameraman pour filmer tout ça. Dès que je me suis installé là bas j'ai commencé à la filmer.
Au début elle était plutôt dérangée par notre présence et la caméra. Pendant quelques jours elle était donc de mauvaises humeur, avec des étrangers chez elle dès le matin c'est logique. Puis avec le temps elle s'est habituée à notre présence, on s'est même arrêté de tourner pendant quelques jours pour prendre le temps de parler avec elle. Et puis au bout d'un moment les choses se sont un peu inversés, elle a commencé à se préoccuper de nous, demandant au cameraman s'il avait bien mangé, ou prit son bain..., ce genre de choses. Nous étions finalement devenus des invités.
Il s'agit en fait d'une partie fictionnelle. C'est moi qui ai demandé aux habitants du village de bien vouloir se prêter à cette mise en scène d'une procession traditionnelle. J'ai voulu mettre cette scène dans mon documentaire parce qu'en tournant j'ai réalisé que mon père craignait beaucoup le jour où ma grand-mère décèderait. J'ai fait cette séquence pour essayer de le préparer à ce moment. La mort peut surgir à n'importe quel moment, et j'y ai moi-même pensé pendant quelques temps. Cette histoire d'une demeure qu'on va démolir, avec une grand-mère de 90 ans, est une image qui évoque cette idée de la disparition, de la mort. La scène de la procession fonctionne donc aussi comme une tentative de contraster l'ambiance de mon film, notamment avec le début où y on voit mon père et ma grand-mère trier les affaires dans une ambiance plutôt légère.
Je ne sais pas trop ce qu'elle en a pensé, elle n'a pas vraiment donné son opinion dessus mais elle s'étonne toujours du fait que des gens puissent payer pour la voir.
Bien. Avec cette scène de procession pas mal de monde m'a posé cette question et certains m'ont même dit que ce n'était peut-être pas une bonne idée de l'avoir intégrée...
Dans les maisons japonaises il fait en général sombre. Je pense que dans les ombres et recoins de chaque maison résident encore l'esprit de ceux qui ont jadis occupés les lieux. Et donc le moment ou le toit de la maison est enlevé le soleil en abolissant toutes ces zones d'ombre met un terme ces présences. C'est pourquoi j'ai posé ma caméra à l'intérieur de la maison, pour capturer ce moment particulier.
C'est aussi lui qui fait la narration dans mon précédent documentaire, Jam. C'est quelqu'un doté d'une personnalité plutôt timide, et sa façon de narrer s'en ressent. J'aime bien. Et puis sa façon de dire le mot « grand-mère » me plaisait. Vous savez au Japon il y a plusieurs façon de le dire et la sienne me convenait particulièrement.
Une question de sensibilité sans doute. Je me sentais plus proche de la forme documentaire où l'on part de quelque chose d'existant dont il s'agit de rendre compte en choisissant l'angle, le point de vue, alors que dans la fiction on part de zero en quelque sorte. Mais je ne suis pas réfractaire à la fiction, selon le sujet, ce que je veux raconter, je peux choisir l'une ou l'autre forme.
Oui, je vais commencer le tournage bientôt si tout se passe bien. Cette fois je vais filmer un vieux monsieur, quelqu'un qui est né à l'ère Taisho (ndr : 1912-1926).
Propos recueillis par Anton GUZMAN en novembre 2008
Merci à l'équipe du festival Kinotayo
Traduction Mari NAKARAI