Du quotidien capté avec une grande justesse
Ann Hui est une réalisatrice que je trouve extrêmement intéressante. Je l'avais découverte sur Arte avec son fabuleux
Song of the Exile (introuvable par ailleurs dans une version cantonnaise et VCD introuvable également à Hong Kong je désespère ainsi de voir ce film dans sa version cantonnaise). Il y a aussi eu ce fabuleux
Summer Snow que je n'ai pas encore revu. Bref, dans ses films captant la vie de personnes, sa sensibilité est selon moi la plus belle,
July Rhapsody (vu récemment) inclus. Dans
The Way We Are Ann Hui pousse encore plus loin sa vision du quotidien, de la réalité. Car dans cet opus, il s'agit tout bonnement de la vie de personnes vivant à Tin Shui Wai (dans les Nouveaux Territoires de Hong Kong), dans la même tour. Le premier appartement est celui d'une femme quadra/quinquagénaire élevant seule son fils de 18 ans (je suppose, vu qu'il a terminé son bac). L'autre appartement est occupé par une vieille femme qui n'a plus de famille. Lorsque la quinquagénaire rencontre cette vieille femme, un lien se crée entre elles.
Si il est quelque chose de difficile à capter au cinéma sans ennuyer son spectateur, c'est bien le quotidien. Et là, c'est brillamment réussi. Etant d'origine hongkongaise et l'ayant vu avec ma mère, celle-ci pensait royalement s'emmerder quand je lui ai annoncé "quotidien, personnes des Nouveaux Territoires". Pourtant, ce fut le coup de coeur pour elle aussi. Il existe une sorte de petite magie dans ce film. Des personnes qui s'entraident et qui finissent par passer du temps ensemble, une femme esseulée ayant du mal à voir son petit fils et dont on partage la peine (la famille est d'autant plus importante dans la société chinoise), bref, ça fait extrêmement de bien. Le quotidien du Hongkongais pas super riche (vivre aux Nouveaux Territoires), menant une vie modeste, une mère qui aime voir grandir son fils en lui laissant prendre des décisions (c'est rare vu comment tout le monde mise dans les études à l'étranger dans une prestigieuse université ...), beaucoup de petits trucs touchants. Mais pas non plus de musique violon ou autres trucs pour nous faire ressentir une quelconque émotion.
Le titre, quant à lui, reflète très bien ses personnages: la quinquagénaire qui a très bon coeur et aide de suite la vieille femme (on apprend par la suite que sa mère la voit comme quelqu'un d'assez idiot à aider tout le monde, il est vrai qu'il existe quand même un certain individualisme, une certaine compétitivité dans l'ex-colonie) est comme elle est. De même pour son fils. En fait, l'idée d'être bien dans sa peau, peu importe le jugement semble véhiculer la pensée de cette femme et de ce fils. The way we are, tels que nous sommes. Et ça, c'est quand même quelque chose qu'on trouve assez peu là-bas (enfin ceci ne regarde que mes expériences). Quant à la vieille femme, elle prend quasiment cette petite famille monoparentale sous son aile et l'adopte. Elle devient en quelque sorte la "grand-mère" de ce jeune homme qui dit tout le temps "oh" (assez véridique là-bas d'après mes souvenirs récents).
En gros, ce film est un quotidien capté. C'est la vie. La vie à Tin Shui Wai, une vie modeste dans les Nouveaux Territoires. Ann Hui a réussi son coup!
22 décembre 2008
par
a-yin
Beau film sur le quotidien et la vraie vie d'une partie de la population hongkongaise.
C'est vrai que certains vont trouver très lent ou presque documentaire mais c'est un style. C'est du vrai cinéma : tout y est.
C'est ce que je voudrais qualifir de film hongkongais : qui ressemble aux hongkongais ou tout au moins une bonne partie d'entre eux.
The Way We Are
Loin de donner dans le larmoyant, "The Way We Are" m'a captivé grâce à son duo d'actrice principal Pau Hei-Ching (Kwai) et Chan Lai-wai formidables de naturel et de gentillesse. Leur rencontre forme le "ciment" narratif du film, leur entente étant empli d'humanité. Le récit est remarquablement bien écrit, crédible, touchant, servit par une mise en scène et un montage sans esbroufe au service d'une histoire simple. Je le conseil, par exemple, à toutes celles et ceux, curieuses(x) voulant mettre un premier pied dans le cinéma "d'auteur" chinois comme on dit. Disponible en dvd chez Spectrum Films.
C'est un quasi documentaire que nous offre Ann HUI avec THE WAY WE ARE. Personnellement j'ai trouvé le propos très mince et le film pas vraiment passionnant. Les qualités techniques sont bien là, on suit les protagonistes dans leur quotidien banal au possible, bref je n'ai pas trouvé un grand intérêt à cela.
L'aire de rien
Il y a des films comme ça, qui naissent des petits riens et qui se frayent leur petit bonhomme de chemin dans le cœur des gens. Des petites bulles d'oxygène au sein d'une machine cinématographique terriblement rôdée et qui redonnent foi en l'humanité et l'existence des véritables auteurs…
Ce n'est pourtant pas pour autant, que j'ai été totalement conquis par ce film.
"The way we are" est né par tout un concours de circonstances – c'est un petit fruit du hasard.
Cela faisait déjà plusieurs années, qu'Ann Hui se battait pour finaliser un projet, qui lui tenait à cœur, "Night and Fog", l'adaptation d'un terrible fait divers dans la veine de son épisode télé réalisé dans les années 1970 "CID: Murder" et de son premier long "Secret".
Juste avant le début du tournage, l'un des producteurs s'et finalement rétracté, prétextant n'avoir foi dans le succès du film; Hui se retrouvait alors avec une bonne partie de son équipe technique déjà mobilisée et les ¾ des lieux de tournage repérés et – en partie – réservés.
C'est alors, qu'elle se rappelle un scénario, qu'elle avait lu 7 ans auparavant et qui n'avait jamais quitté son esprit: "The way we are", petite chronique toute simple, écrite par une journaliste fraichement diplômée. Hui avait tenté un temps de trouver des sources de financement, puis avait lâché l'affaire en disant à la jeune journaliste de tenter de monter le projet de son côté.
En cherchant des nouvelles sources de financement pour son "Night & Fog", elle entre en relation avec le pape du mauvais goût, le roi incontesté du "Z" made in Hong Kong, WONG Jing himself, qui est intéressé par lui octroyer les financements nécessaires à la bonne continuation de "Night & Fog"; c'est que derrière une légèreté apparente, se cache également un passionné de cinéma. Hui lui parle alors également du projet de "The way we are" et Wong Jing consent également à lui donner une petite somme pour tourner rapidement ce projet, en DVD, équipe réduite et avec des acteurs en partie amateurs. L'affaire est lancée…
Enfin, le tournage prendra quand même quelques semaines et Hui re-tournera des scènes supplémentaires à l'occasion du festival de la pleine lune au mois de septembre, séquence inventée de toutes pièces par ses propres soins, tout comme la mise en parallèle avec les photos d'archives. Tout el reste était déjà décrit tel quel (et au mot près) dans le scénario d'origine.
Destiné tout d'abord à une exploitation TV, la sélection à divers festivals aura motivé les producteurs à tenter une timide sortie ciné – et même si le film n'aura pas accusé de recettes récord, il aura trompé les plus fol espoirs de ses producteurs et a depuis entamé une belle carrière dans un circuit festivalier.
Les raisons de ce succès ? La simplicité même du propos et l'un des très rares portraits sonnant parfaitement juste d'une population hongkongaise parfaitement méconnue. Des thèmes universels, qui peuvent toucher n'importe qui au monde. Et une fraîcheur et un optimisme, qui réchauffent le cœur par ses temps de crise.
"The way we are" est une toute petite tranche de vie, au cours de laquelle des courses, le fait de changer une ampoule ou le découpage d'un durian constituent les scènes les plus mouvementées du film – on en est bien loin des agissements des triades d'un "Election" ou les folles courses-poursuites en voiture d'un "Connected".
L'autre grande qualité du film de Hui, c'est également d'avoir su réhabiliter le quartier décrié de Tin Shui Wai, un quartier de mauvaise réputation, encore récemment montré sous un très mauvais jour dans "Besieged City" de Lawrence Lau. Un quartier, que Hui montre sous un aspect bien différent, peuplé de gens tout à fait normaux, sans véritables histoires et qui mènent une existence quelconque, comme n'importe qui au monde. Un monde tellement banal, qu'il parait presque à part, où même les portables semblent singulièrement absents – quasiment une prouesse technique aussi énorme dans cette métropole, que de vider l'entier Times Square Garden new-yorkais pour els besoins d'un film comme "Vanilla Sky"…
Curieusement, elle fera voler en éclats cette même image très positive en deux plans, trois mouvements dans son prochain "Night & Fog", tourné dans ce même quartier…
Alors, attention: ce film ne parlera pas du tout aux fans du seul cinéma d'action HK et même les amoureux d'un certain cinéma d'auteur risquent de ne pas vraiment se retrouver (la faute à un air de déjà-vu par ailleurs ? Un manque d'austérité ? Un cinéma finalement très peu inventif – j'en suis incapable d'en déterminer la raison, mais je n'ai pas été suffisamment touché…). En revanche, le portrait quasi documentariste que fait Ann Hui de ses congénères est absolument passionnant pour tout amoureux de l'Asie et de l'archipel et il est d'ores et déjà sûr, qu'il fera office de témoignage de toute une époque d'ici quelques années, comme le font aujourd'hui les premiers travaux télévisuels de Hui de la fin des années 1970…