Le wu xia dont on fait la légende
Pour tous les asiaphiles en quête du wu xia ultime, A touch of zen semble s'approcher et même personnifier le Saint-Graal tant tout y est condensé et démontré avec la verve, l'avant-gardisme, la poésie et le talent esthétique d'un très grand maître, King Hu, véritable peintre de film.
Touch of zen débute pourtant très tranquillement, sans envolée magistrale, souci graphique forcené ou combats sous tension en guise d'entrée comme peut le faire le plus accessible come drink with me, mais c'est pour mieux nous baigner progressivement et subreptiscement dans une ambiance de plus en plus captivante et finir en apothéose mystique, véritable jouissance ultime pour tout amateur averti.
On y retrouve les thèmes chers à King Hu de la femme fatale et maternelle, force de la Chine comme le dit Christian D, discrète, humble et déterminée, et le penchant du réalisateur pour mettre en avant la subtilité des artistes et de leur intellect plutôt que la force brute. Il est ici question de finesse et d'esprit avant toute action ou tuerie insensée.
Début tranquille, donc, dans un décor de village plutôt classique qui manque cruellement de vie. Seul le peintre local semble égayer de ses oeuvres et de son innocence un malaise déjà présent et voulu, une sécheresse et un goût amer omniprésents. Mais déjà, le montage montre un savoir faire extrême à mettre en place un suspense, une tension, un mystère enveloppé de silence. Rien de bien appeurant pour un oeil actuel mais pour l'époque, c'est tout bonnement unique et tellement maîtrisé.
La seconde partie nous emporte définitivement vers les hautes cimes du mystique avec des personnages qui se dévoilent finalement grands combattants, un moine shaolin, plus que tous ses successeurs, sage et grand, Boudha en personne, des combats en tout point précurseurs, poétiques et violents, des paysages mirifiques, un souci du détail de toutes les secondes, tout autant dans la contemplation que dans l'action, les deux en même temps à vrai dire. A propos d'action, l'utilisation de trampolines pour simuler les sauts surhumains font partie du jeu et le plaisir est immense malgré les chorégraphies simples mais ultra novatrices pour l'époque. Et puis, c'est King Hu, c'est donc la grande classe. Il sait comment nous attirer pour qu'on y croit aveuglément.
L'utilisation des ralentis n'est pas souvent la bienvenue dans un wu xia pian duquel on attend forcément une bonne dose de fureur, mais c'est King Hu, c'est la grande classe, point barre ;). La fureur est là au moment où elle doit l'être, pas ailleurs, et les ralentis sont utilisés eux aussi quand ils ont une vraie valeur et un sens, lors d'instants de grâce inoubliables où la beauté de la lumière fusionne avec la beauté du mouvement, lorsque la sagesse et la paix se mêlent à la détermination et la violence, le tout en parfaite harmonie. LA-GRANDE-CLASSE.
Malgré une trame classique de combat pour le bien entre un petit groupe de bons et un seigneur très méchants bien épaulé et entouré, sur fond d'histoire de fantôme qui relève de la superstition, King Hu va loin, très loin, plus loin que quiconque dans les thèmes de la beauté face à la laideur, de la douceur face à la brutalité, de la contemplation face à l'action, de la poésie face à la violence.
Une peinture, une symphonie, un bloc de granit, un moment de grâce, un classique absolu, le Saint-Graal...
un arbre qui a caché la forêt du cinéma hongkongais 70's mais quel arbre!
Durant les années 70, King Hu fut l'arbre qui permit à la cinéphilie occidentale de négliger le reste de la production hongkongaise de wu xia pian (rien de moins que Chang Cheh et Chu Yuan entre autres). Son cinéma correspondait en effet à la notion de classique tel que la définissaient les festivals et l'intelligensia de l'époque: des oeuvres qui rivaliseraient avec la densité romanesque (grand argument de certains amateurs de cinéma japonais pour dédaigner le cinéma hongkongais; ces derniers oublient qu'une abondante production de cinéma de série voisinait avec les films de Kurosawa, Mizoguchi, Ozu et Naruse durant l'âge d'or de ce cinéma). Et cette idée que la plus grande ambition du cinéma serait de rivaliser avec la littérature se retrouve encore aujourd'hui avec le cas Tigre et Dragon (ou Lagaan pour le cinéma indien): un film peu représentatif d'une cinématographie populaire obtient une sélection festivalière parce qu'il est "romanesque" (adjectif malgré tout excessif dans le cas du film d'Ang Lee dont les enjeux narratifs et thématiques ne dépassent pas ceux du tout-venant de la bluette). On pourrait se désoler de cet état de faits en rétorquant que certains classiques reconnus (Yojimbo, Pour une Poignée de Dollars, les premiers Godard) ne correspondent pas à cette définition et qu'en outre de l'eau a coulé sous les ponts de la cinéphilie qui ne regarde plus avec dédain le cinéma de genre pur (ce qui est une très bonne évolution quoiqu'en disent certains râleurs). Ou que le film d'Ang Lee était d'un académisme pesant hors de ses scènes de combat. Reste que le visionnage de A Touch of Zen est une expérience suffisamment intense pour balayer les raisons contestables de sa reconnaissance.
Si la grande longueur de la séquence d'ouverture peut surprendre aujourd'hui, reste qu'elle évoque les audaces du meilleur cinéma populaire des années 70. Avec cette mise en place lente et contemplative où surgissent par moments des éléments humoristiques (la situation de la mère qui essaie par tous les moyens d'arranger un mariage à son fils est après tout très vaudevillesque, de même que les gaffes du jeune garde frontière vis à vis de sa "promise"), comment ne pas penser aux fresques bouffonnes de Sergio Leone? La mise en place d'Il Etait une Fois la Révolution était également très lente et des éléments comiques (le cow boy désoeuvré filmé en train d'uriner puis se rembraillant) affleuraient sans compromettre la montée en puissance du film. King Hu convoque également dans le début du film la figure du sabreur mercenaire, grand "héros" du cinéma japonais des années 60. Il réussit néanmoins à glisser au milieu de cette longue introduction des éléments littéraires: le garde frontière et le sabreur parlent de Confucius selon lequel les esprits existeraient seulement si l'on y croit. Ce mélange d'éléments très hétérogènes permet au film d'éviter de sombrer dans l'académisme et l'exotisme pour cinéphiles vers lequel pourraient le pousser le cadrage et le coloriage quasi-pictural de ces scènes -à l 'exception de quelques scènes d'intérieur dont les chromas bleus vifs annoncent la Workshop's touch-. Mais après cette mise en place entre polar, comédie et romanesque, le fim va dériver d'une façon imprévue: avec la lutte des esprits à l'intérieur de la demeure du garde frontière, le film bascule dans le pur plaisir des combats au sabre chorégraphiés. La frénésie que Tsui Hark rendra en accélérant les combats est rendue par King Hu avec l'usage exclusif du découpage. Les combats sont d'autant plus frappants qu'ils suivent une mise en place dilatée et contemplative qui ne nous préparait pas à l'affranchissement des lois de la gravité qui s'amplifiera au cours du film. Le combat dans la forêt est un modèle du genre.
Mais le long flash-back du milieu à propos de la trajectoire de la jeune guerrière (bien amené là où celui d'Ang Lee faisait pièce rapportée d'élève trop appliqué) va redonner de l'épaisseur thématique au film par l'inroduction d'éléments historiques et politiques (guerre dynastiques, hommage au refus des femmes de se résigner, place du poète en rebellion contre la société). Néanmoins, King Hu n'en oublie pas de divertir avec virtuosité le spectateur: le moment où les moines bouddhistes administrent une leçon de non-violence aux poursuivants comme aux poursuivis est également moment de pur bonheur chorégraphique. Et dans cette seconde partie du film, l'action va exploser en étant intimement liée aux thèmes forts du film: l'embuscade tendue par le héros aux armées aboutissant à de superbes séquences de combat dans le noir suivie d'une scène au lever du soleil révélatrice de son génie de la stratégie militaire (thème phare de King Hu qui fit la gloire de ses débuts dans le film d'auberge: comment attirer et piéger son adversaire politique dans un lieu clos), l'intervention des moines bouddhistes au milieu du second combat dans les bois pour mater l'envoyé du pouvoir tout en retenant la guerrière de ses penchants sanguinaires. Un des aspects les plus réussis de cette partie est son changement de registre musical (passage des sonorités subtiles du début à un score lyrique puis élégiaque) qui rend entre autres la découverte du bébé par le héros poignante. Et la puissance dramatique de la musique culminera dans un final dans le désert d'abord animé du souffle des meilleurs westerns pour enfin devenir quasi-surréaliste (les chromes outrés des scènes d'hallucinations) puis mystique. On mentionnera également les cassures de rythme crées par les zooms au long du film ou par des plans rapides chargés de sens (les plans hachés de la nature en plein milieu d'un combat au sabre annonçant la thématique malckienne de la guerre au milieu de la nature).
La beauté de A Touch of Zen est de se situer dans cet entre deux, cet empire du milieu capable de faire cohabiter les pôles extrêmes du cinéma mondial. Fresque romanesque digne du meilleur cinéma classique ET divertissement total chargé d'audaces formelles -ce que sera le meilleur cinéma hongkongais grand public qui prendra sa relève-. Une grandiose transition en somme.
Magistral
Si l'anthropologie de Chang Cheh fait du comportement humain son centre de gravité, celle de King Hu replace l'homme dans l'univers mais certainement pas en son centre. Le premier tiers de A Touch of Zen est exemplaire de ce credo qu'il reprendra dans
Legend of the Mountain. L'homme y est placé dans un contexte naturaliste qui suggère magnifiquement la fragilité et la prétention de la vie humaine. Sans mot, il nous fait ressentir le décalage entre la vie politique et une vie sociale naturelle. Analogiquement à ces troncs d'arbres morts, à ces branches déséchées qui imprègnent ses paysages, ils nous fait ressentir l'absence de vie dans les comportemnts humains qui éloignent l'homme de son origine. En cela, il y a chez King Hu beaucoup plus qu'une simple esthétique naturaliste, c'est une vraie philosophie qu'il entend porter à l'écran, son idéal s'incarnant au final dans la personne du moine qui ayant renoncé à agir dans le monde et s'étant unifié à la nature est de cette manière le seul qui puisse véritablement avoir une action réelle. Le talent de King Hu est de savoir suggérer celà sans mot, en s'appuyant à peine sur la trame de l'histoire. Certes plus de la moitié du film est avant tout là pour faire coller le film au scénario, mais d'une certaine façon ce n'est pas cela qui l'intéresse, c'est un passage par la forme qui fournit un appui tangible au film. Mais l'histoire n'est qu'un vecteur relativement secondaire de son message, et c'est aussi l'aspect du film qui a le plus vieilli. Qu'importe, King Hu nous donne à sentir plus qu'il nous donne à comprendre et cela ça n'a pas d'âge.
Plouf la tortue !
Trop tard. J'arrive trop tard. Adepte de Tsui Hark – accointance générationnelle – je vois le père à chaque plan de ce Touch of Zen, « Sha-nu » en chintok, « La jeune fille poursuivie ». A l'époque révolutionnaire, ce film ne garde plus désormais qu'un charme suranné, majoré par Marjorie (Hsu Feng), quelques brillantes chorégraphies, une maniaquerie du détail encore décelable, une musique magnifique – j'ai encore le score litanique final en boucle dans la caboche - et une exigence narrative que l'on sent aussi douloureuse pour le réalisateur qu'elle l'est pour le spectateur. Car si A Touch of Zen est le plus intouchable de King Hu, le plus respecté, il n'est pas le plus accessible. Malgré ses auto-emprunts à son auberge du dragon à lui, sa morale n'est pas tout public, sa rythmique non plus. King Hu ne se dit pas bouddhiste mais semble chercher Dieu à travers les préceptes monastiques véhiculés par cette religion. En découle une recherche d'équilibre à la fois chez l'artiste et dans la narration, cahoteuse. Volontairement ? Par la grâce d'un Bouddha invoqué, King Hu y parvient, sans cela les enjeux s'écrouleraient. Le film fut tourné sur une longue période, les réécritures du scénario furent nombreuses aussi s'amuse-t-on à voir dans cette fuite en avant la méthode de Tsui Hark avec cette manie pour avoir 15 longueurs d'avances et une capacité décisionnaire de bifurquer n'importe quand n'importe où. A ces énervants génies de savoir retomber sur leurs pattes, même lorsque ici tout un long combat final oppose un personnage secondaire, le moine, à un vilain découvert seulement en dernière bobine (!) A une forme de frustration ludique et empathique d'accompagner le sentiment intellectuel de s'être mangé de la pensée brute en pleine poire, de celle que l'on retrouvera dans Le syndicat du crime 3 avec ces vilains qui se suivent, se ressemblent et font partie d'un magma maléfique. Toutefois, lorsqu'on pense au fils, à Tsui donc, on se rappelle sa vision propre quant à ce type de schéma mystique dans son Green Snake. Et l'on rigole ! Si Histoire de fantômes chinois et sa culture taoiste sont déjà bel et bien là à travers la formidable scène de la cithare issue de cette parade amoureuse entre les personnages incarnés par Hsu Feng (la femme plein de secrets) et Cho Kin (le lettré), on repère la scission entre nos deux sifu sur le versant de leur vision de la vie lié aux religions et aux femmes. Dans A Touch of Zen une femme quitte un homme en lui laissant un bébé pour sa descendance en guise de dédommagement ? Dans Green Snake, Tsui Hark vantera le plaisir de la chair sans honte et sans hypocrite tabou. On ne fait pas l'amour uniquement pour procréer ! Idem, surtout, pour la vie monastique, le replis sur soi dans une prière collective et déshumanisée, critiquée avec une violence anticléricale rarement vue ailleurs – même chez Ken Russel - dans la grande finale de Green Snake. Avec ce film, le réalisateur de The Lovers tuera le père en même temps qu'il affirmera la relève. Il lui concédera juste cette lumière dans la nuit cauchemardesque de son The Blade avec un moine qui s'y promènera comme un repère moral trop éphémère, puis rechargera la mule sur Detective Dee en choisissant un moine comme bad guy avant de rétro-pédaler à cause d'une censure mainland craignant un hypothétique veto des bouddhistes. Alors vous allez me dire : « c'est bien beau tout ça, mais quel est le rapport avec plouf la tortue ? » Un bref instant, on voit une petite mare avec autour quelques tortues. Elles n'avancent pas bien vite. La progression vers l'eau est longue, lente, un peu pénible. L'une d'elles finit enfin par tomber dans la mare. Plouf, la tortue ! Lorsqu'elle chute dans la flotte, la surprise, la vitesse et l'enchantement semblent décuplés. Question de rythme.
Au-delà du réel.
"A Touch Of Zen", c'est l'antithèse du téléfilm ou du documentaire. C'est le 100% cinéma ; la déformation du réel appliquée à tout ce qui intègre le cadre : la nature, l'humanité, l'union des deux et ce qu'ils expriment.
Tout d'abord, "A Touch Of Zen" rend compte une fois de plus, de l'apport du Cinémascope, format panoramique par excellence ; et de l'anamorphose qu'il permet. Avant d'être abandonné au profit du Panavision, le Cinémascope aura eu le temps de magnifier des oeuvres telles que "Le Mépris" ou "La Vengeance d'un Acteur". Et puis surtout, "A Touch Of Zen".
Dès les premières minutes, le film de King Hu fait donc la gloire du Cinémascope, et inversement ; les panoramiques fusent et l'environnement se déforme. Les montagnes s'étirent, s'évasent, puis disparaissent. King Hu opère un panoramique et c'est tout un monde qui se déroule sous nos yeux, un monde inconnu, celui qui ne peut exister concrètement que sur pellicule. Le monde du cinéma de King Hu.
Ensuite, "A Touch Of Zen" est un wu xia pian, genre pouvant devenir irrationnel selon les volontés du cinéaste. Mais King Hu fait plus dans le dénigrement du réel que dans la monstration de l'improbable, alors "A Touch Of Zen", même s'il remet les lois de la gravité en question - certains personnages étant capables de sauter de toits en toits ou de courir à la verticale sur des bambous ; ne repousse pas les limites du genre comme Tsui Hark le fera quinze ans plus tard. Le cinéma de King Hu est définitivement plus raffiné que celui de bon nombre de ses pairs.
Enfin, "A Touch Of Zen", comme son titre l'indique, fait intervenir au cours du récit, l'indéscriptible culture Zen par le biais des moines bouddhistes. King Hu se permet alors de transposer au cinéma, une illustration de l'harmonie entre l'homme et la nature (usage de plans d'ensemble vers la fin du film), de l'illumination (plans éclairés par la lumière naturelle du soleil), de la fusion avec le "Divin" (le moine se tenant devant le soleil, dans le champ), de la représentation symbolique de Bouddha (le moine lui-même), et de la force méditative primant sur la violence physique.
Avec "A Touch Of Zen", King Hu aura contribué à faire du cinéma, un outil médiateur de nos désirs, capable d'illustrer par les images l'expression d'un onirisme, d'un mysticisme ou d'une irrationnalité. Un rêve éveillé de trois heures, ça ne se refuse pas.
Si je devais emmener un seul film sur une île déserte...
Lorsque le fond et la forme se rejoignent avec une telle symbiose et sont portés à un tel niveau de perfection, il est difficile de ne pas y succomber.
Le film est découpé en 3 parties avec un personnage principal pour chaque partie: la partie 1, "LA PLEBE", est centré sur le Lettré; la partie 2, "LE POLITIQUE", se focalise sur une jeune fille de la Noblesse mandarinale; et la partie 3, "LE SPIRITUEL", est représentée par le Bonze.
Quant à la forme, on est immédiatement subjugué par l'esthétique naturelle et un cadrage parfait. Chaque plan est une peinture chinoise. On remarque le soin apporté à la fois à la photographie et aux costumes, ce qui est très rare pour une production de cette époque.
La note maximale sans aucune hésitation.
"A Touch Of Zen" ou Le cinéma comme émotion mystique
L’histoire du cinéma est pleine d’erreurs de perspectives, historiques ou esthétiques. Nombreux sont les films ou cinéastes que l’on a considérés comme représentatifs d’un genre, d’un pays ou d’un style, notamment à travers les festivals internationaux, alors qu’ils étaient assez ordinaires ou méconnus dans leur propre pays ou milieu artistique d’origine. C’est ainsi, par exemple, que l’on a pu primer en Europe dans les années 1950, en pleine découverte du cinéma japonais, des films qui s’avèrent aujourd’hui de peu d’importance (ex. : "Les Portes de l’Enfer" de Teinosuke Kinugasa) ou des cinéastes probablement surestimés (ex. : Wong Kar-Wai) ; que des producteurs américains ou russes ont financé les derniers films d’Akira Kurosawa, qui ne trouvait plus aucun soutien dans son Japon natal alors qu’il restait très estimé du public (cultivé) occidental ; ou encore, que l’on en arrive à vanter des films d’action destinés au public occidental ("Tigre & Dragon", "Hero", "Kill Bill") qui en fait plagient allègrement, de façon plus ou moins actualisée, et parfois même avec la connivence des studios chinois ou japonais qui ont produit les modèles originaux, un cinéma asiatique encore en grande partie ignoré voire méprisé.
"A Touch Of Zen" fait partie de ces films qui sont longtemps passés pour être représentatifs d’un certain cinéma, en l’occurrence le film d’action historique chinois. Mais dans son cas, il se trouve que c’est réellement un bon film, réalisé par un cinéaste pleinement reconnu en son temps comme l’un des meilleurs réalisateurs des prestigieux studios hong-kongais de la Shaw Brothers (l’oubli, pour King Hu, viendra plus tard, dans les années 80). Comme le dit très justement un critique du site CinémAsie, le film fut longtemps "l’arbre qui cache la forêt" – mais heureusement un fort bel arbre !
"A Touch Of Zen" ("Hsia nu") est sans doute l’un des meilleurs films et des plus illustratifs du style de King Hu. Tout en respectant les règles du wu xia pian (version chinoise de nos films "de cape et d’épée"), King Hu se les approprie de façon originale et maîtrisée, et déploie une mise en scène dramatiquement très intense et constamment captivante.
La première partie du film est énigmatique et mystérieuse, racontée avec un grand art du suspense, égal à celui des plus grands maîtres du thriller. Peu de dialogues : l’image et le son traduisent presque exclusivement l’enquête d’un peintre et calligraphe (Shih Chun) d’une petite bourgade, intrigué par l’arrivée d’un étranger en ville. L’ambiance de la petite ville et le décor à moitié ruiné et envahi par une importante végétation du vieux fort où vit le héros, évoque certains univers de western.
Dans une seconde partie, le film change de ton : les identités de chacun se révèlent et King Hu nous plonge dans un sombre complot, auquel le héros se trouve mêlé à la fois par curiosité et par un intérêt (probablement amoureux) pour la belle héroïne du film (Feng Hsu), fille d’un important notable contrainte de se cacher des ennemis de sa famille. Dans le même temps, l’histoire s’accélère et se complique, et des combats ponctuent le récit, aussi rapides que sanglants, plus proches, par leur style brutal, des combats des films de sabre japonais que de ceux des wu xia pian chinois. King Hu intègre habilement ces combats dans un décor naturel qui offre aux adversaires des ressources inattendues et qui intensifie leur lutte par le seul accompagnement de bruits ambiants, en particulier du vent et des gémissements des lutteurs. La musique, lorsqu’il y en a, souligne avec une efficace sobriété la montée de l’angoisse ou de la violence, mais n’envahit jamais les moments les plus forts, que seuls traduisent l’espace du plan et son mouvement. Après une longue scène de bataille nocturne et meurtrière imaginée par le héros qui se révèle fin stratège, commence la dernière partie du film, encore plus étrange que les deux précédentes.
Le héros se retire, pour ainsi dire, de la scène après avoir trouvé et recueilli un mystérieux enfant abandonné, et une fois assuré de la protection de sa fuite par la belle jeune femme combattante et le général Shih (Pay-Yin) qui l’accompagne. La fin du film est un long affrontement virtuose d’arts martiaux qui, peu à peu, se transforme en une lutte plus morale, voire spirituelle, entre le Bien incarné par un moine bouddhiste et le Mal personnifié par le commandant Hsu (Yin-Chieh Han, par ailleurs directeur des combats du film) et ses deux subalternes. Le projet de King Hu de faire percevoir au spectateur l’esprit du bouddhisme chan (zen en japonais) s’affirme enfin ouverte-ment, dans ce long final qui éclaire et renouvelle toute la perspective du film en lui donnant une signification possiblement allégorique.
Et King Hu rejoint, du même coup, le clan très restreint des rares cinéastes qui ont tenté (et parfois réussi) d’user du cinéma pour susciter chez le spectateur une émotion MYSTIQUE !
Plus anecdotiquement, on remarquera, dans le rôle de l’un des deux officiers accompagnant le "méchant" commandant Hsu, le jeune Sammo Hung Kam-bo (alias Sammo Hung), futur acteur et grand réalisateur du cinéma d’action HK, alors âgé de 19 ans.
Magique!
Réalisé avec une virtuosité de tous les instants, Touch of zen culmine dans une dernière heure proprement hallucinante! Le tourbillon de couleur, de corps, de sensations plus divers les uns que les autres laissent une impression impérissable. Au delà de la richesse thématique c'est cette démesure du cadre, ce renouvellement perpétuel de l'image, qui sucite un émerveillement toujours renouvellé.
Que ce film ait ravi l'attention de la critique occidentale n'est pas qu'une injustice (le film est un faux film de genre et en ce sens n'est pas totalement représentatif du cinéma de l'époque) loin de là. Ce pur joyau avait de quoi aveugler tant toutes ses facettes miroitent infiniment dans l'éclat de sa perfection.
UN MODELE DE PERFECTION
La quintessence du beau pendant 3 h
King HU est un maitre et « A touch of zen » le sommet de son œuvre.
En fait ce film dépasse le cadre du wu xia pian, il le transcende.
Le cinéma asiatique, notamment celui de HK, en occident est perçu comme un cinéma populaire, un cinéma de genre, ce qui n’est d’ailleurs pas faux.
Il est en effet difficile en appréhendant le ciné HK de séparer les notions de film de studios, film de genre ou film d’auteur. C’est pour cela qu’il a été d’abord accueilli avec circonspection en occident. Pensez donc, des films en costumes avec des arts martiaux !
Cet accueil peu enthousiaste au début peut s’expliquer pour une part au fait que le ciné HK fut longtemps confiné dans le ghetto d’une distribution confidentielle en occident.
L’évaluation critique d’un cinéaste aussi remarquable que King HU s’est donc fait sur le tard. La critique lui a alors reconnu le statut d’un véritable « auteur »,et à juste titre !
« A touch of zen » est un film de genre, le wu xia pian, par essence mais il est surtout bien plus que çà !
C’est surtout l’œuvre d’un cinéaste artiste, véritable calligraphe de l’écran, qui n’aura de cesse de composer d’éblouissantes compositions plastiques.
En fait ,comme tous les grands cinéastes, King HU transcende le film de genre pour arriver a quelque chose d’autre, le stade dans lequel un film acquiert une dimension plus globale. Au même titre qu’un John FORD transcende le western, King HU touche à cette même dimension.
De plus, ce film est la synthèse artistique de son auteur : c’est au confluent de la peinture, de l’opéra, du théatre…
Dire que « A touch of zen » est une œuvre importante dans l’histoire du cinéma asiatique, n’est pas lui rendre justice.
C’est une œuvre importante dans l’histoire du cinéma tout simplement.
Un grand film
En effet, King Hu peut prétendre être un des rares réalisateurs avec un language particulier et personnel.
Son montage, qu'il fait lui même, ne ressemble en rien. Ses cadrages non plus.
Divisé en 2 partie au niveau rythme et en 3 au niveau thématique, ce film est un films "chinois" dans son essence.
King Hu, lettré et peintre, réussit à transposer la peinture chinoise au cinéma. La musique,la photo, la structure provoque en moi un sentiment très "jung". C'est à dire que la vision de ce film provoque en moi l'afflu de faux souvenirs. De sensations qui me ramène à des "souvenires" faient de sensatiuons, de sentiments ect etc.... comme si dans mon enfances j'avais vécus dans une peintures chinoises. Pour être plus claire, je regarde ce film est j'ai l,Impression qu'il me rappel les films et les animations asiatiques qui me procuraient les mêmes sensations. La sensation d'être en Chine, dans une peintures chinoise... mais voila, aucun films ne ressemble à ça.
King Hu voulait transposé l'idée d'une tradition chinoise remontant du fin fond des ages. Que l'image qu'il présente soit vrai ou fausse, cliché ou non, elle participe à l'idée que l'on se fait de l'Asie confucéenne.
Côté contenu, on retrouve les thématiques de King Hu, soit la stratégie militaire d'un petit groupe en affrontant un plus gros, la position de l'intello et de l'artiste dans la société (les marginaux en fait, que ce soit les vagabon alcoolique de Come Drink With Me ou le poete de Touch Of Zen), les femmes comme forces de la Chine, sa haine des polices secrètes et les aléa de la quête du pouvoire.
Je ne suis pas outre msesure surprise de voir les notes si bases accordé sur ce site. Bien que mettre un 2 à ce film me choque, je comprend. La première fois que j'ai vu ce film je me suis demandé comment un occidenal pourrait aimer ce film.
La première partie lente, contemplative emmerdera le spectateur qui a grandis avec la Playstation, le fan de film US et d'Action, la génération MTV mais par contre ravira l'intello, le critique sérieux et le tenants d'Ozu. Surtout que pour une fois, le film correspond à une certain idée exotique qu'ils se font de l'Asie.
Par contre la deuxième moitié n'est qu'action. Elle pourrait plaire aux fans de films d'actions (quoi qu'ils trouveront surement que ça manque de CGI et de Boum Crac Bang) mais risque de dépalire aux snob intello.
En fait, en dans le monde du cinéphile où l'univers se divise en deux, d'un côté les intello Bergman-Tarkovsky (ou plus vraisemblablement Kusturica, Rohmers et le programme de Cannes) et de l'autre les fans de "films qui arrache la gueule" et autres James Cameron-Matrix, comment les films de King Hu pourraient trouver leurs place.
Olivier Assayas déplorait ce fait dans le numéro Mythique spéciale HK alors qu'il constatait que le cinéma de King Hu trouverait difficilement publique, que sa place était tellement particulière et entre le ciné populaire et d'auteurs, qu'il se pourrait bien que King Hu sombre dans l'oublie ou alors ne puisse plus continué sa carrière. c'Est que ce qui est arrivé.
Et à voir le basses notes sur ce site, on se dit qu'Assayas est un prophète.
Mais j'aurais tant aimé qu'il se trompe.
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Depuis que j'ai fait cette critique, d'autres critiques ont été écrite. Et les notes sont plus hautes... ça fait chaud au coeur. King Hu est mort pratiquement oublié par l'industrie. Mais on ne l'a pas oublié nous.
Mille fois grandeur...
La grandeur de l'oeuvre en fait l'équivalent chinois d'un Lawrence d'Arabie, King Hu distille son grand savoir, son pointillisme du détail qui donne à chaque élément de chaque plan, une place primordiale. Les personnages occupent un espace qui les engloutit pour mieux les magnifier. Le personnage du jeune lettré calligraphe comme lien entre les protagonistes de cette histoire de complots, serait-il le reflet de la pensée du maître ? Quoi qu'il en soit le souffle épique qui nous fait passer prêt de trois heures de bonheur fait de cette oeuvre une espèce de passage essentiel pour tout amateur de grand cinéma.
Perfection.
King Hu a réinventé le cinémascope en y portant les corps dans tous les coins. Il a aboli les limites de l'image, a redéfini les rapports au champ, a scellé le destin populaire du cinéma de Hong-Kong, a quitté le domaine de la représentation, a déconnecté les corps des lois du réel. C'est le maître et Touch of Zen est son chef-d'oeuvre.
OEUVRE D'ART
A Touch of Zen est une réussite sur tout les points . Le film, qui dure quand même trois heure, ne lasse pas une seconde et cela malgré la lenteur qui sans dégage . Cela est dû au talent de King Hu ; la mise en scène est esthétique et sophistiquée, le scénario est à la fois nuancé, suptil et pleins de rebondissements, les costumes d'époque sont beaux et les décors intèrieurs sont superbes (forêt de bambou, lac et montagne ... ) . Les acteurs jouent tous juste et on a du mal à savoir qui est bon ou mauvais . La musique est parfaitement adaptée ... Brèf, les superlatifs semblent fait pour "A Touch of Zen" et le mot chef-d'oeuvre s'impose de lui même .
A propos du temps dans A touch of Zen et Il était une fois dans l'Ouest
Le travail du temps... mais c'est loin d'être simple.
Sergio Leone, sa temporalité, je crois que c'est consciement un apport du cinéma japonais. Il le fait remarquer, je crois.
Le Wu Xia-Pian a été influencé par le chambara à une époque (années 60), même si étrangement, au niveau de la gestion du temps, en dehors du travail de King Hu, c'est quasi le contraire qui va se dévelloper dans l'industrie cinématographique hk. Mais le cinéma de King Hu n'est pas plus japonais que chinois, il est même peut-être juste chinois.
Un guerrier, un homme se battant directement contre la mort, peu importe le lieu d'où nous le voyons, évolu dans des archetypes stables. Le temps du guerriers, sabreur, flingueur etc., est plus animal, ses codes sont plus primitifs. Lorsque les combattants de King Hu s'observent, ils ne s'observent pas juste parceque ceux de Sergio Leone s'observent aussi. L'observation avant l'affrontement est un temps brut. Les personnages de King Hu comme ceux de Sergio Leone gérent ce temps de l'affrontement. L'esthétique des films est en partit dû au choix, à différent degré, de prendre comme perspective dominante de la narration cette gestion du temps de l'affrontement. Chez Sergio Leone ce temps est peut-être plus chargé dramatiquement, moins brut, moins pur. Les personnages de Sergio Leone répondent au pathos d'une tradition dramaturgique occidentale.
Chez King Hu la condition de l'action des personnages est vidé de son sens, soit du fait de l'absence de "profondeur" psychologique justifiant le désir, la volonté d'action (Raining in the mountain), soit du fait d'un désir d'action nécessité par l'oppression direct d'un système (Touch of zen). Les raffinements de la ruse n'ayant comme fin que l'efficacité de l'action, ils ne perdent rien de leur nature animale. Ce qui humanise le désir, et la forme de l'action déployé par les guerriers de King Hu ce n'est pas la raison psychologique de l'action, mais le contexte et la culture de leurs gestes. Dans Touch of zen, Hsu Feng ne désire pas venger son père, elle désire d'abord échapper à la mort en fuyant ceux qui la traque.
Mais aude-là de la volonté, du mouvement porté par les personnages peuplant ces oeuvres, la temporalité de King Hu rejoint une base plus fondamentale, une perspective de travail du temps commune à une longue tradition picturale, religieuse, en extrême orient. A l'opposé le travail de Sergio Leone semble avoir été comprit comme une déconstruction.
C'est peut-être un cliché de le dire, mais la modernité occidentale a peut-être rejoint la tradition extrême-orientale. La croyance en l'importance du travail de l'espace artistique par l'action, la multiplication des signes comme signe de richesse de sens, a été substitué à une croyance au travail d'un espace artistique plus sous l'emprise du vide. Cet espace moderne cherche moins intentionellement à porter le sens en le faisant évoluer en connivence avec des figures humaines, anthropomorphiques, bourrées d'intentionalités. Les figures humaines qui s'agitent dans l'espace traditionnel du drame occidental sont à la hauteur de la porté du sens globale de l'oeuvre, elles portent même l'essentiel du sens. Leur narration porte la substance créant la temporalité de l'oeuvre, leur histoire est l'histoire de l'oeuvre. Dans la tradition asiatique que rejoignent les figures, formes de King Hu, des personnages s'agitent tandis que la temporalité que tend l'oeuvre relativise cette agitation. Les personnages les plus proche de la temporalité vers laquelle tend l'oeuvre, chez King Hu, sont ceux qui s'agitent le moins. Ces personnages qui évoluent essentiellement dans un espace sacré, portent en eux le mystère que tente d'atteindre le travail organisant l'espace de l'oeuvre.
Chez Sergio Leone la temporalité de l'oeuvre ne dépasse pas les personnages qui agissent. L'homme à l'harmonica chargé de pathos a un but très clair, il porte la narration. L'espace temps dans lequel évoluent les personnages d'Il était une fois dans l'Ouest débordent, mais les personnages comprennent ce débordement, ils tentent de le faire travailler dans leur sens.
L'oeuvre de Sergio Leone décrite ici ne répond donc pas à la définition de la modernité comme régime esthétique rejoignant la tradition esthétique extrême-orientale. Dans les films de Sergio Leone le vide travaille majoritairement comme suspensition du temps, il est un contre-temps, il n'est pas le temps dominant. Il est essentiel à l'approfondissement des figures qui peuplent l'espace du film, mais il n'est pas une fin à l'état du monde dans lequel elles évoluent.
Ainsi la temporalité de Sergio Leone rejoint celle de King Hu à une seule echelle : celle de la gestion qu'en font les personnages agissant. L'homme à l'harmonica choisit, par son mutisme, sa manière de poser des enigmes aux personnages adverses, de faire durer le suspens. Sa gestion de la temporalité domine la narration de l'oeuvre.
Dans Touch of Zen, le temps n'est pas totalement géré par les personnages portant le récit. D'ailleurs, à l'opposé, par principe, les personnages qui n'agissent pas, ceux qui se trouvent dans la temporalité sacré du zen, ne gérent pas le temps, mais l'accompagne.
On trouve donc deux types de personnages dans Touch of Zen et Raining in the mountain : ceux qui occupent le plus longuement l'espace narratif, qui sont ceux qui agissent, et ceux qui occupent moins cet espace, qui sont ceux qui ont fait, en grande partie, le choix de l'inaction.
La première catégorie de personnages est proches de la temporalité des personnages de Sergio Leone, la gestion des temps "vide" qu'opére ces personnages est stratégique, elle vise à mieux faire aboutir l'action. La seconde catégorie de personnages n'a pas d' équivalent dans le cinéma de Sergio Leone. Ces personnages sont ceux qui porte l'essence de l'oeuvre, du moins l'idéale qu'elle aimerait présenter. Ces personnages sont porteur d'une pureté du temps, cette dimension du temps est celle qu'accompagne, qui accompagne tout homme au delà de toute gestion intentionelle, ou même consciente, de sa substance. Ce temps concerne tout les êtres, il ne s'agit pas juste du temps des héros de Leone, ni celui des samouraïs de chambara et des chiers de wu xia-pian. C'est un temps qui dépasse la substance de l'action.
Mais il est possible de nuancer cette opposition en soulignant le fait que chez Sergio Leone ce temps existe. Ce temps se présente dans les rapports qu'ont les personnages avec la mort. La mort a un poid réel dans Il était une fois dans l'Ouest, mais les personnages tentent de dominer leur mort, leur désir d'action est lié à la mort. D'ailleurs il a souvent était dit que le personnage de l'Harmonica revenait de l'au-delà.
La différence entre la temporalité du cinéma de King Hu et celle du cinéma de Sergio Leone, c'est l'amplitude de l'ouverture de cette temporalité. Le temps de King Hu est peut-être plus ouvert, il se déploi au-delà du désir d'action des personnages. La temporalité fondamentale du cinéma de King Hu, du moins celle vers laquelle l'oeuvre a pour projet de tendre, se fait hors de portée de la volonté des personnages construisant l'action, la narration.
nb : Je comprend mal la classification de Leone dans la post-modernité. Lorsqu'il dit qu'Il était une fois dans l'Ouest c'est du cinéma-cinéma je ne capte pas. Le cinéma de Leone n'est pas plus du cinéma-cinéma que le cinéma d'Antonioni, du moins à mes yeux.
Une perle
Il semblerait que King Hu est atteint avec ce film la perfection et l'élégance ultime.Son oeuvre est d'un raffinement extrème et un souci des cadrages inégalé.Un trés grand film du maitre.
Classique novateur
Inspiré par la nouvelle "La Fille héroïque" extrait des "Contes extraordinaires du pavillon des loisirs", Hu met près de quatre ans - dont deux uniquement pour le seul tournage - à mettre en scène un aboutissement de tous les classiques du genre revisités à SA manière.
Magnifique fresque en trois parties, Hu puise dans tout le répertoire du cinéma chinois et notamment du wu xia piang. En résulte une immense oeuvre, parfois bancal, pas toujours abouti (notamment dans quelques scènes de combat, tel que la forêt des bambous), parfois traînant, mais à la dernière partie majestueuse. Le fameux "touch of zen" est merveilleusement rendu et élève le film à une hauteur philosophique rarement atteinte dans un film de cinéma. Faisant fi aux genres imposés pour s'assurer un succès publique, le cinéaste réalise un chef-d’œuvre monumental - ni plus, ni moins !
vie, mort et karma...
A la suite d’une machination ourdie par un clan concurrent, toute la famille de la jeune Yang est vouée au massacre. Celle-ci s’échappe grâce à deux généraux fidèles, et après deux ans d’entraînement dans un monastère bouddhiste, s’en va mener une vie tranquille dans une province reculée, où elle rencontre Ku, jeune peintre et lettré que sa mère cherche à marier. Mais ses ennemis ne l’ont pas oubliée, et dépêchent des troupes pour en finir une fois pour toutes avec la jeune rebelle.
Plus tranchante que ses lames qu’elle forge elle-même, la belle Yang distribue mort et vie dans ce grand « film de sabre » qui se révèle finalement l’une des rares tentatives abouties (avec récemment le Printemps, été… du coréen Kim Ki-duk) de mimer par sa structure et son essence même un cycle de la grande roue karmique. (A ce titre, le film est plus proche parfois d’un Jeremiah Johnson ou d’un Dersou Ouzala que des récents et plutôt creux avatars du film de sabre que furent Hero ou Tigre et Dragon).
Les combats à l’épée, passages obligés du Wu Xia, ne sont pas ici des ballets mortels désincarnés et détachés du réel. Si Ku au lendemain du Fort Alamo victorieux qu’il a imaginé ne peut réfréner son rire en passant en revue les pièges qui la veille ont permis à son camp de remporter la victoire, il réalise ensuite ce qu’impliquait réellement l’affrontement qu’il envisageait tout au plus comme un jeu : les moines bouddhistes prient pour les morts, nettoient le champ de bataille et rassemblent les cadavres alors que sa bien-aimée est déjà partie pour entrer dans les ordres et expier la tuerie, non sans lui laisser un fils et rétablir ainsi la balance des âmes.
Il faut voir le regard perdu du puissant et perfide général Hsu alors qu’apparaissent les bonzes venus protéger le héros en fuite. Il sait déjà que le combat contre l’Ordre cosmique est perdu d’avance ; c’est dans l’ordre des choses : contre l’impassibilité, il ne peut rien. Par respect pour son maître et entravé pas les basses règles auxquelles ce monde trompeur l’a habitué à obéir, il combattra tout de même, mais cette tentative de changer le sens du flot lui vaudra l’éternelle damnation, à l’image des âmes perdues du récent Infernal Affairs, vouées à errer infiniment dans l’enfer continu que leur promettent les sutras.
Avant de mourir, il a le temps de voir au loin planer l’oiseau de proie qu’il a tenté d’être –sa prochaine incarnation ?-, et le bonze indiquer au spectateur et à l’héroine une voie possible vers la contemplation.
Ainsi, ce film parfois trop long, aux scènes parfois trop sombres ou confuses acquiert peu à peu une réelle noblesse : dépassant le genre ultra-codifié du film de sabre, il propose à travers l’évocation d’une vie, celle d’une jeune femme écrasée par le sort mais qui refuse d’abdiquer, une fenêtre ouverte peu à peu sur l’étendue du cycle, étendue impliquant un détachement personnalisé par les bonzes –montrés comme des incarnations bienveillantes de la transcendance, à la fois impliquées et éloignées des contingences terrestres -qui sont peut-être les vrais héros du film.
Un grand classique du ciné HK. Après une heure de présentation et de mise en place élégante, on passe aux combats aux chorégraphies très aériennes. A noter l'apparition de Sammo Hung alors jeune chorégraphe.
Pourquoi renier le vrai titre : 'HSIA NU' - La Combattante ou L'Héroïne ?
Non loin d'être un chef-d'oeuvre, sûrement le film le plus long en durée de King-Hu, 3h10, et réalisé en 1970-71 à Taiwan avec La Union Film Company, et sa troupe habituelle de comédiens depuis le légendaire 'Dragon Inn', avec Shih-Jun, l'acteur fétiche, Pai-Yin dans le rôle du général Shih, et notamment Hsu-Feng sa nouvelle favorite pour incarner Yang Hui-Ching, la femme héroïque, thème central de ce film. Dans sa version internationale ayant pour titre porteur 'A Touch Of Zen' (rien d'érotique en cela), ce film valu à King-Hu d'être le premier film chinois nominé au Festival de Cannes en 1975. Même si ce film ne fut jamais doublé et restant dans sa VO mandarin, tous les ingrédients furent réunis pour affermir les talents d'esthète du réalisateur.
Avec un début très lent et un peu soporifique qui le différencie de l'enthousiasment 'Dragon Inn' ou 'L'Hirondelle d'Or' (Come Drink With Me), l'histoire commence par raconter la vie et les soubresauts de l'éternel héro candide, l'étudiant Ku Shen Chai (Shih-Jun) comme dix ans plus tard dans 'Legend of the Mountain', l'on redécouvrira cet aspect de la vie estudiantine si cher à king-Hu qui voulait annoncer dès le début la culture et la croyance des êtres simples vivant à la campagne sans songer au drame religieux et surnaturel qui les attend au détour. Mais certaines scènes sans importances trainent en longueur et dévalorisent un peu l'intrigue et l'intérêt du récit qui est pourtant simple et très proche de l'auberge du Dragon (Dragon Inn). Une jeune femme, Yang Hui-Ching, dont la famille a été assassinée par l'enuque Wei sous la Dynastie de Ming se voit contraint de fuir sous la protection du général Shih et tous deux se sont réfugiés dans un petit village dans un ancien fort déserté et insalubre. Il se trouve que l'étudiant en art graphique Ku et sa mère vivent également dans une ancienne maison près du fort. Etant encore célibataire à 32 ans, sa mère veut qu'il se marie avec cette jeune femme mystérieuse Yang Hui-ching incarnée par Hsu Feng. Un jour, un général de l'armée de l'Empereur fit son apparition au village dans le but de retrouver cette fugitive. C'est alors que le récit s'active lorsque les espions du Dong Shang débarquèrent et assaillèrent le fort en pleine nuit. Ku en excellent stratège eut donc une idée géniale qui est celle de faire de sorte que le fort soit hanté par des fantômes (en carton pâtes) pour faire fuir les assaillants. La recette fut bonne puisqu'en pleine nuit, avec l'aide du général Shih (Pai-Yin) , ils tuent un à un les espions du Dong-Shang. Cela laissa aussi le temps à Yang Hui-ching de s'enfuir avec quelques bonzes boudhistes à travers la forêt divine dans la vallée du contrée.
Dans cette fuite poursuivie par le général Hsu incarné par Yin-Chieh Han (toujours le directeur des combats de King-Hu), Yang Hui-ching se sépare de l'étudiant Ku en lui laissant un bébé qu'il devrait prendre soin, car ainsi doit être le destin et la mission de ce célibataire. Et la lutte finale de toute beauté cinématographique du général Hsu avec le bonze annonça déjà la redemption et le repentir pour parvenir après la mort des deux hommes au Nirvana suprême !
Certains fans de King-Hu trouveraient ce récit un peu décousu par rapport à la similitude envoutante de 'Dragon Inn', mais il resterait de ce long métrage le souci de l'esthétisme des images et des plans de cadrage si cher à King-Hu qui amorça en ce début d'année 70 une nouvelle identité artistique et culturelle très liée à la religion bouddhiste et taoiste, tergiversant entre croyance et destins des êtres en ce bas monde comme si tout était écrit dans les sutras divinatoires. Toutefois, King-Hu dit ne pas être boudhiste pratiquant, mais seulement contemplateur de cette doctrine pour en vanter les mérites de sa sagesse, tout en restant 'Zen' que pour une pensée éternelle. D'où peut-être son titre remanié en 'A Touch of Zen' en 1975 lors de sa parution sur les écrans anglais et au Festival de Cannes, tandis que 'L'Heroïne' fut le titre définitif distribué en France.
Dommage également que le héro principal Shih Jun incarnant le candide Ku ne participe à aucun des combats et reste somme toute l'intellectuel de service, tandis que sa prestation héroïque dans 'Dragon Inn' fut par contre sensationnelle. Il est donc à se demander si Shih Jun n'avait dès lors pas adopté lui aussi au même titre que King-Hu une croyance endoctrinée qui les conduisit à la philosophie de la non-violence (?). En tout cas, sa ferveur pour ce cinéaste lui valut le titre de président de la fondation King-Hu après sa disparition.
Paru récemment en DVD sous une première version en coréen, puis en version mandarin par une édition anglaise sous-titrée en anglais ; les deux versions ne se déclinent pas moins en format 2:35 , et nous donnent une qualité d'images cinéma acceptables sans retouche numérique, avec un son crédité stéréo 5.1 mais passable. Les contrastes des nombreuses scènes de nuits ne sont pas assez saturés pour faire ressortir le travail des plans de nuit de King-Hu, de sorte que ces deux versions DVD sont à revoir pour un meilleur travail de restauration numérique. Des rumeurs sur le Net et dans la presse spécialisée courent au sujet d'une nouvelle restauration 2:35 format intégral numérisé en HD par le producteur anglais Bay Logan de mèche avec Celestial Films Production laquelle produit toutes les restaurations des 2500 films cultes de la Shaw Brothers. Une bande son française serait également à l'étude pour une édition française en fin 2004. Il est en droit d'espérer que la HK Legend prévoit également une collection King-Hu pour que nous puissions enfin délecter le nec plus ultra des réalisations chinoises, celles de King-Hu !
A Touch of Zen et au lit !
Comment exprimer ici l'infinie déception qui s'est emparé de moi au visionnage de ce film ?
Jusqu'au dernier moment, j'ai voulu croire au chef d'oeuvre, ébranlé par le décalage absurde entre ma perception du film ( un ennui d'abord étonné puis amer ) et le concert unanime de louanges lu ici où là.
Tout commence pourtant sous les meilleurs auspices, avec une caméra qui prend son temps pour esquisser par petites touches intriguantes une trame quasi-policière...
Nous arrivons dans une petite communauté villageoise paisible et sans histoire, où le quotidien glisse sans heur, banal et rassurant, chevillé autour d'habitudes et de visages familiers au personnage principal. Car au lieu d'adopter le point de vue neutre du spectateur omniscient qui peut se promener sans entrave dans les lieux et les situations interdites au "héros", nous voilà perché sur son épaule, partageant son regard, ses doutes puis sa peur.
Car, lentement, on s'apperçoit que les apprences sont trompeuses et personne n'est ce qu'il prétend être...
De cette découverte progressive, nait un suspens à la fois maîtrisé et réjouissant, que j'ai trouvé tout à fait original pour un wu xia ( mais bon, soyons franc, ma culture en ce domaine est...disons, vraiment lacunaire ).
Autre originalité ( enfin, je crois ) , le personnage principal : un intellectuel, un artiste, à la fois pusillanime et gentiment rebelle, bref un type de "fils à maman " artistiquement campé, qui réussit à être comique sans jamais être ridicule. C'est un vrai plaisir de le suivre dans son "enquête", car son intelligence et sa curiosité se doublent d'un espèce de courage digne et discret que ne vient soutenir aucune compétence martiale.
Bref, je me réjouissais d'accompagner cette sorte d'Alice au Pays des Merveilles adulte de l'Autre Côté du Miroir....
Mais là, l'ennui surgit....insidieusement....D'abord dans une interminable scène de nuit, où notre héros, muni d'une simple lanterne, fouille des ruines à la recherche de la vérité.. An début, on tremble pour lui, certes. Puis, on se dit, ok, j'ai compris là, il traverse le miroir...Mais, pffui, qu'est-ce qu'il met comme temps....Puis on se révolte : où est passé la subtilité ? Pourquoi souligner 10 fois ce que " tout le monde dans la salle, même l'ouvreuse qui n'en a rien à foutre, à déjà compris depuis 10 minutes" ? Pourquoi étirer une scène jusqu'à lui faire perdre toute résonnance émotionnelle ?
Et d'à partir de là, rien ne va plus. Tout vole en éclat. Ni subtilité, ni rigueur scénaristique, ni d'ailleurs aucune maîtrise de quoi que ce soit. D'ailleurs, cette partie du film ne me reste que par quelques vagues indignations. 2 heures à se forcer à éprouver un intérêt et à se sentir coupable parce qu'on passe à côté d'un chef d'oeuvre....
De l'autre côté du miroir coexistent deux trames dont je n'ai jamais senti la fusion harmonieuse.
D'un côté, une histoire politique avec des héros martiaux bien billoux, bondissants sans grâce dans des combats maladroits ( coups non portés, caméra soit inutilement hystérique soit maladroitement ralentie ), de l'autre, une trame mystique avec un paquet de moines pacifistes ( mais bon, bien puissants aussi ) dont le chef atteint le Nirvânâ dans une séquence finale dont je me demande encore ce qu'elle vient foutre là. Et moi, ce dont j'ai horreur, c'est qu'on me balance des séquences mystiques à la gueule ( surtout quelque chose d'aussi "chargé " que ce genre d'allégorie ), sans m'avoir préparé, sans m'offrir de justification scénaristique ( et, au contraire, ce moine m'a l'air trop sacrément lié au monde matériel pour avoir du sang doré ), sans m'avoir mis en empathie avec le personnage, sans lier images et contenu, bref, à sec, si je puis dire....
Et puis, cette difficulté à conclure... Dix fois, le film aurait pu s'achever harmonieusement et logiquement, 10 fois il reprend sa course par petits bonds maladroits, nous étalant copieusement ce qui aurait eu tout intéret à rester allusif et qu'on aurait pu sans difficulté s'imaginer par nous-même...
Et quand on s'ennuie, on fait quoi ? On regarde les images. Là également, quelle déception ! Une charte chromatique limité, une tonalité jaunâtre qui applatit sans jamais magnifier, et quelques beaux paysages dignes, il est vrai, des meilleures cartes postales des années 70, mais filmés sans mystère.
Vous l'aurez compris : A Touch of Zen dans ta gueule, certes, mais même pas mal.
Edit et Ps : à l'appui de mon sentiment de la cohexistence de deux trames dont la fusion dans le film est tout sauf harmonieuse, la lecture des "Chroniques de l'Etrange", des contes du XVIIème siècle, rédigés par Pu Songling. Le metteur en scène s'est servi quasiment
in extenso du conte intitulé " Vengeresse", le 67ème du second rouleau, pour batir la ligne narrative principale. Les moines et la conclusion mystique sont des rajouts.
Comment dire... le film m'a paru tout simplement ennuyeux :(
En dehors de toutes les recommendations que l'on m'avait faites, je n'y ai vu qu'une imposture de Wu Xia sans en être un d'ailleurs. Des scènes qui n'en finissent pas, c'est ça aussi "A Touch of Zen" : 2h45 de ZZzzzZZzz.
Pour moi, pas de poésie ou de quelconque opéra chinois revisité, mais un navet original par sa narration soporifique.
J'ai trouvé les acteurs relativement mauvais, surtout SHIH Chun qui joue le jeune artiste. Ses expressions théatrales sont vraiment comiques, mais hélas ne servent pas le film bien au contraire :)
J'ai entendu parler de mystère et de suspens avant de voir ce film. Où est-il sérieusement ? A aucun moment il n'y a de frissons je peux vous le garantir, et encore moins de moments mystérieux. J'espère croire que ce n'est pas à propos du temple "hanté" que les fans ont écrit ça, car pour moi c'est un des passages les plus énormes du film : rares moments où l'humour fait place à l'ennui.
"A Touch of Zen" est une contemplation infinie d'une beauté rare harmonieuse, si bien peinte autour d'une belle légende... mmmf... hahaha non je plaisante évidemment ! L'art et la manière de voir de la poésie là où il n'y a rien (les spécialistes se reconnaîtront).
Le moine qui atteint le nirvana (si si, sang doré et halo de soleil à l'appui) dans un décors lunaire (vendu ensuite aux studios qui produisaient Bioman), c'est tout sauf sérieux. Ce doit déjà être difficille de pouvoir vénérer un film pareil en le regardant au second degré, alors après triper sur la réincarnation ou le sens de la vie et redéfinir la pensée bouddhiste dans une critique de film c'est au dessus de mes forces...
Grotesque. Tel est le qualificatif le plus représentatif des moyens mis en oeuvre pour faire ce film. Si le réalisateur King HU peut se féliciter d'avoir mis en boîte de beaux paysages, le carton et le papier maché demeurent trop présents à l'écran hélas. La scène de résistance aux troupes armées dans le temple par la poignée de gentils est caractéristique de ce effet roublard : tout n'est qu'artifice. C'est étonnant de voir que cette poudre aux yeux puisse faire pareille recette 30 ans après, mais bon comme on dit, c'est la magie du cinéma :)
Bref, pour moi le film est à jetter en bloc, sur l'autre bord les fans crient à la perfection, il faut croire que la première certitude à relever de nos critiques (à défaut d'objectivité) est déjà la démesure !