Inégal mais maintenu à flots par le charme d'époque
S’il n’égale pas les sommets du cinéma d’exploitation japonais seventies, Sex and Fury est avec Le Couvent de la bête sacrée une preuve vrai sens maniériste que peut avoir Suzuki Norifumi dans ses bons jours.
Scénaristiquement, le film ressemble à un cocktail de Lady Snowblood, de Red Peony Gambler mélangés aux exigences du cahier des charges pinky violence. Ocho doit ainsi à Yuki sa détermination à accomplir sa vengeance tandis que son statut de yakuza errante/joueuse solitaire évoque celui d’Oryu. Le contexte d’époque du film (agitation sociale, pénétration de l’influence occidentale au Japon, figures de politiciens corrompus) renvoie au chef d’œuvre de Fujita Toshiya de même que l’ambiance enneigée d’une des scènes de combat au sabre du film. Le combat final à une contre plusieurs où Ocho extériorise sa rage renvoie lui à ces climax attendus des ninkyo eiga sixties. A une époque où les studios décident d’user de la nudité pour plaire à un public de cinéma devenu essentiellement masculin suite à l’explosion de la télévision, Sex and Fury ne déroge pas à la règle à coup de scènes érotiques ainsi que de tortures. Ocho, c’est Ike Reiko devenue vite une star du cinéma d’exploitation parce qu’elle ne reculait pas devant le fait de se dénuder. Mais le film lui donne une figure rivale de poids en la personne de Christina Lindberg, star suédoise du cinéma érotique seventies qui passera ensuite à la postérité culte ensuite pour son role de vengeresse dans Thriller . Problème : si elle joue correctement, Ike Reiko n’a le plus souvent pas le charisme d’une Fuji Junko ou d’une Kaji Meiko et du coup Christina Lindberg lui fait parfois un peu d’ombre à l’écran. Elle gagne heureusement en présence lors de certaines scènes de combat (combat sous la neige, combat final).
La direction d’acteurs n’est d’ailleurs pas irréprochable : les seconds rôles cabotinent parfois et les acteurs blancs sont dignes du tout-venant des B movies HK 85-95. Le script ne creuse quant à lui pas assez la dimension vengeresse du personnage d’Ocho ainsi que le contexte historique du film. La romance Harlequin entre Christina et un Japonais fait ici pièce rapportée de même qu’un gag lourd du début sur les préservatifs. Le script aurait également pu se passer des passages en voix off où Christina évoque ses états d’âme d’espionne. Si le script offre moins l’occasion à Suzuki de déployer ses talents de styliste que ne le fera celui du Couvent de la bête sacrée, c’est la mise en scène qui demeure le point fort de Sex and Fury et ce dès son ouverture stylisée. Lors du combat sous la neige, ralenti et arpèges de guitare hispanisants se combinent pour souligner sa dimension de ballet sabreur. Lors de la partie de cartes opposant Christina et Ocho, Suzuki fait monter la tension dramatique en usant du montage, du cadre, des angles de vue et de la focale. La caméra à l’épaule et le décadrage sont utilisés pour souligner le chaos d’une bagarre. La mise en scène de la scène de torture d’Ocho accompagnée d’orgues évoque elle les scènes de torture du Couvent de la bête sacrée. Si les allers-retours de zooms peuvent parfois saouler, le film vaut aussi par son vrai travail de mise en scène et de cadrage pour donner de la tension aux scènes érotiques. La qualité du score est quant à elle dans l’ensemble médiocre de même que son usage. Outre le passage hispanisant mentionné, le combat final est ponctué de solos de guitare rock lui donnant une coloration mélancolique. Les reste du temps, ce n’est que score mièvre de mauvais film érotique utilisé de façon convenue.
On est au final loin des meilleurs Sasori mais Sex and Fury finit par témoigner des qualités stylistiques du cinéma d’exploitation japonais seventies, qualités sans commune mesure avec celles du cinéma d’exploitation occidental de son temps.
Sexy et furieuses ! Ou quand même la neige carbonique
J’aime assez ces titres qui annoncent la couleur. Et de la couleur, on en a ! Le rouge du sang bien flashy 70’s devant, le blanc de le neige immaculé par derrière (le fourbe !) et cette couleur chair, faible mais forte, plus criarde que pastel, passe-t-elle habillée ou non. Et non, c’est non !
"- Mais… mais enfin Monsieur, puisque je vous ai dit non, enfin !"
"- Tu vas voir ce que tu vas prendre, toi, sale chienne !"
A l’animal de se cabrer, de sortir le sabre comme on montrerait les crocs à l’escroc adipeux. Peu s’en faut, le sang faux coule à flots. Sexe d’abord, furie ensuite, furent-ils avant qu’ils n’existèrent plus après.
Et après ?
La forme domine le fond comme on dit, parce que si l’on voit bien les formes de
Reiko Ike et de la suédoise
Christina Lindberg - prononcer
« Kurisuchina Rindobaagu » –, en guise de fond qui nous élèverait l’esprit on trouve surtout du jambon qui tendrait à nous faire lever autre chose. Diantre ! Ce film n’est certes pas fait pour les végétariens ! Y’en a, de la viande, y’en a même un peu plus, je vous le mets quand même ?
"- Laissez-la reposer sur la neige madame, ça va la conserver. "
Reposer, tu parles ! Voilà qu’elle s’agite toute seule sur la neige, la jolie côtelette ! Qu’elle se met à zigouiller à tour de lame pendant qu’un zouave, hors champs, pas fou, se met à nous jouer une zic à la
Vladimir Cosma. Manque juste un
Henri Guibet dans le décor pour compléter le tableau et... mais je le vois ! Il est là ! Déguisé en japonais, il joue le comique de service chez nos belles amies les pickpockettes. Les objets sont volés, les femmes violées, olé ! Le fétichiste se moque du fond, il ne vit que par les choses et pour la chose. En soi, c’est une ode au fétichisme que ce film, qui en l’absence de raison, de moteur, aligne les objets – cartes, femmes, jambes, seins, cuisses, meubles, revolver, sabre, tatouage… - comme on nouerait les maillons d’une chaîne. Afin de se concentrer, pour ne surtout pas voir ailleurs, enchaînons la consommation ultra court-termiste de fesse comme on ferait défiler les perles d’un collier bouddhiste.
Furie sexuelle
"Sex & Fury" serait un peu un "Lady Snowblood 2" en moins réussi…un an avant son concurrent; sauf qu'ici; la fin de l'ère Meiji ne sert que de gimmick temporel, et ne fait que peu état du changement socio-culturel.
"Sex and Fury" reste en tout cas un excellent divertissement, impeccable champ expérimental pour des cadrages audacieux, respectant à la lettre le lourd cahier de charges de tout bon film d'exploitation et ne baissant jamais son rythme trépidant. Une totale réussite.
Christina Vs Reiko
Légèrement moins bon que sa suite
Female Yakuza Tale, en grande partie à cause d'une totale inconsistance du scénario et d'un manque de rythme.
Pour autant, on ne s'emmerde pas une seconde grâce à l'excellente confrontation Christina Lindberg (qui annone son texte, japonais ou anglais, avec le même ton de zombie sous valium...) et Reiko Ike (gros coup de coeur).
Visuellement, c'est presque aussi bon que
Yakuza Tale, avec cadrages délirants et ambiance cotonneuse pour l'histoire romantico-érotique entre l'espionne et son amant japonais. D'ailleurs, cette intrigue d'espionnage ne convainc pas du tout, mais la romance encore moins, dont la conclusion est à la fois d'une beauté et d'un kitsch affreusement drôle. On dirait du Brian De Palma période
Blow Out filmé au ralenti avec des gros sabots de pathos. C'est complétement raté mais ça reste amusant et charmant.
A noter, qu'il y a des similitudes troublantes avec
Lady Snowblood (réalisé la même année), notamment une magnifique scène de combat sous la neige filmée au ralenti.
Bref, une très bonne série B.
convainc avec le charme d'époque
Tres bonne bande d'exploitation, A ne surtout pas comparer avec du sasori ou du red peony gambler si ce n'est sur les themes pour ce dernier, ultra divertissant et ultra putassier, sex and fury remporte la mise.
Convainc avec un tel styliste aux commandes.
On ne remerciera jamais assez Suzuki Norifumi d'avoir orchestré avec tant de frénésie formelle, cette rencontre entre Ike Reiko et Christina Lindberg, qui fout indéniablement la trique et c'est peu dire.
Le démon de Meiji
Plus stylé à mon gout que Female yakuza tale, ce film est déforcé par son scénario bancal et une musique souvent niaise. Ike Reiko est sympa et Christina Lindberg est crispante, en anglais comme en japonais. Dans l'ensemble Norifumi Suzuki s'en sort bien et soigne son image au maximum, donnant de très beaux moments de cinéma d'exploitation inventif. Si pas un grand film, de par la faiblesse de son histoire, au moins un beau moment de sexy cinéma soigné et esthétisé.