Ordell Robbie | 2.75 | un film un peu plus convaincant dans sa seconde partie |
Le début de Go assomme le spectateur à coup d'accélérations clippeuses et de surdécoupage insupportable. Ces 10 minutes font craindre le pire et font se demander si la critique japonaise qui a fait du film le triomphateur des bilans de fin d'année ne l'aurait pas choisi à cause de l'audace de son sujet (surtout s'agissant d'un film produit par une major) ainsi que de son succès (la critique locale reproche souvent à l'industrie japonaise de ne pas pouvoir concurrencer Hollywood et attend leur canonisation festivalière en Occident pour reconnaitre ses auteurs les plus talentueux -cf le cas Kitano-), bref une répétition du syndrome Hush. Le film va ensuite se poursuivre de façon inégale: si les éléments clippeux sont moins présents, on note néanmoins à intervalles réguliers des cassures, des accélérations d'images très gratuites, des références occidentales à deux francs (Puccini, JCVD, Brad Pitt) et les acteurs qui jouent les voyous semblent concourir pour le prix de la plus mauvaise grimace.
Néanmoins, la première partie du film contient quelques courtes séquences réussies de bout en bout: la scène de l'abandon par le père de Sugihara de sa nationalité nord-coréenne, la rencontre dans la boite entre Sugihara et la jeune fille aisée Sakurai alors que Sugihara écoute sur son walkman un texte sur la découverte d'une geisha (drolerie assurée) malgré une accélération clippeuse au début, la scène de la révolte de Jong Il contre son professeur ainsi que les entrainements de boxe de Sugihara jeune. Au positif, on a également la voix off de Sugihara pleine de commentaires acerbes sur ses parents nord-coréens prets à abandonner leur nationalité pour pouvoir aller à Hawai et sur sa situation, l'utilisation judicieuse des arrets sur image, le cliché de la romance Sugihara/Sakurai qui passe assez bien dans un film de rebellion adolescente (et donne lieu à une scène assez drole où, alors qu'on pourrait s'attendre à ce qu'elle réponde par le mépris à l'admiration de son nouveau boyfriend pour JCVD, elle se fait encore plus cassante en le reprenant sur sa prononciation erronée de "Van Damme") et la pointe d'humour concernant l'ami de Sugihara nommé Jong Il du nom du dictateur nord-coréen. On regrette alors d'autant plus que la mise en scène plombe un scénario intéréssant.
Mais ce n'est que dans sa dernière heure, lorsque la mort de Jong Il devient le détonnateur du récit, que le film va devenir un peu plus intéréssant sans être pour autant renversant. Là, Yukisada abandonne ses tics clippeux, apaise son récit et filme avec lenteur et retenue alors meme que le problème du racisme explose dans la vie amoureuse et quotidienne de Sugihara. La scène du dépucelage et la dispute qui s'en suit sont réussies rayon retenue. Lorsque Sugihara tabasse un policier, Yukisada offre une discussion apaisée sur la situation des japonais d'origine coréenne et justifie son point de vue à un policier compréhensif ignorant des risques pénaux pour un japonais d'origine coréenne à se ballader sans sa carte de séjour là où un mauvais cinéaste social aurait joué l'air de "la police martyrise les étrangers". La scène de combat père/fils est bien filmée de près et le final, s'il est prévisible, reste émouvant. Kubozuka Yosuke et Shibasaki Kou offrent d'excellentes performances et sont les révélations du film. Au final, c'est un peu comme si après avoir (trop bien) rempli le cahier des charges du blockbuster à contenu (Go est une oeuvre de commande d'un cinéaste qui a d'abord fait sa notoriété en tant qu'auteur), Yukisada faisait enfin son film.
Reste désormais à savoir ce que Yukisada fera de ce succès critique et public. Il y a certes ici de bonnes choses et de l'ambition mais s'il veut devenir un cinéaste qui compte il devra puiser dans sa seconde partie plutot que dans les tics de la première. A suivre...