Xavier Chanoine | 1.5 | Un film complètement raté mais amusant |
François | 0.5 | Un joli ratage |
"Votre beauté m'a violé", l'une des nombreuses répliques heurtées du premier film du pourtant prometteur Jeon Jae-Hong, car sur le papier il y avait de quoi faire : une histoire originale signée Kim Ki-Duk remodelée à l'occasion par le cinéaste lui-même. Une jeune femme, Eun-Young, est la cible des regards de tous, hommes et femmes. Les premiers en sont raides dingues tandis que ces dernières éprouvent une certaine forme de jalousie ou de fascination comme une groupie qui se retrouverait face à sa chanteuse rock préférée. Mais cette beauté n'est pas un avantage puisque Eun-Young souffre de ces regards lorsqu'un acharné l'aborde dans la rue pour finalement la violer dans son appartement en lui laissant sa carte d'identité et quelques autres informations complémentaires. Dans Beautiful qui n'a finalement pas grand chose de beau, le viol entraîne toujours le pardon de l'agresseur, car au fond, il n'est qu'un être rongé par l'amour et la chaire, l'attirance qu'il éprouve pour cette jeune femme. Dégoûtée de sa beauté, la belle va démarrer une cure de laideur, dans le fond l'opposé de ce que souhaite la jeunesse coréenne moderne, adepte de liftings en tout genre et transformer son apparence pour passer incognito : gavage de mixtures garanties 100% matière grasse, appartement poubelle (ou vide-ordure tant qu'à faire) jusqu'au jour où, en regardant une émission de télé, elle apprend qu'une femme maigre peut aussi être laide. Résultat, cure d'amaigrissement à base de médicaments, d'eau et de cours à pieds. Oui, mais le film s'enlise alors dans la comédie involontaire tout en restant très accrochée au premier thème du film, central : l'obsession du corps d'Eung-Young pour la gente masculine, composée de flics obsédés manquant cruellement de tact et d'humanisme, de jeunes branleurs.
Sont aussi présentes à l'appel les femmes soit laides, comprenez par là soit grosses (cliché, la moche doit être enrobée et surtout goinfre) soit superficielles (l'amie d'Eung-Young, opérée du nez pour la rentrée scolaire), des partis pris rapidement écoeurants, tout comme les nombreuses séquences de dégurgitation sensée représenter le mal-être, le déchirement, l'extériorisation de la honte de l'héroïne. D'autant plus inquiétant, personne ne semble être en sécurité, le cinéaste ne montrant ainsi jamais une belle facette de l'Homme : les officiers sensés protéger se moquent du sorts de la victime, l'un d'entre eux devenant aussi à son tour particulièrement accro à elle allant jusqu'à se masturber devant une pièce conviction après le viol d'Eun-Young (une VHS rayon voyeur). Les élans comiques du film nuisent à la crédibilité de l'ensemble, où le sujet grave évoqué par Kim Ki-Duk serait repris par un non-réalisateur : massacre du pitch de départ du fait de l'absence de recul face à Eun-Young, et ce n'est pas le filmage pourtant correct qui puisse sauver l'ensemble du naufrage. Au départ une bobine sombre et pessimiste sur le regard que porte la société coréenne sur ses femmes et à l'arrivée une bouffonnerie de plus. Amateurs de comique involontaire, vous êtes chez vous. Et l'on doit encore supporter un final d'une longueur atomique pour finalement verser dans le gratos et le gerbant. On pardonnera au cinéaste, motivé donc à suivre, ses quelques grosses erreurs de jeunesse : la complaisance, l'absence de pudeur, le surlignage des effets crades (vomi, meurtres au revolver) et cette sensation en sortant de la salle d'avoir pensé le contraire de la vision du cinéaste sur son propre film. There's a crack on everything...