C'est pas du tout une attaque frontale, Arnaud – au contraire, j'ADORE la plupart de tes critiques…
En revanche, des critiques comme al tienne concernant "Wonderful Town" me font toujours sortir de mes gonds (et ce n'est pas, parce que j'ai beaucoup aimé ce film et en ferai une présentation / débat au Cinéma Le Meliès, mardi 10 juin à 20h00 – et hop pour le coup de pub perso ; ) ).
Non, ce qui m'énerve, c'est le rejet relativement immature d'une ŒUVRE cinématographique, un VRAI film de la part d'un VRAI AUTEUR (dont le talent restera à confirmer par la suite).
Je comprends bien, que l'on ne puisse pas aimer ce genre cinématographique, mais il faut au moins avoir la décence de RESPECTER ce genre et de reconnaître une vraie démarche artistique.
ASSARAT s'inscrit effectivement dans une lignée de réalisateurs à vouloir représenter une certaine REALITE au cinéma. Des artistes, qui ne voient pas une œuvre cinématographique comme une forme de divertissement, où il en faut à tout prix en donner pour l'argent et de mettre des gunfights à tout bout de champ, voitures qui explosent et vaisseaux spatiaux qui s'envolent. Non, ce sont des histories ordinaires de gens comme toi et moi, à qui il n'arrive finalement rien de bien extraordinaire dans leur vie. Tente d'écouter ce que tu DIS dans une journée, tu verras le nombre incroyable de banalités que tu sors – et même Michel Audiard n'était pas connu pour ces tournures de phrases alambiquées outre sur le papier. Tu regardes par la fenêtre, t'es surpris de voir qu'il pleut, ben tu dis "@!#$ ! Il pleut". T'habites avec quelqu'un, t'as besoin d'aller faire des courses, tu préviens: "Je descends faire des courses". Ben voilà ! Voilà des dialogues tout ce qu'il y a de plus naturel, que tu retrouves dans le film d'Assarat. La vie est un long fleuve tranquille, une mobylette, ça n'avance qu'à 30 à l'heure et Assarat veut représenter ce feeling en la filmant entrant dans le cadre, sortant du cadre. Tout comme Tsai Ming-liang met un point d'honneur à faire fumer ses personnages un clope du début jusqu'à la fin. C'est peut-être @!#$, mais ça fait appel à tes propres sens et puis surtout, tu te mets à bien étudier les petits détails, l'attitude du personnage, les imperfections de son physique, la manière d'aspirer la fumée…ou encore d'évaluer le cadre tout autour de lui. C'est peut-être @!#$, mais c'est une manière de VOIR les choses – et qui reflète quand même énormément un certain esprit asiatique, où les gens ont une toute autre notion du temps, bien plsu bénéfique, que nous occidentaux, hyper-speedés et nourris de force au MTV. Je me faisais encore la réflexion en m'enquillant 40 films en 8 jours de Marché de Cannes: tous els films de tous les pays asiats ont tous une manière bcp plus lente à représenter les choses…mais au moins, on se donne la peine de REGARDER l'image, à s'imprégner des endroits, des gens, etc. C'est un parti pris, je comprends, qu'on ne puisse pas aimer, mais faut également prendre le parti pris de respecter la démarche du réalisateur.
Tu compares le cinéma d'Assarat à celui de Tranh – rien à voir, sauf un rythme plus lent. Tu condamnes celui d'Apichatpong – là, tu t'égares totalement. Apichatpong est un vrai ARTISTE (prouvé), qui a une vraie démarche artistique, une vraie thématique, un cinéma extrêmement fort et lourd de sens.
Assarat est davantage dans la "démonstration". Il se fait encore les dents et tente avant totu de capter une ambiance, le comportement humain, rien de plus. Tu condamnes le rapport au tsunami – il dit lui-même ne pas avoir sciemment fait le rapport, ni d'avoir voulu évoquer le drame. Son histoire aurait pu se passer n'importe où en Thaïlande; le souvenir du tsunami n'est évoqué qu'en tout lointain arrière-plan avec cette ambiance particulière de la ville détruite et le désoeuvrement des personnages, mais qui – au moment du film – se sont déjà re-construits.
Enfin, bref, il y a énormément de choses à dire et à percevoir – mais je comprends qu'on puisse rester insensible à ce genre de films. Moi-même, j'ai très longtemps été hermétique à ce genre de films et je ne dis pas avoir acquis la "spiritualité supérieure", mais je suis désormais plus intéressé par voir "au-delà" d'une œuvre et de voir la vraie démarche d'un réalisateur, de voir un film, qui me fasse réfléchir. J'adore me mater un bon "Machine Girl" – mais aussitôt vu et aussitôt oublié et ce film ne m'aura rien apporté de plus. Il n'y a pas de message, il ne m'aura rien appris. "Wonderful Town" m'aura donné envie de m'intéresser au comportement humain, au rapport si étrange de la culture asiatique envers l'Amour et l'expression de leurs sentiments en général et plus particulièrement en Thaïlande.
Et puis, j'ai le plus grand respect de jeunes réalisateurs, qui adoptent une démarche artistique dans un pays, qui fait tout pour étouffer ce courant intellectuel au sein de leur cinématographie commerciale. Faut en vouloir, pour mener à bien un tel projet sans aucune aide et fonds de soutien et – surtout – très peu de PERSONNES, qui t'encouragent à poursuivre dans cette voie.
Voilà…j'avais juste envie de prendre un peu la défense de ce petit bijou et de râler contre les critiques un peu très rapides et unilatérales envers des vrais artistes. Plus d'une fois, certaines critiques ont fait part de leur incompréhension que la critique internationale puisse couronner tel ou tel "auteur" chiantissime – ben ouais, mais faut se poser sérieusement poser la question et chercher à voir au-delà – et ça revient un peu à avoir le même type de préjugé que le public général, qui réduit le cinéma asiatique au seul terme de "kung-fu"…