Tsunami de paupières
RLAN ! ! Elles s’abattent si fortement sur la plage blanche du visage blafard d’un spectateur floué qu’elles en emportent tout sur leur passage : histoire, romance, suspens, intérêt etc. Ne reste plus grand chose hormis une bonne sieste et la vague (hum) impression d’avoir rencontré un clone thaï du vietnamien
Tran Anh Hung.
Pour les ceuces qui s’attendaient à découvrir une sorte de nouveau
Peter Weir asiatique, c’est la douche froide, celle d’une
Dernière vague désormais loin derrière. De l’amoncellement de poncifs dans la mise en scène jusqu’aux dialogues indigents débités par des acteurs amateurs, tout passe au rouleau compresseur de cette catastrophe naturelle qu’est l’ennui, un sentiment enrobé d’une écume convenue cachant un réel néant thématique. Il ne suffit pas d'aborder un sujet sensible pour pondre une oeuvre intéressante, devoir de mémoire ou non.
La caméra effectue un plongée totale « à la verticale de l’été » sur des corps dans un lit, les travellings lents de vélos et autres mobylettes en vadrouilles défilent avec une lenteur défiant toute concurrence… et les dialogues sont dignes d’un vieux sketch des Inconnus.
« Il va bientôt pleuvoir… Je vais rentrer le linge… J’ai soif… Je vais chercher de l’eau… »
Le fameux tsunami ? Quelques embruns seulement nous parviennent à travers quelques évocations malhonnêtes du drame. Et ce qu’il y a de bien lorsqu’on est hermétique à ce type de produit calibré, c’est qu’on peut rester au sec. Pour roupiller, c’est mieux. Encore mieux qu’un film de
WEERASETHAKUL Apichatpong, c’est vous dire le bonheur.
Au fil de l’eau
Le Sud de la Thaïlande est un petit paradis terrestre ; végétation luxuriante, climat tropical, gentillesse des habitants. Quand Ton, l’architecte, quitte Bangkok pour superviser un chantier dans une petite ville de la région, il est vite séduit par la douceur de vivre, le calme,… et aussi la jeune femme qui gère son hôtel. De quoi couler des jours heureux à flirter délicatement à l’abri des regards.
Mais le Sud de la Thaïlande a changé ; une grosse vague meurtrière est passée par là, détruisant sur son passage des vies, des bâtiments, et des mentalités. Beaucoup semblent avoir déserté et fui vers la ville, tandis que ceux qui restent cultivent l’aigreur et l’ennui. Et quand un étranger ose franchir les limites de leur petite ville et s’amouracher d’une des leurs, ils finissent par s’en occuper doucement, gentiment, sans traces, au fil de l’eau…
Premier film choisissant comme toile de fond le tsunami de 2004,
Wonderful Town émeut par sa beauté, ravit par sa sérénité, mais trouble par son propos.
Un conte macabre sous influences plutôt bien digérées
Premier film du cinéaste Aditya Assarat, Wonderful Town traite du refus de l'amélioration, de la beauté ou tout simplement de la vie. Takua Pa, petite ville du sud de la Thaïlande, voit arriver sur ses terres un étranger, Ton, architecte de passage le temps de quelques jours. Ce dernier trouve une chambre dans un petit hôtel tenu par Na, une jeune femme avec qui il se lie d'amitié pour finalement tomber amoureux ce qui attirera les foudres du frère de Na et de ses amis visiblement pas prêts de voir naître un semblant d'amour dans leur ville encore en ruine depuis le passage du tsunami. Chômage, errance, sorties en moto ou autres petits marchés provisoires, la vie ici se résume brièvement aux allers-retours des personnages qui vaquent à leurs occupations. Ton, architecte, ne semble pas non plus trop pris par son travail, préférant faire la cour à Na qui ne dirait pas non plus "non" aux avances. Mais plus le film avance, plus le désordre s'installe. Les premiers baisers allument la mèche, Ton retrouvant sa voiture en partie caillassée par on ne sait qui. Mais le cinéaste ne tardera pas à nous donner quelques pistes puisque l'attitude du frère de Na est suspecte : à la fois protecteur mais prudent quant aux relations sentimentales de sa soeur, il ne souhaite que son bonheur à première vue.
Pourtant le doute persiste, les provocations à moto d'une bande de zonards, le souhait de Na de garder des distances avec Ton en publique, tout contribue à instaurer un sentiment de malaise. Le film prend alors des allures de huit clos angoissant, tout tournant autour d'un faible périmètre : les couloirs vides de l'hôtel, la solitude de Na livrée à elle-même, seule face à la pression évidente de son frère et l'amour timide de Ton. Véritable condensé de poésie macabre, le film culminant dans un final pessimiste (un pessimisme qui semble pourtant de routine) à tomber par terre, sans doute sous influences Tsai Ming-Liang et une technique de mise en scène que l'on pourrait soigneusement ranger aux côtés d'un Weerasethakul ou Ratanaruang. Il y a pire comme comparaison, non? Ses fulgurances poétiques, sa volonté de briser les conventions habituelles du film de genre "mélodramatique" auteurisant mais doté d'une véritable sagesse dans la narration, fluide et tranquille, invitant le spectateur à poser un regard à la fois étonné mais prudent sur l'ensemble des protagonistes. Un film du doute, du mystère, dans un terrain en reconstruction. D'où l'image du chaos aussi bien matériel que moral, personne ne faisant le moindre petit effort pour raccommoder les déchirures.
Ma ville est un enfer
De son projet "Hi-So", le jeune nouvel espoir du cinéma thaïlandais indépendant, Aditiya Assarat, n'en garde que la moelle épinière: un homme, développant une relation amoureuse parti loin de chez lui; en revanche, il déplace l'action d'un Bangkok moderne vers une petite ville de campagne et vieillit de quelques années son personnage principal pour en faire un homme ayant depuis longtemps terminé ses études.
Toute la qualité du métrage réside dans l'incroyable ambiance. Proche, dans l'esprit, d'un "In the mood for love" de deux êtres se tournant sans vouloir ouvertement avouer leurs sentiments, Assarat réussit à trouver son propre ton. Rythme lent et lancinant, le film entraîne rapidement le spectateur dans son sillage pour l'aspirer dans un mælström de raisons et de sentiments. La fin est extraordinaire – et d'autant plus terrible, lorsque l'on sait, que le film a été tourné dans l'une des villes parmi les plus dévastées de la Thaïlande après le tsunami.
Comme les personnages du film, il faut garder précieusement secrets et sentiments; mais la Thaïlande tient là un très, très grand espoir du cinéma d'auteur; de la trempe d'un Aptichatpong ou Tsai Ming-liang!!!
Une fin ça va, trois fins bonjour les dégats
Quelque part je suis presque surpris que le film soit bien, faut dire que je ne m'attendais pas à ça. Bref, c'est plutôt bien filmé, un peu de pose autiste auteurisante parfois, mais si peu, et pas bête.
Dommage, le final se prend les pieds dans le tapis, le film semblant pouvoir s'arréter à trois endroits (ce qui n'est pas une mauvaise idée en soi, c'est même assez excitant). La "première fin" est assez chouette et intelligente dans sa mise en oeuvre : bouclant sur la scène d'ouverture elle fait écho au caractère cyclique des catastrophes et des remises en question, avec une impression d'immuabilité, c'est joliment fait. La deuxième amorce une sorte de twist du plus mauvais effet (le type qui téléphone et s'apprête à partir, voilà qui se rajoute à l'histoire sans raison, sans logique, comme une maladroite tentative de rajouter de la profondeur, ce qui ne fonctionne jamais) et le plus étrange c'est que la catastrophe est "évitée" par l'intervention d'un élément qu'on sentait venir et que l'on redoutait (les voyous du village) : en même pas un quart d'heure le film tombe grossièrement dans l'artificialité qu'il avait pourtant évité pendant plus d'une heure. Quand à la "troisième fin" c'est juste de la pose, inutile, qui aurait pu être belle sans le travers artificiel de la "deuxième fin" mais là ne semble n'exister que pour fournir le visuel de l'affiche.