Il en aura fallu du temps à Hosoda Mamoru pour mettre en place ses projets personnels. Recalé par le studio Ghibli, animateur sur la série Dragon Ball auprès de son mentor Yamauchi Shigeyasu, puis metteur en scène de deux commandes pour les vacances (Digimon, One Piece), difficile d’imaginer un tel parcours de la part d’un cinéaste qui, aujourd’hui, tient la tête haute aux cadres du studio Ghibli.
Contacté par Ghibli en 2000 pour travailler sur le projet Le Château ambulant, l’affaire capote une nouvelle fois, comme un écho à l’échec de l’examen d’entrée de ce même studio. Malchanceux, Hosoda sera néanmoins approché par Maruyama Masao, fondateur du studio Mad House, pour réaliser La Traversée du temps, puis Summer Wars, deux films d’animation salués par la critique internationale. Deux films portés par des thématiques très proches, l’amour, la jeunesse, la famille, sous fond de science-fiction. Pour son premier film estampillé 100% indépendant grâce à la création du studio Chizu l’année dernière, Hosoda Mamoru poursuit sa lancée dans l’exploration de l’être, qu’il soit humain ou pas tout à fait, à travers le portrait de Hana, mère courage élevant seule ses deux enfants, Yuki l’aînée et Ame, nés d’un père mi-homme mi-loup.
Traversé par de superbes fulgurances poétiques et parfois géniales d’humour, Les Enfants loups transpose une sorte de relecture de la Belle et la bête au Japon, mais à la Hosoda, c’est-à-dire en posant un regard à la fois attentionné et parfois cruel sur une famille qui aura préféré l’amour à la normalité. A l’heure où les loups sont considérés comme des prédateurs, le réalisateur rappelle qu’il faut savoir parfois vivre en harmonie avec ce qui nous entoure, la faune (les loups) et la flore (la neige, la culture, les éléments naturels), mais aussi tout simplement les Hommes (le voisinage, les premières rencontres à l’école). Hosoda Mamoru réussit par on ne sait quel tour de passe à passe à moderniser une certaine idée du cinéma japonais des grands studios d’antan à la légende, au récit initiatique, à la poésie la plus pure faite par un coup de crayon d’une précision souvent impressionnante. Ghibli est tout bonnement éclipsé en ce début de décennie. La partition de Takagi Masakatsu souligne avec justesse les émotions, le temps qui s’écoule, l’apparition ou encore le rêve, cette ombre lointaine mais parfois si proche dans l’esprit d'Hana qu’est celle de son premier et éternel amour, créature de légende effacée car consciente de sa difficulté de vivre. Le sens du découpage fait naître la surprise, la poésie, le détail. Les ellipses font mouche, distordent le temps, éclaboussent de lyrisme. C’est tout simplement superbe.
Il est parfois bon, nécessaire, de quitter un peu notre espace temps et de se laisser emporter par cette formidable fable, pleine de panache et de personnages bien écrits. Si parfois on frôle le trop-plein d’émotion dans son impressionnant et visuellement grisant dernier quart, Les Enfants loups est le grand coup de cœur animé de cette année qui annonce déjà une formidable compétition d’idées entre les différents studios d’animation de l’archipel.