Après une pause forcée pour raison de santé dans sa filmographie, voici enfin la version du Voyage vers l'Ouest de Jeff lau. Avec sa capacité de contre-pied et son goût du décalage, Jeff Lau livre un pur divertissement au sein duquel il multiplie les réferences comiques très explicites mais aussi esthétiques de manière beaucoup plus discrète mais aussi plus fondamentales en référence à son parcours cinématographique.
Le film commence à l'arrivée en Inde du moine Tripitaka accompagné de Wukong et de ses deux compagnons. Au lieu que le Roi Singe sauve une nouvelle fois le moine, cette fois le film s'interesse au parcours du moine livré à lui-même dans le monde extérieur. Avec de grands renforts d'effets numériques, la référence la plus marquante du film est sans aucun doute Legend of Zu. On ne s'etonnera donc guère de la nomination du film dans les catégories Meilleur Décor et Meilleurs Costumes pour les HK Awards. Sachant mêler librement comédie et merveilleux, les deux étant d'ailleurs chez Jeff Lau étroitement imbriqués avec cette forme d'humour sensible qui n'est pas sans rappeler l'humour de Stephen Chow en plus lumineux. Il ne faudra donc guère s'étonner de la naïveté de l'histoire. C'est à l'interieur même de cet environement que s'inscrit la touche la plus personnelle de Jeff Lau, sont travail sur l'intégration de la photographie comme élément constitutif de l'histoire. Car dans Chinese Tall Story, tout comme dans Chinese Odyssey 2002, l'environnement des personnages est pleinement contributif de l'histoire. Le décor n'est pas seulement le lieu dans lequel s'incrit l'action mais vient souvent précéder la narration, rappelant le travail de Wong Kar-Wai même si ici la contribution esthétique se disjoint de la construction intellectuelle. Le choix de la musique de HISAISHI Joe est parfaitement adaptée à l'atmosphère du film et fait d'ailleurs très bien le lien avec un film qui partage le coté merveilleux de Chinese Tall Story, à savoir Welcome to Dongmakgol.
Il n'en reste pas moins que le film reste lisible sur plusieurs niveaux, le plus immédiat étant la parodie comique, Jeff Lau faisant réference aussi aux films occidentaux, chose qui ne lui était pas habituelle jusqu'à présent, sans délaisser pour autant le cinéma local. La contribution des acteurs dans cette fable reste assez limitée, l'histoire pouvant pour ainsi dire se "passer" sinon d'eux, du moins de leur capacité de performance. Le film laisse une impression mélangée de simplicité et de profondeur qui resiste plutôt bien à l'analyse, confirmant que le cinéma de Jeff Lau se base avant tout sur une richesse et une sensiblité personnelle qui manquerait cruellement au cinéma hongkongais s'il venait à disparaître.
C’est une évidence, c’est irréfutable, ce film est génial. C’est irréfutable, ce film est nul. C’est irréfutable, ce film est un film d’Art. C’est irréfutable, ce film est un blockbuster. C’est irréfutable…. Quelque soit le point de vue que l’on adopte, ce film est une évidence. L’exemple même du film dont l’appréhension que le spectateur en aura ne dépend que de la position initiale du spectateur. Les effets spéciaux sont moyens et cela rend le film médiocre diront certains. C’est peut être vrai. Les effets spéciaux sont moyens et cela participe à l’humour et la poésie du film, diront d’autres. A Chinese Tall Story, de par son caractère évident, me semble être un film pour lequel aucune discussion ne peut avoir lieu entre gens d’avis différents étant donné que les différences ne viennent pas du film, mais de la position initiale du spectateur. On ne peut, même en des termes de grande éloquence et à la sophistique pointue, encourager quelqu’un à voir ce film car il semble presque certain que la démarche aboutirait à une déception pour le spectateur. De même, on ne peut pester contre le film sans risquer l’étonnement d’un spectateur que le film emplira d’enthousiasme.
Chinese Tall Story est une évidence qui s’inscrit de manière tout à fait cohérente dans le travail de Jeff Lau : une poésie pleine d’humour et de sens, une poésie dont la légèreté du discours s’allie divinement au sérieux du propos. Il ne faut pas se méprendre sur le cinéma de Lau qui ondule sur des thématiques chères au réalisateur. Sans parler de l’évidente persistance de cette odyssée du roi singe, Lau persiste dans son questionnement. Le destin, non comme idée, mais comme réalité tangible est comme toujours au cœur du déroulement ; c’est le nœud qui fait lien entre les absolus du début et de la fin. Ce destin se travaille dans un au delà d’un immédiat terrestre et se déplie via le bouddhisme et la réincarnation au delà des perceptions humaines. Il se déplie au delà du film comme l’avait déjà signifié Le Roi Singe où le destin s’étend et trouve sa cohérence dans deux films (Pandora’s Box, Cinderella) comme si c’était deux vies. Cependant, rien n’arrive ici « parce que c’est écrit », mais par la cohérence causale des actes faits, des décisions prises. Le destin chez monsieur Lau est avant tout une histoire d’humains qui tracent leur destin, leur destinée avec leurs actes.
Mais à voir la photographie, Lau a cette force, qui manque à Tripikata, de n’avoir ni regret, ni nostalgie ou fatalisme. Tout, des échecs, des fautes ou de la grandeur est ici sublimé, admiré comme accomplissement. La photographie garde en toutes circonstances cette légèreté admiratif et sans jugement : l’homme semble beau dans son accomplissement, quelque soit le chemin qu’il choisit.
L’héroïne est elle plus belle dans sa tenue d’ange que dans son rôle de serpent ? Bien sûr que non, seulement notre regard profane, comme celui du moine ou de la mère, ne voit sa beauté que dans sa seconde forme, que dans sa forme et non dans son fond. Peut être alors comprenons-nous que son fond n’a pas changé, que son honnêteté demeure et que ce qui change n’est que notre regard. La fugueuse de l’espace sait depuis toujours que ce personnage est beau et quand le film nous le révèle enfin, nous comprenons que la laideur n’existait que dans notre regard, que c’est nous qui, comme Tripikata et la mère, investissions ce personnage de laideur.
La délirante apparition d’OVNI, la guerre des démons ou le ridicule entraînement de Tripikata en tenue « de combat » ne change rien à la valeur humaine du cinéma de Lau : comme il m’est déjà arrivé de la dire de son cinéma, le ridicule ne tue pas. On se rend compte ici que non seulement le ridicule ne tue pas le discours, mais plus encore, il donne une force supplémentaire au traitement des thèmes de monsieur Lau.
Il est évident que Chinese Tall Story déplaira à beaucoup, peut être même en légion. Ce n’est pas grave, c’est juste dommage.
Avec A Chinese Tall Story, Jeff Lau revisite cette Pérégrination vers l'Ouest qu'il avait déjà su dynamiter avec Chow Sing-Chi à la barre. Mais en lieu et place de la réussite espérée, il offre un film témoignant de l'impossibilité de recréer telle quelle dans des conditions budgétaires confortables et avec la jeune garde actuelle des acteurs HK la magie d'un certain cinéma de Hong Kong pré-1997. La recette du film, c'était déjà celle de son Chinese Odyssey 2002. A savoir d'abord un mélange d'humour nonsensique et de romance plus sérieuse et une mise en scène de bonne facture malgré quelques affèteries (l'usage pompier du ralenti).
Avec en plus ici des effets numériques évoquant Legend of Zu malheureusement seulement en surface: pas de vision de cinéaste derrière l'utilisation d'effets spéciaux faisant parfois dans le laid, juste de l'épate. Pour le reste, l'humour nonsensique fonctionne parfois mais moins souvent que dans ses films précédents et la romance est touchante de naïveté sur le papier. Sur le papier seulement, le casting bridant le potentiel du film: si les seconds rôles sont parfois potables, les interprètes principaux sont plus proches de non-acteurs/mèches rebelles que d'interprètes vraiment à la hauteur de leur rôle. Quant au score d'Hisaishi, il sent l'usure d'inspiration du compositeur.
Le charme des films de Jeff Lau tenait à leur folie, leur côté speedé, leur sens du feu d'artifice permanent portant la marque d'une époque désormais révolue. A l'instar du cinéma de Hong Kong, il semble ici incapable de survivre à son passé plus inspiré.
Difficile de dire vraiment ce que l'on ressent après la projection de A Chinese tall story. On ressort un peu éreinté par cette avalanche d'effets visuels proche du néant absolu tant ils ne riment à rien, et l'on ressort en même temps galvanisé par cette merveille histoire d'amour possible/impossible entre un moine et une demoiselle habitée par la laideur. A vrai dire, Jeff Lau revisite à sa manière une légende Chinoise très connue en y apportant tout son savoir-faire acquis notamment avec le déjanté Le Roi Singe très proche au niveau de la mise en scène, particulièrement nerveuse.
A Chinese tall story est donc un métrage léger et amusant, où l'on se surprend à rire des gags bien trouvés et du comique de situation, dont les interprètes prennent visiblement plaisir à incarner ces personnages pittoresques tout droit sortis d'une bande dessinée. Nicolas Tse excelle dans la peau du moine Tripitaka, bien motivé par la pétillante Charlene Choi tout aussi remarquable de naïveté et de fraîcheur. Avec tous ces éléments, l'oeuvre de Lau ne parvient néanmoins pas à impressionner plus que ça. Si le récit fait preuve d'une belle fluidité, on ne peut pas en dire autant de l'aspect visuel relativement lourd. Malgré des décors magnifiques tantôt naturels tantôt parfaitement abstraits, les effets spéciaux s'avèrent particulièrement ratés, à peine digne des premières cinématiques PSone. Un énorme contraste avec la plastique pleine de pureté distillant un agréable parfum de sérénité où il ferait bon d'y méditer. Mais pas de ça ici, A Chinese tall story est un film dingue, habité par une hargne et une envie de bien faire carrément louable malgré les évidentes maladresses dues à un scénario qui enchaîne un peu tout et n'importe quoi à la vitesse de la lumière sans cohérence quelconque.
Techniquement en dents de scie donc, dommage car la bande-son signée Hisaishi est une merveille tant au niveau des compositions que des mélodies. A mon humble avis, le métrage de Jeff Lau aurait pris un sacré coup dans la tronche sans cette musique si géniale, adaptée selon les situations et jouant la carte du drama plus d'une fois. Elle accompagne à merveille certaines séquences oniriques comme l'une des plus belles du film où Meiyan met à l'épreuve Tripitaka en se jetant d'une falaise. Pour finir, il est clairement difficile de classer A Chinese tall story, de le caser quelque part tant l'oeuvre ne rime pas à grand chose. D'un côté on trouve des guignols tout droits sortis d'un sentaï, de l'autre, des ambiances de conte de fées accouplées à un humour auto dérisoire qui fonctionne plutôt bien. Comme on dit, choisis ton camp camarade!
Esthétique : 3/5 - Si les SFX minables cassent l'ambiance, certains décors flattent la rétine. Musique : 4,25/5 - On a connu plus personnel, mais certains thèmes restent poignants. Interprétation : 3/5 - Des personnages caricaturés à l'extrême mènent la danse. On se marre comme il faut. Scénario : 3/5 - Du délire assumé (je suppose) pour un film bon enfant. Dommage que la fin soit si longue.