16ième Festival du Film Fantastique de Gerardmer
Savez-vous que le village de Gerardmer se trouve à une altitude de 660.00 mètres ? Au niveau de son célèbre et très beau lac ? Curieux, j’ai farfouillé dans les vastes caves de la Mairie pour finir par y trouver un vieux grimoire écrit par un certain Léon Chounachil qui, lui, affirme qu’en l’an 1524, alors que le village s’appelait « Giramer », l’altitude réelle y était de 666 mètres. Le chiffre de la bête. Ce même grimoire, renié et caché en l’an 1549 lors d’un énième changement de nom en « Giralmei » aborde l’existence d’une secte vouée à l’adoration de Satan dont le plus puissant des avatars se cacherait, tel Ghadamon dans les Contrées du rêve, au fond du lac. L’existence à peine cachée de cet antre justifie ce Festival, créé de toute pièce par le sorcier Lionel Chouchan, prêtre à l’âge incertain qui se sert des festivaliers comme d’un catalyseur pour aider à l’invocation de son Dieu à la queue fourchue. Lionel Chouchan, Léon Chounachil… Ca sent l’anagramme maléfique à plein nez !
Dans ce grimoire, le chiffre 18 revient souvent. 18, c'est 3x6, c'est à dire 6+6+6… Cette 18ième édition augure ni plus ni moins que l’arrivée destructrice sur terre du Diable. Nous serons alors en 2011 (2009 + 2), et pas 2012 comme tous les zozos findumondistes aiment à le clamer haut et fort. Mais ça n’est pas tombé loin… En attendant ce jour, la bête attend, au fond du lac, ne s’exprimant que par intermittence, frappant la glace par en dessous, en hiver, comme pour nous avertir de son arrivée proche par ce simple conseil sonore, discret mais réellement menaçant…
Le lac de Gerardmer, sous lequel n'est pas mort ce qui à jamais dort...
La question se pose : doit-on arrêter d’aller à ce Festival pour sauver le monde ? Sachant que, pour ce faire, il faudrait arrêter de faire et de voir des films d’horreur ? Est-il décemment possible de vivre sans films fantastiques ? Bien évidemment, non ! Dès lors nous allons tous, sciemment, tels des lemmings, vers notre destin terminal. Profitons-en tant qu’il en est encore temps. Découvrons encore et encore des films, papotons-en joyeusement…
1ère Partie - Les Films en compétition
Grace, Paul Solet (2008, USA)
Ce film a obtenu le prix du Jury. Respect. Je me suis pourtant méchamment ennuyé devant cette histoire convenue, gentiment provocatrice, dont le but flagrant était de mettre mal à l’aise les femmes sensibles aux accouchements difficiles. Et pour cause : ici le bébé est un zombi. Question bébés zomblards, soit on en rigole avec l’indétrônable
Brain Dead de
Peter Jackson, soit on prend ça au sérieux avec un film malsain comme Grace (ou
A l'intérieur...). Seulement là où Peter Jackson ne faisait qu'ajouter cette idée à beaucoup d'autres, le réalisateur Paul Solet étire ce seul embryon sur 85 longues minutes, un pitch pourtant à peine digne, avouons-le, d’accoucher d'un honnête court métrage. Car si jusqu’à l’accouchement le film se tient, ensuite la longue déchéance de la mère et de son bébé est, non pas éprouvante comme un bébé serait éprouvette mais gavante comme le serait un biberon rempli de lait trop entier. C’est une pure question de goût : le film-souffrance est une branche du cinéma fantastique que je n’ai jamais su apprécier.
Hansel et Gretel, Im Pil-Seong (2007, Corée)
Dans son faux petit film
Les frères Grimm,
Terry Gilliam avait réussi son coup : pondre une œuvre résolument moderne rendant hommage aux contes d’antan grâce à un scénario novateur. Ca n’est pas le cas du métrage de
IM Pil-Seong. Ce
Hansel et Gretel est impersonnel au possible, « aux normes coréennes » serais-je même tenté d'ajouter. La photo y est chouette, les décors beaux de mauvais augure. La musique horripilante liée à l’influence majeure de films américains, qu'il s'agisse de ceux de
Tim Burton ou des fondateurs
L’échelle de Jacob et
Carnival of souls, mélangée avec un scénario catastrophe qui nous séoule bien comme il faut (sombre passé, vilains qui n’en sont pas, flashbacks explicatifs laborieux...) concourt à faire de l’objet un produit pré-périmé doublement inutile. Si le début arrive à donner le change c’est uniquement grâce - et non pas "Grace", suivez, on a changé de film - à l’existence d'un mystère, une promesse de surprises. On veut savoir le pourquoi du comment. Très vite faisandé, archi déjà vu, très mal amené, le pot aux roses est à ce point piétiné qu'il n’en est tout simplement pas un. Sauvons les décors, la maison et ses labyrinthes du naufrage, car c’en est un. Pouf pouf, on passe à autre chose monsieur Im Pil-Seong, car votre
Antarctic Journal était, lui, formidable.
Morse, Let the right one in, Tomas Alfredson (2008, Suède)
Le froid mordant s’attaque aux passants inconscients,
Le vent, pire, souffle fort dans leurs cous sans écharpes.
L’enfant blond a des jeux qui le rendent insouciant,
Il n’entend pas celle-là qui est muette comme une carpe.
Lorsqu’il la voit plantée là, il ne s’en méfie pas,
Lui sourit gentiment, lui tend grand ses p’tits bras,
Devient pote pour la vie, à jamais un ami,
Sans savoir qu’avec elle il s’enfonce dans la nuit.
N’ai pas peur petit homme, je n'vais pas te manger,
Moi j’aime être avec toi, je suis là pour t’aider,
Te soutenir quelque peu quand les choses ne vont pas,
Affronter les soucis qui te gênent ici bas.
Etrange fée clochette dont les tintements résonnent,
Aux oreilles des victimes comme une sirène chantonne,
La chimère est en chasse, silencieuse, aux aguets,
Tombant tel un flocon à l’orée du balcon.
Elle quémande un asile à l’occupant charmé,
Qui s’en va lui ouvrir la fenêtre du salon.
Le flocon était blanc, le voilà qui est rouge,
La couleur se répand, sur la neige rien ne bouge.
Midnight Meat Train, Kitamura Ryuhei (2007, USA)
Un
Ryuhei Kitamura qui ne dure même pas 90mn, ça vous tente ? Non ? Vous devriez, parce qu’à ce jour
Midnight Meat Train est son meilleur film. Cette durée le pousse à aller à l’essentiel, aidé qu’il est par un maximum de bonus non négligeables : sa propre fascination pour l’univers de l’écrivain
Clive Barker, dont l'une des nouvelles est ici adaptée, la créature de
Guy Ritchie,
Vinnie Jones, qui apparaît comme une évidence en boucher serial killer,
Bradley Cooper, transfuge de la série
Alias, qui assure en photographe trop curieux,
Brooke Shields (
Le lagon bleu) qui en jette en galeriste perverse… et le soundtrack, très carpenterien, qui nous immerge complètement dans cette ambiance urbaine électrique, violente, malsaine et superbement photographiée, dotée de magnifiques décors inspirés en partie par les propres peintures de Barker. Pour faire simple, on n’est pas volés sur la marchandise : y’a du train de minuit et y’a d’la viande. Les scènes gores en imposent, avec comme coup de cœur le bon coup de marteau que se prend derrière la tête l’acteur
Ted Raimi, frère de
Sam, qui lui ressemble ‘achement d’ailleurs, son œil gauche s’éjectant de l’orbite en gros plan suivi peu de temps après par une décapitation graphiquement gonflée qui devrait rester dans les mémoires.
Voici là l’une des meilleures adaptations de cet écrivain de la chair, à ranger aux côtés de
Candyman et de l’imparfait - mais fascinant -
Cabal. L’ambiance si particulière de ses bouquins y est parfaitement restituée. Sans blasphémer, on peut même aller jusqu’à dire que le film est mieux que le bouquin, l'une des premières nouvelles de son auteur, éditée au milieu des années 80 au sein des fameux recueils « Livres de sang ». Mieux parce qu’étiré, on ne dira jamais assez qu’une nouvelle est plus aisément adaptable qu’un gros pavé. Mieux parce que généreux en folies visuelles, qu’elles soient gores ou proprement bourrines car les quelques affrontements qui nous sont offerts font plaisir à voir. Mieux aussi parce qu’on s’en tape honteusement du pourquoi du comment : les archives explicatives, l’histoire du vieil abattoir, l’ancienne station de train... Deux photos, quelques vagues allusions et roule, on embraye pour profiter au mieux du spectacle : la descente aux enfers du héros. Il s’enfonce dans les bas-fonds de L.A comme
Pacino le faisait dans ceux de N.Y dans le
Cruising de
Friedkin, deux films très proches sur le fond, deux enquêtes en forme de quêtes identitaires aussi révélatrices que destructrices. Et de l’écrire me donne envie de revoir
La corde raide de
Richard Tuggle, avec le grand
Clint, bien foutu aussi dans le genre.
Gerardmer 2009 : Sculptures d'Edouard Heyraud
Du métallique glauquo-fantastique qui fait son petit effet...
2ième Partie - Les Films hors compétition / Inédits vidéos
Bad Biology, Frank Henenlotter (2008, USA)
Quittons les livres de sang pour des frères de sang, voulez-vous ? Bad Biology signe le grand retour du réalisateur
Frank Henenlotter, otter… auteur voulais-je dire de la trilogie dégueu des
Frères de sang, alias Basket Case en anglais (1981, 1982, 1992), d’
Elmer le remue-méninges (1988) et de
Frankenhooker (1990), une relecture barrée du vieux
La Fiancée de Frankenstein (1935). Passons du début des années 90 à 2008 via un bond temporel de presque 20 ans pour ce nouveau délire trasho-goro-rigolo bien gratiné. Mais qu’est-ce qu’il a fait ces 20 dernières années le père Henenlotter ?...
D’abord potache, la chose nous relate les déboires sexuels d’un homme et d’une femme, tous deux monstrueux, et dans leurs organes, et dans leurs meurs. Elle a sept clitoris, jouit à répétitions, tue ses amants et pond des bébés 2 heures après chaque accouplement. Lui a une grosse stouquette qui n’en fait qu’à sa tête, qui a une existence propre...
Même s’il recycle parfois un peu trop Elmer, l’intelligence des monologues, dialogues, plusieurs scènes hilarantes et le culot général provoquent un engouement total. Et, sans qu’elle soit vraiment aboutie, c’est dommage, la réflexion qu’il y a là sur les performances sexuelles et la surenchère « mutante » dans la recherche du plaisir est loin d’être bête, schématisée par un trop plein d’orgasmes abusés jusqu’à ce qu’écœurement et mort s’ensuive. Le tout avec humour siouplé.
Repo ! The Genetic Opera, Darren Lynn Bousman (2008, USA)
Bousman porte décidément bien son nom. Il nous en a fait là une belle avec un titre ayant l'avantage d'annoncer la couleur, conseillant à son spectateur de profiter du show pour récupérer quelques heures de sommeil perdues. Ok, merci, mais baissez le son svp, j'arrive pas à pioncer là...
La comédie musicale est encore plus affaire de goût que ne l’est le cinéma : la musique s’en mêle. Si les gothiques fanas d’
Evanescence y trouveront peut-être leur compte, les autres ne supporteront pas ces morceaux mal construits, les passages continuellement chantés, la tragédie lourdingue et… et… Bon, ok, j’ai dormi pendant la moitié du truc. Disons que les conditions n’étaient peut-être pas optimales pour que j’en arrive à apprécier la chose.
Crows Zero, Miike Takashi (2007, Japon)
Pendant que là-bas les serbo-croates, au Japon les corbeaux croassent. Dans un monde parallèle fantasmé par un étudiant mangaka pour qui le monde se réduirait à une école, des classes et des affrontements, s’affrontent justement des étudiants. Il était une fois, au lycée Suzuran…
Malgré la désormais récurrente photo mocho-verdâtre téléfilmesque que l’on voit partout dans les dernières productions japonaises,
Crows Zero, préquelle au manga
Crows tout court de
TAKAHASHI Hiroshi, tient sacrément bien le bitume de sa cours de récré. Non seulement on s’y met très bien sur la tronche mais en plus on s’y marre dans le plus pur esprit manga. C’est mine de rien assez rare dans un Japon jusqu’ici habitué à se faire piquer la vedette en la matière par respectivement des coréens (
Volcano High,
City of Violence) ou le chinois
Stephen Chow et son humour "mo lei tau" pourtant directement pompé, mais lui avec maestria, sur les mangas japonais.
Crows Zero est trop long – c’est du
Miike – et certains personnages auraient clairement dû sauter au montage, mais ça déborde d’énergie, de jeunesse, de vie. Après un film comme ça, on a envie de dire au Ministère de l’Education Nationale que, après tout, il faut bien que jeunesse se passe, et dans cet ordre d’idée, oui, le citoyen doit payer des casiers de rangements à ses djeuns en sachant pertinemment qu’ils vont se faire défoncer. Comme le faisaient leurs parents en leur temps, maintenant dans un autre univers, sensé plus responsable, plus sage, plus compréhensif.
Ce shonen scolaire (Gakuen) vaut mieux qu’un simple défouloir hormonal pour adolescent faiblard who wanna be a superstar. Il y a une morale ici, un message, et ça n’est d’ailleurs pas innocent si la trame d’ensemble reprend en grande partie
Les garçons de la rue Paul du hongrois
Ferenc Molnár (1906), un chef d’œuvre de la littérature pour la jeunesse dans lequel des enfants s’affrontent sans cesse pour l’obtention d’un terrain de jeu. Tout comme dans ce livre, il n’y a pas ou que très peu d’adultes. A part un père Yakuza, les parents et professeurs n’ont pas leur place dans cet univers. L’un des personnages principaux, Tokio, bras droit malade du balèze Serizawa, fait sacrément écho à Nemeksec, héros désormais national à Budapest même si fictionnel.
Apprendre à devenir un homme, apprendre la bravoure, c’est une étape qu’un homme se doit de franchir au moins autant que l’obtention d’un diplôme, vanté très maladroitement ici mais quand même : il n’est pas négligé comme il le serait dans un manga plus démagogique. Enfin, il n’est interdit non plus de se sentir parfois projeté dans un vieux film de
Fukasaku père, avec ses yakuzas eiga dans lesquels des mafieux n’en finissent plus de s’entretuer. Comme des gosses qui auraient oublié de franchir une étape. Ils sont présents, et à leur place, dans Crows Zero.
Takashi Miike dans ses bons jours, de bons personnages, d’excellents acteurs à suivre (
OGURI Shun,
YABE Kyosuke…) et un excellent rock’n roll made in Japan en guise de BO, qui en remontre à ceux qui n’espéraient rien en provenance de cette contrée sur ce plan, j’en étais, font de ce Crows Zero un vrai bon film jap’ sur la jeunesse, pas si éloigné, sur le fond, du monstrueux manga
Amer béton de
MATSUMOTO Taiyu. En France, un film pareil nous parle aussi beaucoup, beaucoup, beaucoup…
Resident Evil Degeneration, Kamiya Makoto (2008, Japon)
Les gamins de 12 ans aussi ont droit à leurs zombis ! Même que ouais ! Si j’avoue avoir bien déliré sur le jeu vidéo
Resident Evil 4, j’avoue tout autant que le look de tafiole de l’avatar Leon n’est pas du tout ma tasse de thé. Et le voir ici dans ce
Resident Evil Degeneration en super branleur tueur de zomblards m’a plus qu’agacé. Comme en plus rien n’est ajouté en matière de "motion capture" par rapport aux derniers films usants du même procédé, il n’y a pas de découverte, pas de claque visuelle. Plus gênant : user de mocap sur un film de zombis met bien en avant les grosses lacunes de la chose : hors gros plans il est impossible de différencier les personnages humains de ceux zombifiés, tous ayant l’air de morts-vivants avec leurs bras bizarrement articulés et leurs jambes trop raides. Un comble. Ajoutons à cela une BO blockbusterisante à ce point standard qu’elle en est imbuvable, un scénario débile, une avalanche de poncifs qui laissent pensifs, peu de scènes gores, des scènes d'action mal fichues et vous obtenez un divertissement franchement médiocre. Comment ? Vous dites ? Oui, c’est ça, plus nul encore que les films live avec du Jovovitch dedans. Il fallait le faire !
3ième (courte) Partie - Les Courts métrages
Six courts métrages furent projetés à cette session. En aura t'on six autres l’année prochaine et six encore la suivante ? 666, encore ? Aï'f Geb'l-ee'h Yog-Sothoth 'Ngah'ng Aï'y Zhro !!… Pardon, je m’égare.
A ce point blindé de jolis effets visuels, le grand vainqueur
Dix du collectif
Bif, élu à bulletin caché, d’une durée de non pas 10 mais 7 minutes, aurait pu concourir à Annecy en tant qu’anime. Sur le plan fantastique, ça passe aussi. On voit un homme psychoter sur les dalles carrées au sol puis se faire découper en morceaux chaque fois qu’il s’aventure à marcher sur leurs bords. « C’est dans sa tête » que ça se passe, donc visite chez le psy direct. Très efficace.
Persona non Grata de
Jean-Baptiste Herment, journaliste à
Mad Movies, est un exercice de style efficace autour d’un schéma narratif un peu trop vu et revu : le slasher. Ce court, lui, par contre, dure bien dix minutes.
Redrum de
Florent Schmidt (15mn), qui reprend là l’inversion du mot anglais « murder », "meurtre", exploité dans le
Shining de
Kurbick, joue sur la torture en vogue avec ses deux filles s’en allant maltraiter un beau gosse convoité. C’est bien fichu mais bateau et, je le répète, pas mon truc. Fait étrange : y joue l’actrice
Audrey Marnay, également dans l’excellent
Tony Zoreil de
Valentin Potier (20mn), qui nous narre l’histoire de Tony, très sensible au moindre bruit avec ses grandes oreilles. C’est intelligent, beau, très bien filmé, gonflé, très bien joué, marrant… une petite bombe. Le potache du lot,
Paris by Night of the living dead de
Gregory Morin (12mn), éclate du zombi dans la joie et la bonne humeur. Voir une Amélie Poulain zombifiée se prendre une roquette dans la tronche à Montmarte procure une sensation de jouissance assez extraordinaire. A noter : le final au Japon et l’annonce d’un « Tokyo by night of the living dead » nous ramène au sketch « Merde » de
Leo Carax sur le film
Tokyo !, justement, et à son final : « Bientôt : Merde à NY ! ». Je garde mon chouchou perso à moi pour la fin :
Next floor de
Denis Villeneuve (12mn), suit des convives huppés se gavant autour d’une table et qui, trop lourds, détruisent le plancher à chaque goinfrage pour se retrouver à l’étage d’en dessous, puis à l'étage d'en dessous, puis à l'étage d'en dessous… Ils sont suivis par des serveurs dévoués, dociles, d’étage en étage. Quelle peut bien être la chute de cette chute ? Il n’y en a pas, si ce n’est le regard culpabilisant d’un des serveurs nous fixant à travers la caméra à la toute fin du court. La chute des puissants, l’arrêt de leurs abus ne peut venir que du peuple, donc du spectateur, observateur passif. On a là une superbe métaphore, formidablement explicite, ou quand le cinéma fantastique se dote d’une conscience politique bienvenue, en même temps qu'il évoque ses propres limites. C’est très bien joué, la gestion de l’obscurité, des ombres, est tout simplement ahurissante, la rythmique phénoménale… Un vrai petit chef d’œuvre.
BILAN 15 ans de Palmarès à Gerardmer… Et l’Asie dans tout ça ?
Cette année encore, même si l’Asie est présente dans la programmation du Festival, elle repart presque bredouille avec dans ses valises quelques légers prix pour un
Midnight Meat Train réalisé certes par un japonais mais avec tout plein d’occidentaux dedans (cf. palmarès). Remarquons-y toutefois la présence de la belle
Nora, aka SATO Norika, rôle principal du
Lovedeath de ce même Kitamura, ici victime mémorable d’une des meilleures scènes du film.
L’Asie n’a pas toujours été évincée à Gerardmer, loin de là. Dès la première session de 1994 le très beau
Jiang Hu, The Bride With White Hair de
Ronny Yu (1993) remporte le Grand Prix du Festival. Nous sommes au milieu des années 90, le cinéma HK explose et ce film, en France, avive alors notre curiosité envers ce cinéma-là, rare à cette époque. Dedans :
Leslie Cheung,
Brigitte Lin,
Francis Ng. Ensuite, il faut attendre 2003 pour voir attribué au puissant
Dark Water de
NAKATA Hideo (2001) le Grand Prix. Le fantastique virevoltant HK est derrière mais Dark Water est LA planche de surf « rouge » de la nouvelle vague horrifique japonaise, pleine de longs cheveux noirs mouillés. Normal : une vague, ça mouille. A noter : NAKATA Hideo est Président du Jury en 2006 et ce film a été reprojeté lors de cette 16ième édition dans le cadre des rétrospectives. Récurrence horrifique, Dark Water hante le Festival comme la petite fille le faisait dans le film avec son petit sac rouge, tout comme le faisait d'ailleurs cet autre enfant avec son ciré rouge dans le
Ne vous retournez pas de
Nicolas Roeg (1973).
En 2004, c’est le carton plein pour une Asie qui repart respectivement avec le Grand Prix, attribué au coréen
Deux sœurs (2003) de
KIM Ji-Wun, et le Prix du Jury,
La Mélodie du malheur (2001) du prolifique
MIIKE Takashi. Avouons toutefois que ces deux films, en plus de ne pas faire l’unanimité chez nous, ne correspondent pas vraiment à un rebond flagrant de l’Asie. Affaire infernale à suivre...
Lien vers le CR 2004
Lien vers le CR Gerardmer 2007 (dépêche)
Conclusion
Comme d’habitude le cinéma fantastique ne fait qu’incruster des éléments surnaturels dans des histoires naturelles pour souligner certaines dérives, pensées étranges et autres paradoxes de notre existence. Avoir peur d’être enceinte vous fait pondre un bébé zombi, avoir trop envie de sexe vous fait tomber la zigounette par terre, vouloir quitter votre vie douillette vous donne envie de devenir un boucher serial killer, vouloir péter la gueule de vos camarades de classe vous fait basculer dans un monde sans profs ni parents ou, au choix, vous donne envie d’avoir une copine vampire qui vous aiderait à zigouiller les gêneurs. Le fantastique décortique exagérément un sujet pour mieux le comprendre, ou bien comble les vides personnels du spectateur en lui offrant, l’espace d’un film et par procuration, ce qu’il désire. Une très aimable drogue que voilà, fournie par un festival généreux en la matière.
Gerardmer 2009 : Les gens
A Gerardmer, on se les gèle dans les files d'attente, oui, mais c'est hockey.
Le Palmarès
Le jury longs métrages de la 16è édition du Festival du Film Fantastique de Gérardmer, présidé par Jaume Balagueró et composé de Bérénice Béjo, Benoît Débie, Fabrice du Welz, Sara Forestier, Jean-Christophe Grangé, Véronique Jannot, Audrey Marnay, Pierre Mondy et Natacha Régnier, a remis les prix suivants :
GRAND PRIX – BEST FILM :
MORSE (Let the right one in) de/by Tomas ALFREDSON (Suède/Sweden)
(Sortie nationale le 4 février 2009)
PRIX DU JURY – JURY PRIZE :
GRACE de/by Paul SOLET (Etats-Unis/USA)
Le jury de la critique, composé de 5 journalistes, a décerné son prix à :
PRIX DE LA CRITIQUE – CRITICS’ PRIZE :
MORSE (Let the right one in) de/by Tomas ALFREDSON (Suède/Sweden)
(Sortie nationale le 4 février 2009)
Le jury jeunes, composé de lycéens de la Région Lorraine, a décerné son prix à:
PRIX DU JURY JEUNES DE LA REGION LORRAINE – STUDENTS’ PRIZE :
SAUNA de/by Antti Jussi ANNILA (Finlande/Finland)
PRIX DU PUBLIC – L’EST REPUBLICAIN / VOSGES MATIN – AUDIENCE AWARD :
THE MIDNIGHT MEAT TRAIN de/by Ryuhei KITAMURA (Etats-Unis/USA)
PRIX DU JURY SCI FI – SCI FI JURY PRIZE :
THE MIDNIGHT MEAT TRAIN de/by Ryuhei KITAMURA (Etats-Unis/USA)
Le jury courts métrages de la 16è édition du Festival du Film Fantastique de Gérardmer, présidé par Vladimir Cosma et composé de Leila Bekhti, Mabrouk El Mechri, Julie Ferrier et François Vincentelli, a décerné son prix à:
GRAND PRIX DU COURT METRAGE – BEST SHORT FILM :
DIX de/by Bif (France)
PRIX DU MEILLEUR INEDIT VIDEO parrainé par
Mad Movies –
BEST DIRECT TO VIDEO :
TIMECRIMES (Los Cronocrimenes) de/by Nacho VIGALONDO (Espagne/Spain)
Détails, anecdotes, vidéo de la remise des prix et ITW sur le site du Festival :
http://www.festival-gerardmer.com/